Sur les réseaux sociaux, notamment dans une vidéo sur Twitter, on voit Mme Gueda Yav célébrer l’éviction de son associé Michael Yav Tshikung dans la compagnie aérienne Mwant Jet.
« Evincé de l’actionnariat, merci Etat de droit, vous allez vous accrocher mais naboyi bino sérieusement ! », a ainsi écrit sur son compte Twitter, Gueda Yav Amani, associée majoritaire qui détient 60% dans cette compagnie d’aviation. Elle se base visiblement sur une autre décision qu’aurait rendue le Tribunal de commerce de Kinshasa/Matete le 1er avril.
Naïvement, les esprits faibles risquent de s’y perdre avec cette manipulation dont elle est championne. Non sans raison, personne ne peut comprendre que le même tribunal qui a rendu un jugement en sa défaveur le 23 février dernier, contre lequel elle a interjeté appel à la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe, puisse le 1er avril rendre un autre jugement en sa faveur. Par quelle magie si ce n’est peut-être qu’un arrangement au niveau du greffe !
Mais peu d’explications permettent de bien comprendre le feuilleton « Mwant Jet » qui se joue devant les cours et tribunaux mais évidemment avec manipulations de l’actionnaire majoritaire sur les réseaux sociaux.
En effet, l’affaire a été jugée en première instance par le même Tribunal de commerce de Kinshasa/Matete fin février dernier. Un jugement a été rendu. Visiblement pas du goût de l’associée majoritaire qui est allée en appel. Donc, auprès d’une instance supérieure, selon la procédure réglementaire ainsi que l’organisation des compétences judiciaires en RDC.
En appel, le ministère public qui parle au nom de l’Etat congolais a émis un avis écrit en soutenant, avec argument à l’appui, la décision du Tribunal de Commerce. Fin mars, un jugement est rendu par la Cour d’appel en déboutant l’appelante et en confirmant le premier jugement. Il ne reste maintenant que cet arrêt de la Cour d’appel soit appliqué avec notamment l’installation d’un administrateur provisoire dans cette entreprise d’aviation.
Curieusement, la manipulatrice sort une autre décision du même Tribunal de Commerce de Kinshasa/Matete le 1er avril. Poisson d’avril ? Loin de minimiser sa capacité de nuisance, la situation fait poser des questions notamment sur le fonctionnement des instances judiciaires. Peut-on revenir à une instance inférieure, la même instance pour des faits qui y ont déjà été jugés ? Selon les spécialistes du droit, la réponse est non. D’autant plus qu’il y avait appel et que l’arrêt de la Cour d’appel a été rendu. D’où l’interpellation de l’organe disciplinaire de la magistrature pour des sanctions éventuelles.
Que dit la décision en faveur de Gueda Yav ?
Selon le jugement que Gueda Yav a publié sur son compte Twitter, il est encore une fois désigné un expert-comptable pour « procéder à l’évaluation actuelle des parts sociales de la société afin de fixer le montant global des parts sociales du défendeur Yav Tshikung Michael à lui restituer ».
Sur l’expert-comptable désigné, aucune motivation n’est faite sur ses compétences antérieures, ni sur son expertise. Du coup, on ne parle plus de l’audit demandé par l’associé minoritaire. Montage !
Et même si on voudrait rendre les parts de l’associé minoritaire, il faudra faire l’audit sur la santé de la société afin de régler les problèmes de fond qui est celui de mauvaise gestion. Et Gueda Yav ne veut pas qu’on fasse l’audit. Pourquoi ? Elle a des choses à cacher ou bien elle se reproche de quelque chose ?
Dans cette décision-poisson d’avril du 1er avril, l’on autorise « Mwant Jet SARL à vendre les parts sociales du défendeur ». Encore une fois, sans parler des questions d’audit et d’évaluation de la gestion de la gérante actuelle.
L’on peut se poser vraiment des questions de savoir par quel miracle la justice peut traiter, dans la même instance judiciaire, deux fois la même affaire et rendre deux décisions différentes alors que l’affaire a été portée auprès d’une instance supérieure ?
Poisson d’avril ou pas, prudence oblige, Michael Yav a fait appel contre ce jugement rendu le 1er avril 2022. L’appel étant suspensif, ce jugement n’a pas d’effet. Seul l’arrêt de la Cour d’appel de mars a effet, en ce moment, selon les praticiens du Droit.