Anciennement connue sous la célèbre dénomination de Plantations Lever au Zaïre, la société PLZ est devenue autour des années 90 une géante aux pieds d’argile. En 2017, grâce à un investissement colossal de 50 millions de dollars américains de KKM2, l’entreprise labellisée Plantations et Huileries du Congo (PHC) a repris du poil de la bête grâce au leadership managérial des Congolais sous la direction de Madame Monique Gieskes. En un temps record, la production est satisfaisante : 42 mille tonnes d’huile de palme en 2020 et 48 mille tonnes en 2021 avec une projection de 60 mille tonnes en 2022.
Pour fêter cette prouesse, PHC a organisé, samedi 12 février 2022 une cérémonie à l’hôtel Rotana pour primer ses meilleurs agents qui se sont distingués au cours de l’année 2021 dans leur travail. Ce prix PHC Award 2021 a concerné toutes les catégories : Du meilleur ramasseur, en passant par le meilleur récolteur, sarcleur, conducteur engin, Guest house manager, émondeur, jusqu’au meilleur administratif, meilleur social, meilleur chef d’équipe, meilleur chef de section, chef de division, factory manager, meilleur district manager… ; bref, de la cueillette des régimes des fruits de palme, en passant par le ramassage et l’extraction de l’huile, le transport jusqu’à sa commercialisation, aucune catégorie d’agents n’a été oubliée.
En marge de cette cérémonie, quatre rédactions des médias en ligne notamment Ouragan.cd, Opinion-info.cd, Alternance.cd et Scooprdc.net ont eu un entretien exclusif avec le Nigérian Wale Adeosun, chairman du consortium KKM2, actionnaire majoritairement à 80% dans PHC. Il a vanté le leadership managérial de la société incarné par une Congolaise, en la personne de madame Gieskes. « Une année après, on peut voir que des Congolais ont démontré qu’à suffisance, ils sont capables de prendre en mains la charge et la direction de la société », a-t-il témoigné. Ci-dessous l’intégralité de l’interview que monsieur Wale Adeosun a accordée à Scooprdc.net, Alternance.cd, Opinion-info.cd et Ouragan.cd :
Monsieur Wale bonjour !
Wale Adeosun : Bonjour !
Avec KKM2, vous êtes actionnaire majoritaire dans PHC, pourquoi le choix de la RDC pour votre investissement et à combien s’élève-t-il ?
W.A : Notre consortium KKM2, qui inclut Kuramo Capital dont je suis le Chairman et Mafuta qui appartient à M. Mpinga, a fait son premier investissement dans PHC en 2017 en tant que partenaire minoritaire. À cette époque, la société appartenait à Feronia, Inc. Nous avons été attirés par le potentiel de PHC pour créer de l’emploi et de la prospérité socio-économique. Notre consortium a pris le contrôle de la gestion de l’entreprise en novembre 2020 en tant qu’actionnaire majoritaire. L’objectif de notre investissement était de transférer la propriété de la société entre les mains des Congolais.
Nous avions cru et nous croyons toujours que la meilleure façon d’assurer cette transition était de renforcer la capacité des Congolais pour qu’ils prennent le leadership de la société et du processus de sa transformation. Voilà pourquoi nous sommes entrés en partenariat avec un Congolais.
Vous aviez investi combien ?
L’investissement consenti jusqu’à présent est aux alentours de 50 millions de dollars américains.
KKM2 est votre société dans laquelle on trouve Kuramo Capital et Mafuta. Dans combien de pays votre société est représentée et a investi ?
KKM2 est un consortium constitué de Kuramo Capital et Mafuta. L’investissement fait dans PHC est le premier investissement de KKM2 en RDC. Kuramo Capital a déjà fait des investissements dans plus de 20 pays en Afrique et à travers plus de 150 compagnies dans le monde.
Parlez-nous davantage de KKM2.
