Belgique – RDC : Après la relique, parlons argent !

Après le retour de la relique de Patrice Emery Lumumba, ne peut-on pas se pencher maintenant sur le retour des intérêts financiers de la RDC bloqués par la Belgique lors de la table ronde économique, où la RDC avait été flouée, perdant toutes ses parts et capitaux au sein de sociétés communes, banques et autres groupes d’intérêts mixtes qui appartenaient au Congo-Belge basés à Bruxelles ? Le fameux contentieux belgo-congolais !

Comment la dette coloniale a-t-elle été transférée au Congo indépendant ? En effet, créée en 1945 après la 2ième grande guerre, et après dix ans d’existence, la Banque mondiale ne comptait que deux pays membres en Afrique subsaharienne notamment l’Éthiopie et l’Afrique du Sud, tout ceci, en violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ainsi, la Banque mondiale octroya des prêts à la Belgique, à la France, à la Grande-Bretagne, pour financer des projets dans leurs colonies. Comme le reconnaissent les historiens de la Banque : « Ces prêts qui servaient à alléger la pénurie de dollars des puissances coloniales européennes, étaient largement destinés aux intérêts coloniaux, particulièrement dans le secteur minier, que ce soit par l’investissement direct ou l’aide indirecte, comme pour le développement du transport et des mines« . Ces prêts permettaient aux pouvoirs coloniaux de renforcer le joug qu’ils exerçaient sur les peuples qu’ils colonisaient. Ils contribuaient à approvisionner les métropoles coloniales en minerais, en produits agricoles, en combustible. 

Dans le cas du Congo-belge, les millions de dollars qui lui avaient été « prêtés » pour des projets décidés par le pouvoir colonial, avaient presque totalement été dépensés par l’administration coloniale du Congo sous forme d’achat de produits exportés par la Belgique. Le Congo-belge « avait reçu » en tout 120 millions de prêts (en 3 fois) de la Banque mondiale (BIRD), dont 105,4 millions avaient été dépensés en Belgique. Ces prêts constituaient un véritable tour de passe-passe aux dépens de peuple congolais.

Lorsque le Congo accède à l’indépendance, les principaux actionnaires se mettent d’accord pour lui transmettre la charge de la dette contractée par le pouvoir colonial belge auprès de la Banque mondiale. C’est ici la genèse du fameux contentieux belgo-congolais dont le contenu a souvent été gardé secret-défense. Les prêts contractés par la Belgique auprès de la Banque mondiale afin de mieux exploiter le Congo-belge sont devenus une dette du Congo indépendant. La Banque a ensuite généralisé ce procédé qui consiste à transférer la dette contractée par un pouvoir colonial au nouvel Etat indépendant.

Or le droit international des Traités condamne explicitement ce type de transfert de dette. Le Traité de Versailles qui a été signé après la première guerre mondiale de 1914-1918, est très clair à ce sujet. Car en effet, lors de la reconstitution de la Pologne en tant qu’Etat indépendant après cette guerre, il a été décidé que les dettes contractées par l’Allemagne pour coloniser la partie de la Pologne qu’elle avait soumise, ne seraient pas à charge du nouvel Etat indépendant. Le traité de Versailles du 28 juin 1919 stipulait : « La partie de la dette qui, d’après la Commission des réparations, prévue audit article, se rapporte aux mesures prises par les gouvernements allemand et prussien en vue de la colonisation allemande de la Pologne, sera exclue de la proportion mise à la charge de celle-ci…« . Le Traité prévoit que les créanciers qui ont prêté à l’Allemagne pour des projets en territoire polonais ne peuvent réclamer leur dû qu’à cette puissance et pas à la Pologne. Alexander Nahum Sack, le théoricien de la dette odieuse, précise dans son traité juridique de 1927: « Lorsque le gouvernement contracte des dettes afin d’asservir la population d’une partie de son territoire ou de coloniser celle-ci par des ressortissants de la nationalité dominante, etc., ces dettes sont odieuses pour la population indigène de cette partie du territoire de l’État débiteur« . Cela s’applique intégralement aux prêts que la Banque mondiale avait octroyés à la Belgique, à la France et à la Grande-Bretagne pour le développement de leurs colonies. 

En conséquence, la Banque agit en violation du droit international en faisant porter aux nouveaux Etats indépendants la charge de dettes contractées pour les coloniser. La Banque mondiale en connivence avec ses principaux actionnaires coloniaux et avec la bénédiction des Etats-Unis a posé un acte qui ne peut rester impuni. Ces dettes sont frappées de nullité et la Banque mondiale doit rendre compte de ses actes à la justice. Les Etats qui ont été victimes de cette violation du droit devraient exiger des réparations et utiliser les sommes en question pour rembourser la dette sociale due à leur peuple.

Pourquoi alors cette politique de deux poids deux mesures ?

