Par Vahamwiti Mukesyayira Jean CHRYSOSTOME , Secrétaire général a.i. du MSR et chargé du processus électoral au MSR et au regroupement politique ADRP, Expert électoral EFEAC/Kinshasa, Député Honoraire et Ministre National Honoraire.
Face à l’horizon électoral de 2023, les grandes manœuvres ont commencé, entre autres l’actualisation de la cartographie électorale et la révision de la loi électorale de 2006 révisée pour la dernière fois en décembre 2017.
Après un débat général sans tabou de 4 jours, la plénière de l’Assemblée Nationale a jugé la proposition de modification de la loi électorale du G13 recevable le lundi 2 mai 2022.
Si les grandes tendances se dessinent au vu des interventions des honorables députés sur les 18 points proposés à la modification, il faut avouer que un des choix majeurs à opérer est l’abandon de la proportionnelle au profit du système majoritaire simple, un débat qui divise toujours les allies à chaque cycle électoral car déterminant la survie de différents partis politiques. Le débat général a penché largement vers le maintien de la proportionnelle.
Rappelons qu’experts et théoriciens du domaine électoral s’accordent que le système électoral est la formule mathématique qui transforme les suffrages (voix) valablement exprimés au cours d’une élection en sièges dans les assemblées délibérantes. Le choix de telle ou telle autre formule peut modifier légèrement ou significativement les résultats des élections. Dans tous les cas, le système électoral est conventionnel et dicté par le contexte.
Ainsi, la loi électorale de 2006 qui a été modifiée à chaque cycle électoral est un des acquis du dialogue inter-congolais de Sun City. Elle vise à assurer une représentation législative diversifiée en situation post conflit dans une société multiculturelle et aux réalités sociologiques variées.
Ce contexte n’a pas changé car des négociations politiques continuent ça et la. Dans ce contexte , il est périlleux d’adopter un système électoral majoritaire simple qui favoriserait de grands blocs au détriment des partis politiques moyens et petits ainsi qu’au détriment des minorités sociologiques comme de petites tribus , des femmes ou des jeunes dont la probabilité de se faire élire serait davantage réduite .
Par ailleurs , il ne faut pas surdimensionner les avantages du système majoritaire simple dit aussi relatif en affirmant qu’il favorise les vrais élus car par exemple un élu , premier de sa liste avec une majorité simple de 30 voix sur 100 votants n’est pas du tout bien élu car la majorité des 70 voix qui ne l’ont pas élu ne seront pas représentées au parlement . Ce qui n’est ni juste ni équitable.
Par contre, la proportionnelle a listes permet de ramasser toutes les voix de la liste pour contribuer au siège. En outre, pour un pays où les idéologies ne comptent pas, seul le programme ou projet de société du parti peut servir d’outil de campagne. Or de fait, un individu n’a pas à lui seul un projet de société qui est une propriété du parti.
Il fallait aussi suivre l’argumentaire du G13 avec des oreilles expertes bien dressées pour comprendre que la volonté de vouloir constituer de grands ensembles politiques exclue les regroupements politiques tel que cela apparaît dans le préambule de la loi actuelle sur les partis politiques datant de 2004. La caricature qui a été fait des regroupements politiques dans la réplique du G13 en dit long alors que quelques cinq partis politiques étaient cités régulièrement. Donc aux prochaines élections seuls les partis politiques présenteraient des candidats pour que disparaissent les moins grands.
Si tel est le cas, la RDC devrait réaffirmer l’exclusion des regroupements politiques de la loi de 2004 et au vu de leur illégalité, ils ne pourraient pas présenter des candidats aux élections. Seuls les partis politiques seraient soumis à la règle de présenter 60% de candidats dans leurs listes.
Or, de 1960 à 2018, aucun parti politique n’a eu la majorité absolue dans la chambre de représentants pour gouverner seul. Même le très populaire Mouvement National Congolais/MNC de Emery Patrice Lumumba n’y ai jamais parvenu. Et si un parti politique gagnait par hasard la majorité absolue en RDC, il n’aurait pas la paix de gouverner ce pays sans que les autres partis politiques ne lui imposent des négociations ou la guerre.
Notons que le souci exprimé par le G13 de constituer de grands groupes politiques en RDC date d’avant les élections de 2011, le PPRD avait voulu que le candidat président de la République se présente à son nom et non à celui de l’Alliance de la Majorité Présidentielle(AMP). Cette option qui aurait été suicidaire pour le candidat de la majorité de l’époque a été déjouée par certains stratèges avertis.
Plus tard , après les élections de 2011, le PPRD, mécontent de partager le pouvoir avec d’autres partis politiques, a rêvé au cours d’un conclave à Kisangani devenir l’Anc (majoritaire en Afrique du Sud ) de la RDC, c’est à dire avoir la majorité absolue . Revenant de Kisangani avec le slogan TUVIMBE (du Swahili, gonflons) double d’une bonne gesticulation de deux bras, le PPRD n’y est jamais parvenu. Les élections de 2018 n’ont pas donné raison aux prétendions de ce parti malgré les astuces utilisées.
Dans le développement démocratique de la RDC, il faut paraphraser l’ancien président français François Mitterrand, laisser le temps au temps. Le système électoral proportionnel à listes a encore sa place en RDC. Il faut plutôt réfléchir sur les regroupements politiques en adoptant une loi qui en fait des partis politiques à leur création entraînant ipso facto la dissolution des partis politiques regroupés car leur mode de fonctionnement laisse beaucoup à désirer . Cela diminuerait en deux législatures les partis politiques en RDC.
Pourquoi ne pas rechercher l’amélioration de la loi électorale ailleurs que dans le changement du système électoral ?
Voici quelques propositions : la parité hommes- femmes dans les listes des candidats ( listes zébrées ), aligner la désignation des gouverneurs des provinces à la procédure de désignation du Premier ministre car le parrainage des députés provinciaux renforcerait la corruption, supprimer le Sénat à la prochaine législature, choisir les suppléants parmi les meilleurs perdants à concurrence du nombre de sièges de la circonscription électorale car c’est la liste qui gagne et non un individu, interdire à un candidat élu sur une liste d’un parti politique à se transformer à candidat indépendant à une élection de deuxième degré, différencier la légitimité identique d’un député national et d’un député provincial élus sur base d’une même circonscription électorale, décentraliser le traitement du contentieux des législatives nationales au niveau des provinces, légaliser le vote semi électronique et les preuves en cas de contentieux électoral , renforcer la procédure d’enregistrement des partis politiques , dissoudre les partis politiques qui ne gagnent aucun siège au niveau national et provincial, …
Toutes ces innovations apporteraient des avancées significatives dans l’organisation des élections dans notre pays. En effet, la RDC ne saurait ramer à contrecourant car la proportionnelle est en progression dans les vieilles démocraties y compris en France où le débat sur l’adoption de la proportionnelle s’est invité dans la récente campagne présidentielle d’Avril 2022. Bref, dans le débat général nos députés nationaux ont vu juste sur cette question, et leur position mérite soutien populaire.