KKM2 a été spécifiquement créé pour les investissements que nous faisons au Congo. Dans tous les pays dans lesquels Kuramo investit, nous le faisons à travers ce qui s’appelle une entité à vocation spéciale, EVS en sigle (special purpose vehicle en anglais). C’est-à-dire, quand nous saisissons des opportunités d’investissement dans d’autres pays, que ce soit au Nigeria, au Ghana ou au Cameroun par exemple, nous créons une EVS, qui porte un autre nom. Pour chaque EVS, Kuramo identifie des partenaires nationaux qui feront partie du consortium de l’EVS. En RDC, Kuramo s’est allié avec Mafuta dans le consortium KKM2. Dans d’autres pays, nous faisons partie d’autres consortiums avec d’autres noms et des partenaires originaires de ces pays-là.
Qu’est ce qui a motivé de choisir une Congolaise à la tête de PHC ?
Il était très important pour nous de faire le bon choix sur le leadership local, et de travailler avec des nationaux parce qu’ils ont plus de chance de réussir étant donné qu’ils connaissent beaucoup mieux les nuances locales. Cela leur donne plus de chance de réussir dans la gestion de l’investissement. C’est un point très important pour nous car il faut choisir un leadership capable de prendre avec succès la direction du business.
Pourquoi une femme ?
Pour nous, il n’y a pas vraiment de raisons spécifiques pour prendre une femme. Nous cherchions une personne avec des qualités exceptionnelles de leadership et de gestionnaire et ces qualités nous les avons trouvées dans ce cas précis chez Madame Monique Gieskes, qui se trouvait déjà dans le Conseil d’administration du PHC lorsque nous avons fait le premier investissement.
Cependant, je voudrais ajouter que nous avons une vision pro-active en ce qui concerne les opportunités pour l’autonomisation et la responsabilisation des femmes dans les sociétés de notre portefeuille. En tant que Kuramo Capital, nous sommes très conscients de cela et nous l’avons fait dans d’autres sociétés, notamment au Kenya et au Nigeria.
En dehors des affaires courantes, avez-vous une vision sociale ?
Nous avons commencé à investir dans PHC en 2017 mais nous n’avions pas alors le contrôle total de la gestion des affaires jusqu’en février 2021. A partir de ce moment, nous avions pu insuffler notre vision actuelle qui est la vision d’une prospérité partagée avec nos travailleurs, avec les communautés locales mais aussi avec le gouvernement.
Quand nous avions établi cette nouvelle vision de la société, notre mission était d’assurer que cette prospérité partagée soit atteinte à travers l’agrobusiness responsable. Nous avons estimé que les Congolais étaient mieux qualifiés à nous aider à réaliser le pacte d’engagement social que nous avons envers les communautés congolaises. C’est ainsi que nous avons transformé le leadership de la société dans tous nos sites opérationnels, et nous avons mis en place un leadership entièrement congolais, afin que nous puissions à travers eux, déployer notre vision de prospérité partagée.
Est-ce que vous comptez investir dans un autre domaine en RDC ?
Bien sûr. Nous pensons que nous pouvons investir dans d’autres secteurs en RDC. C’est question d’identifier le bon partenaire et la bonne opportunité de croissance. L’expérience que nous avons actuellement en RDC est très positive et les affaires évoluent bien. Cela veut dire que s’il y a une autre bonne opportunité qui se présente, nous n’hésiterons pas à y aller afin de pouvoir avoir plus d’impact.
La production de 2020 était de 42 000 tonnes d’huile de palme brute. En 2021, elle est passée à 48 000 tonnes. Madame Monique a parlé d’une projection de 60 000 tonnes en 2022. Il y a quand même de la prospérité dans la production de l’entreprise. Est-ce que PHC ne compte pas par exemple installer une savonnerie ?
C’est vrai que la production est bonne. Mais n’oubliez pas que cette tendance n’a qu’une année. Il faudra donner à Madame Monique un peu plus de temps pour voir jusqu’où on peut aller avec cette tendance positive de la production actuelle.
C’est une bonne idée de penser à d’autres produits dérivés de l’huile de palme comme le savon que vous mentionnez ; mais il faudrait donner un peu plus de temps pour asseoir la durabilité de nos opérations avant de penser à diversifier nos activités.
PHC a remplacé PLZ. Vous êtes à la Mongala, à la Tshopo et à l’Equateur. Mais PLZ était aussi dans le Grand Bandundu. Il y a des grandes plantations là-bas. Ces plantations ne vous intéressent-t-elles pas ?
