De retour des Emirats Arabes Unis où il accompagnait le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, le ministre des Transports, voies de communication et désenclavement, a fait une annonce fracassante de la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale baptisée « Air Congo ». Cette nouvelle intéressante qui a cependant suscité plusieurs questionnements, a poussé Scooprdc.net d’aller tirer le ver du nez du ministre Chérubin Okende. Dans une interview exclusive, ce dernier explique ce que sera ce partenariat avec Ethiopian Airlines, plaide pour les agents de Lignes aériennes congolaises et explicite l’ambition du président Tshisekedi de faire vivre aux Congolais la belle époque de Air Zaïre, le Léopard volant. Ci-dessous l’intégralité de l’interview que Chérubin Okende a accordée, ce dimanche 17 octobre 2021, à Innocent Olenga :
Vous venez de Dubaï, mais vous êtes passé par Addis-Abeba où vous avez contacté les responsables de Ethiopian Airlines, et du coup vous annoncez la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale dénommée « Air Congo ». Pourquoi une autre compagnie alors que la RDC a déjà Congo Airways ?
Vous savez, notre république doit avoir les mesures de son ambition. Nous sommes un grand pays, nous avons la possibilité aujourd’hui de créer autant de compagnies que nous voulons. Tout dépendra du résultat que nous escomptons.
Aujourd’hui nous avons Congo Airways oui, et moi en tant que ministre des Transports, j’ai le devoir de soutenir l’épanouissement de Congo Airways. Mais cela n’empêche pas au président de la République d’imaginer une autre formule qui au finish, ne pourra créer que l’émulation dans l’exploitation du trafic aérien parce que nous avons un portefeuille de trafic de 52 accords aériens que nous n’exploitons pas. Nous avons un réseau domestique sous-continental qui se trouve aujourd’hui en situation de difficulté. Donc, Air Congo viendra encore une fois redonner de la vigueur dans le transport aérien.
Vous connaissez comment le Gouvernement peine aujourd’hui pour appliquer sa politique de désenclavement du territoire national et le partenariat avec lequel nous sommes en train de cheminer pour la création de cette nouvelle compagnie, ne répond qu’aux orientations du chef de l’Etat.
Mais concrètement, dites-nous comment ça va se passer avec Ethiopian Airlines ?
C’est en joint-venture. C’est-à-dire que les deux partenaires s’entendent pour se mettre d’accord. Il y a des apports que Ethiopian Airlines amène, il y aussi des apports que la République à travers le ministère des Transports met à contribution. Cela nous permettra de consolider une nouvelle compagnie que nous appellerons Air Congo. Et cela est de très symbolique : Air Congo était la première compagnie aérienne d’Afrique ; Air Congo avait une flotte que personne d’autre en Afrique ne pouvait détenir ; Air Congo a une grande réputation de n’avoir jamais connu des crashs et d’avoir opéré le trafic aérien dans des conditions optimales de sécurité et de sûreté ; Air Congo a vu le Léopard volant pour défier le monde entier.
Donc, le chef de l’Etat a à l’idée cette grandeur de la République démocratique du Congo pour dire : c’est possible de pouvoir redorer le blason terni de ce pays, c’est possible de pouvoir réorganiser un transport aérien qui respecte les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale, c’est possible d’engager une grande compagnie aérienne nationale qui pourra nous sortir finalement de cette fameuse liste noire de l’Union européenne. Telles sont les ambitions qui me sont insufflées par le chef de l’Etat et je crois que j’ai la capacité de pouvoir réaliser ces ambitions de grandeur de notre république.
Vous venez de vanter le label Air Congo qui n’avait jamais connu des crashs, qui avait une flotte imposante et grande, mais vous-même êtes un ancien directeur de la compagnie en liquidation contestée, LAC, dont les agents ont eu gain de cause devant le Conseil d’Etat. Pourquoi ne pas carrément relancer LAC, ancien Air Zaïre, au lieu de créer Air Congo ?
Vous savez, j’ai un lien très particulier avec les Lignes aériennes congolaises. J’ai été administrateur-directeur technique et commercial et administrateur-directeur général de LAC. Rappelez-vous que j’avais trouvé cette compagnie en situation désastreuse : plus de 230 mois d’arriérés de salaire, il n’y a pas d’outils de travail, pas d’avion. Avec l’appui du personnel de LAC, nous avions amorcé une démarche pour sortir de cette situation dramatique. Et nous avons sur fonds propres acheté un avion, encore faudra-t-il demander aujourd’hui qu’est devenu cet avion-là ; nous avions sur fonds propres commencé à désintéresser le personnel en payant la dette sociale et nous commencions à payer les salaires à tempérament. Donc, nous étions sur une bonne initiative. Et à ce moment-là, nous ne pensions pas à la liquidation ni à la dissolution de LAC. Je crois qu’aujourd’hui il faut poser la question à ceux qui ont pris cette grave décision de dissoudre les LAC.
Oui, nous allons demander à ceux qui ont pris cette grave décision de dissoudre les LAC. Mais parce que vous avez été un ancien cadre de cette société et nous nous rappelons même que vous avez eu des ennuis avec l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo qui vous a fait partir de LAC à cause de votre ligne de défense des intérêts de la société, quel est votre commentaire personnel sur cette question de liquidation et comment y remédier ?