Avec le Plan Marshall entre 1948 et 1951, les États-Unis consacrent plus de 13 milliards de dollars de l’époque (dont 11 milliards en dons) au rétablissement de 17 pays européens, dont la Belgique, dans le cadre de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, aujourd’hui l’OCDE). Le montant total de l’aide correspond à plus de 90 milliards de dollars actuels, dont 3 milliards de dollars actuels rien que pour la Belgique. En plus des dons accordés dans le cadre du Plan Marshall, il faut ajouter l’annulation partielle de la dette de la Belgique à l’égard des États-Unis en compensation de l’uranium fourni pour la fabrication des deux premières bombes atomiques américaines lâchées au-dessus des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945, y provoquant le premier holocauste nucléaire. L’uranium provenait de la mine de Shinkolobwe (près de Likasi, ex-Jadotville) située dans la province du Katanga au Congo-belge.

Premier acte, la Belgique bénéficie d’une annulation de dette grâce à sa colonie dont elle exploite les ressources naturelles. Deuxième acte, une quinzaine d’années plus tard, elle lègue au Congo indépendant avec la complicité de la Banque mondiale, les dettes qu’elle a contractées pour exploiter ses ressources naturelles et son peuple. Pire, à l’accession du Congo-Kinshasa à l’indépendance, la Belgique s’arrange pour lui prendre tous ses actifs basés dans la métropole en terme de sociétés notamment Sabena et autres fonds souverains placés dans de banques belges.

A cet effet, l’on mentionnera que l’endettement du Congo-belge s’est fait dans un contexte où le franc congolais était à parité avec le franc belge. Or, les premiers emprunts émis par le Congo- belge datent de 1936-37 au point qu’en 1949, la dette publique du Congo-belge s’élevait à 3,7 milliards de francs (principalement en francs belges et une petite partie en francs congolais).

En 1950, dix ans avant l’indépendance, le pouvoir colonial avait adopté un plan décennal “de développement” représentant ses propres intérêts et comme celui-ci n’avait pu être mené à bien, le pouvoir colonial avait été chercher de l’argent partout pour compenser un déficit qui allait mener à la faillite.

Tous ces emprunts faits dans l’intérêt du pouvoir colonial avaient été transférés au Congo indépendant, ce qui est totalement interdit par le droit international. L’étude minutieuse de la situation comptable congolaise des dix dernières années précédant l’indépendance montre que, le Congo déboursa plus de 64 milliards de francs pour financer ce Plan de « développement » dont les résultats furent les suivants :

1/ l’augmentation démesurée de l’endettement public : la dette publique passant en moins de 10 ans, de 3,7 milliards à 46 milliards ;

2/ une succession de budgets ordinaires déficitaires à partir de 1957 ;

3/ une inflation qui prit des proportions catastrophiques en 1959 entraînant :

– la diminution progressive de la couverture en or et devises de la monnaie fiduciaire aboutissant le 29 juin 1960, à l’épuisement quasi-total de cette couverture,

– la dépréciation de la monnaie représentant une perte de 90% de la valeur du franc congolais,

– la faillite totale de la trésorerie,

– la fuite massive des capitaux vers la Belgique,

4/ l’accroissement rapide de la dette publique du Congo a donc eu lieu à partir de 1950 jusqu’en 1960 ou elle atteindra 46 milliards de francs.

Au 30 juin 1960, la dette publique du Congo équivalait à 46,1 milliards de francs belges repartis de la manière suivante :

– 35 milliards à long terme et moyen terme,

– 11 milliards à court terme.

Cette dette n’englobait ni l’emprunt de 1890 ni les soldes en dollars de trois prêts de la Banque mondiale (Banque Internationale de Reconstruction et de Développement BIRD) dont la contre-valeur en francs belges était de 36.744.800 francs.

Pour mieux comprendre la dette publique, il faut distinguer deux parties :

I. La dette interne qui est constituée d’emprunts auprès d’institutions para-étatiques et d’émissions de bons de trésor.

II. La dette externe : elle est constituée d’emprunts en francs belges, en francs suisses (c-à-d émis sur le marché suisse) et en dollars. Le pouvoir colonial belge, qui a entraîné pour son propre intérêt le Congo-belge dans un plan décennal incohérent, avait provoqué une hémorragie financière et un surendettement du Congo-belge pour financer ce plan. Cela a inévitablement conduit le pays au bord de la faillite.

A la lumière de cette tragédie humaine, la Belgique en tant que puissance coloniale et d’autres institutions tant bilatérales que multilatérales ont une responsabilité morale et historique envers le Congo. Il est important que celles-ci décrètent, un « plan d’envergure en faveur du Congo-Kinshasa » compte tenu de l’ampleur du désastre dont ont été victimes les Congolais. Car à ce jour, les 46 milliards de francs représenteraient un peu plus de 356.462.505.337,08 €.

  • Bendélé Ekweya té

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