Oui, oui. C’est vrai que nous pourrions explorer cette possibilité dans le futur. Sur base de l’expérience actuelle que nous vivons, je crois que nous allons penser d’essayer à aller vers d’autres provinces. Mais il faudra du temps pour observer comment la productivité actuelle va évoluer, sur base aussi de politique et de tout ce que nous avons comme méthode et expérience ici. Le moment venu, nous pourrions peut-être penser à l’acquisition d’autres plantations.
Comptez-vous faire participer les natifs des coins où sont basées vos plantations ?
Oui, absolument. Nous avons, pour commencer, des clauses sociales, qui sont un engagement formel de la société envers les communautés locales et qui concernent différents projets d’infrastructure (écoles, eau potable, etc.) et activités commerciales que nous créons pour les communautés. Par exemple, on leur offre des formations techniques en production agricole et des semences pour le développement de l’agriculture locale. Mais aussi le renforcement de leurs capacités de gestion afin qu’ils se prennent eux-mêmes en charge.
Également, n’oubliez pas que nous sommes un consortium composé d’Africains et incluant des Congolais. C’est donc capital pour nous de traiter les populations locales comme nos frères et sœurs. Par rapport à cette philosophie, nous avions fait de la gestion des plantations un management à cent pour cent congolais. Nous croyons fermement que si vous avez quelqu’un du milieu, qui gère les plantations et qui parle une langue locale, la relation devient plus facile. Il a la capacité de comprendre le contexte, la philosophie, la culture locale. Son management devient plus efficace que prendre quelqu’un qui vient de très loin, qui aura de difficultés pour parler avec la communauté locale.
Nous avons des hôpitaux qui offrent des soins à plus de 100 000 personnes par an dans les zones où nous sommes implantés. Nous construisons des routes et des écoles.
Êtes-vous ouverts envers d’autres investisseurs ?
Oui, nous sommes ouverts à d’autres investisseurs, aussi longtemps qu’ils vont partager la philosophie de PHC et surtout sa vision de prospérité partagée, il n’y a pas de problème.
Apparemment tout est en rose. Est-ce qu’il n’y a pas de difficultés que vous rencontrez sur le terrain, par exemple le manque des routes, les taxes et autres ?
Comme tout autre business, nous avons des défis. Les défis ne manquent jamais. Nous sommes dans d’autres pays comme nous l’avons dit. Et chaque coin du monde a ses défis spécifiques. Comme ici, vous parlez par exemple des routes pour l’évacuation des récoltes. Mais ce qui est important, ce que j’aimerais que vous puissiez retenir, c’est la transition et la transformation qui sont arrivées à PHC dans l’espace d’une année.
Parce qu’en 2017, lorsque nous avons fait le premier investissement dans la société, nous n’avions pas un contrôle total sur la gestion de la société ; mous n’avons pas pu réaliser ce que nous voulions. La grande leçon pour nous, c’est cette transition, cette transformation qui a démarré il y a seulement une année. C’est ça la grande leçon pour nous.
Pour le reste, nous croyons que les défis seront toujours là. Nous travaillons pour continuer à nous améliorer, dans nos pratiques, et dans nos capacités à nous améliorer.
Un message aux Congolais ?
Mon message pour les Congolais est le suivant : quand on regarde un peu dans l’histoire de cette société, avant que nous prenions le contrôle total de gestion de la société, il n’y a jamais eu de leadership mené par des Congolais dans cette société. Mais aujourd’hui, une année après, on peut voir que des Congolais ont démontré à suffisance, qu’ils sont capables de prendre en mains la charge et la direction de la société. Nous avons identifié ce leadership chez Madame Monique Gieskes, qui a mis en place une équipe très forte, qui gère la société dans tous les secteurs. Et nous croyons fermement que le Congolais est capable, si la chance lui est donnée. Nous sommes aujourd’hui peut-être le deuxième employeur en RDC après le gouvernement. Et ceux qui gèrent PHC, ce sont des Congolais, à tous les niveaux, à partir de la DG. Donc, le Congolais si on lui donnait la chance de gérer d’autres secteurs, par exemple celui de l’aviation, le même Congolais sera capable de démontrer ses capacités de gestion.
Monsieur Wale nous vous remercions pour avoir répondu à nos questions.
C’est qui vous remercie pour votre intéressement à notre société.