Licenciement abusif d’un journaliste congolais : BBC condamnée à payer 15 mille euros Jacques Matand

Quelle que soit la durée de la nuit, le soleil apparaitra. Cet adage appelant à la grande patience, le journaliste congolais Jacques Matand, licencié abusivement par la radio britannique BBC l’a bien intériorisé qu’il a si bien pris en mal sa peine. En effet, l’ancien journaliste de Radio Okapi a attendu deux ans pour voir la justice du Sénégal résoudre dans toute équité son dossier. Celle-ci vient de condamner la radio BBC au paiement de 10 millions de francs CFA, soit 15.000 euros au journaliste abusivement licencié.

Pour rappel, Jacques Matand a vu son contrat résilié en février 2020 pour avoir accordé une interview en novembre 2019 au politologue Charles Onana au sujet de son livre : « Rwanda : la vérité sur l’opération Turquoise », laquelle interview avait été pourtant validée par sa hiérarchie avant publication qui, par après s’est rétractée à cause des pressions exercées par le gouvernement rwandais sur les responsables de BBC à Londres. D’ailleurs, dans sa lettre de licenciement à Jacques Matand, la rédactrice en chef  de la BBC, Anne Look Thiam, d’origine américaine, avait affirmé que la chaîne avait pris cette décision de l’évincer suite à « la plainte du gouvernement rwandais » de Paul Kagame qui n’avait manifestement pas apprécié que le politologue Charles Onana soit reçu sur les antennes de la BBC pour parler de son livre. Aveu qui prouve que le journaliste congolais a été sacrifié comme une âme expiatoire de la chaîne britannique qui tenait à garder et protéger ses intérêts au Rwanda.

Mais les juges sénégalais du Tribunal du travail de Dakar ont qualifié ce limogeage de Jacques Matand par la BBC de « licenciement abusif ». ce pourquoi ils exigent que lui soient versés les indemmnités de dommages et intérêts de 15 mille euros.  

Pour ceux qui ne le savent pas, le livre de Charles Onana est le résultat d’une longue enquête dans les archives du Conseil de sécurité de l’ONU sur les tragiques de 1994 au Rwanda et en République  Démocratique du Congo (RDC). Selon les statistiques internes de la BBC, cette interview de Charles Onana avait été la plus écoutée et ses taux d’audience avaient dépassé d’autres émissions du même format. 

Après avoir auditionné et confronté le journaliste congolais et les représentants de la BBC, le juge a considéré qu’il n’y avait aucun élément prouvant que Jacques Matand avait commis une faute professionnel. L’avocat du journaliste, maître Clédor Ly, vétéran du barreau de Dakar et redoutable procédurier, avait exigé d’avoir la preuve de la plainte du gouvernement rwandais contre l’interview de Charles Onana. Mise en difficulté, la BBC n’a pu produire le moindre document. A-t-elle eu peur d’exposer les autorités rwandaises qui avaient interdit en 2014 la diffusion sur leur territoire des émissions de la BBC à la suite du documentaire Rwanda’s untold story de la chaîne britannique révélant les crimes commis par Paul Kagame et ses hommes en 1994 ?

Le livre sur l’Opération Turquoise, considéré comme le premier ouvrage scientifique sur cette mission et préfacé par le colonel Luc Marchal (commandant des casques bleus belges de l’ONU en 1994 au Rwanda), va encore plus loin. Il révèle que les rebelles du Front Patriotique Rwandais ont adressé plusieurs lettres au Conseil de sécurité des Nations unies pour interdire toute intervention militaire de l’ONU au Rwanda alors que le génocide contre les Tutsi et le massacre de milliers de civils était en cours.

L’auteur explique aussi la stratégie du FPR. Charles Onana démontre à partir des cartes militaires d’état-major, comment Paul Kagame et ses hommes ont planifié dès 1994 l’invasion de la République Démocratique du Congo et le pillage de ses ressources, confirmant ainsi les découvertes des experts de l’ONU dans le rapport Mapping. Plusieurs documents confidentiels accablants produits dans cet ouvrage permettent de comprendre pourquoi le journaliste Jacques Matand est devenu une cible au sein de sa rédaction après la diffusion et le succès de l’interview réalisée avec Charles.

  • Bendélé Ekweya té

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