La liquidation était une mauvaise décision politique. Il n’était pas opportun à ce moment-là d’envisager la liquidation et la dissolution de LAC d’autant plus que nous-mêmes avec le personnel avions déjà cerné les conditions de la relance de cette grande compagnie aérienne nationale. Bon, je ne veux pas rentrer dans la polémique, l’autorité de l’époque avait pris cette décision, mais aujourd’hui il faut savoir en quoi cette liquidation profite-elle au personnel de LAC, des gens qui ont travaillé pour donner un patrimoine immobilier consistant à cette compagnie, mais qui sont aujourd’hui des délaissés pour compte. On est en train de brader le patrimoine immobilier de LAC.
L’idée ici pour ne pas tomber dans des procès superfétatoires compte tenu du poids du passif de LAC, l’idée qui me préoccupe c’est de savoir comment capitaliser le patrimoine d’exploitation et en contrepartie régler le passif, surtout la dette sociale, ce que cette société doit au personnel. En tout cas ce n’est pas bon, je dirais même que c’est diabolique d’abandonner ce personnel de LAC à son triste sort.
J’insiste que la décision de dissolution de LAC est irrégulière, elle devrait être notifiée par un décret du premier ministre, ce qui n’a pas été fait et en plus aujourd’hui au niveau des juridictions, il y a certaines décisions qui sont prises pour démontrer que c’est une décision irrégulière. Mais toutes proportions gardées, je ne veux pas rentrer dans cette polémique, je dis tout simplement qu’il y a lieu d’entendre la raison sans susciter ou ressusciter certains démons de la division. Mais je crois que le personnel de LAC mérite un traitement décent.
Chérubin Okende, qui dit création d’une nouvelle compagnie aérienne, prévoit outre les avions, les infrastructures et autres équipements aéroportuaires. Air Congo va-t-elle se doter de nouvelles infrastructures ou va-t-elle recourir à celles de LAC ?
Déjà la décision d’autorité pourra être prise par le propriétaire, le chef de l’Etat qui est le premier propriétaire du patrimoine public. Donc, nous attendons les orientations qu’il va nous donner pour créer cette nouvelle société. Mais la première réserve c’était d’éviter que le passif de LAC vienne mettre en mal le fonctionnement de la nouvelle société qu’il souhaite être une nouvelle compagnie qui travaille dans des conditions optimales de sécurité et de sûreté de l’aviation. Donc, c’est une ambition tout à fait légitime qu’il faut aujourd’hui savoir saluer et encourager.
En ce qui concerne le patrimoine de LAC, il faut d’abord qu’on arrête cette spoliation ridicule qu’on est en train de faire. On vend des maisons de LAC pour en faire quoi ? Certaines personnalités, avons-nous appris, je n’ai pas de preuve, se sont accaparées de ce patrimoine de LAC pour devenir propriétaires, en expropriant ou en chosifiant ceux qui ont travaillé pour cette compagnie. Je pense que ce n’est pas bon.
Aujourd’hui, en créant la nouvelle compagnie, il y a des infrastructures destinées à l’exploitation qui ne doivent pas être sacrifiées, spoliées, mais qui doivent être capitalisées pour relancer une très grande compagnie aérienne nationale. Et dans le cas d’espèce, Chérubin Okende pourra le cas échéant, plaider pour qu’il y ait des compensations qui puissent aider à régler le passif de LAC. Et en plus, une nouvelle compagnie ne sera pas créée ex nihilo. Il y a encore les agents disponibles qui sont dans le métier depuis Air Congo, Air Zaïre, LAC, qui connaissent le métier et pourront être repris, mis à contribution pour la relance d’une nouvelle compagnie. Surtout qu’en suivant la ligne de conduite du chef de l’Etat, nous devons investir dans l’homme. Cela veut dire que le partenariat que je suis en train de nouer, voit aussi le renforcement des capacités, la formation à tous les niveaux, en passant par la maintenance, l’assistance au sol, le grand handling et sur le plan commercial, il faut intensifier la formation du personnel. Donc, il y a beaucoup à gagner en suivant cette vision du chef de l’Etat.
A quand le début des activités de Air Congo ? Avec quel capital et combien d’avions ?
Je ne serai pas très ferme en ce qui concerne le délai, mais le plus rapidement possible sera fait. Aujourd’hui, il y a en disponible 7 avions de nouvelle génération. Imaginez, Dreamliner (NDLR : Boeing 787) qui pourra commencer à lancer les vols internationaux et permettre aux Congolais qui, lorsqu’ils veulent aller au Moyen-Orient en Asie et en Europe, empruntent les avions d’autres compagnies, mais prendront demain lors de la mise en œuvre de ce partenariat de cette nouvelle compagnie, des avions battant pavillon République démocratique du Congo !
C’est une fierté nationale qui nous habite parce que vous savez que dans le temps de Air Congo de l’époque, aucun pays d’Afrique ne faisait face à la RDC. Nous voudrions avec Félix Tshisekedi, président de la République, chef de l’Etat, reprendre un peu cette fierté d’être un grand pays au cœur de l’Afrique.