Le jeu auquel se livre le parquet général près la Cour constitutionnelle dans le dossier détournement de fonds sur l’investissement de la ferme Agro-industrielle de Bukanga-Lonzo laisse tout juriste digne de ce nom perplexe et hébété. Devant les tergiversations du procureur général à travers ses réquisitoires contestés par d’autres puristes du droits, il y a lieu de se poser la question de savoir si c’est de la complicité ou de l’incompétence !
En effet, à voir comment le parquet général près la Cour constitutionnelle traite ou gère le dossier Matata Ponyo, actuellement sénateur, mais accusé par le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de détournement de fonds dans ce que d’aucuns appellent désormais l’affaire Bukanga-Lonzo ou « Matatagates », certaines langues commencent déjà à privilégier la piste d’une complicité du parquet pour tenter de faire gagner du temps à l’homme à la cravate rouge. Alors que l’on accuse l’ancien premier ministre de Joseph Kabila et consorts de détournement de près de 300 millions $US destinés au parc agro-industriel, curieusement le parquet s’embourbe dans une procédure qu’on qualifierait d’inique de par son caractère approximatif et peu orthodoxe, à en croire la réflexion du professeur ordinaire Eddy Mwanzo. Ce dernier dans une tribune hautement juridico-scientifique, pose de sérieuses questions de la doctrine quant à la démarche voulue par le PGR.
A la question de savoir si laquelle entre la Cour constitutionnelle et la cassation serait compétente pour juger le sénateur Matata Ponyo, le doctrinaire Eddy Mwanzo donne son avis en soulevant certaines questions qui, en principe, devraient embarrasser tout fraudeur. Non sans raison, car en l’espace d’un peu plus de 20 jours le P.O écrit : «j’ai lu sur les réseaux sociaux trois importantes et sensibles correspondances qui me font penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas. La première datant du 28 avril 2021, soutient que le Congrès autorise notamment les poursuites contre le sénateur Matata (et consorts), mais sous le régime réservé pourtant au Président de la République et au Premier ministre. A la suite des publications de la presse, faisant état d’une probable résistance des sénateurs, il y a eu une deuxième correspondance, cette fois-ci signée le 12 mai 2021. Celle-ci a clairement voulu rectifier la première. Dans un troisième courrier, réceptionné au sénat le 18 mai 2021, on peut lire la justification de la compétence de la Cour constitutionnelle à juger un ancien premier ministre, avec une gymnastique pas facile à saisir».
Interrogeant la Constitution de la RDC et certaines lois y afférentes, le professeur Eddy Mwanzo partant de l’article 163 de la loi fondamentale, notamment sur la juridiction pénale du chef de l’État et du premier ministre, écrit : «Peut-on dire que les cas et conditions en question (article 163) incluent notamment les anciens Présidents et Premiers ministres ? D’une part, et d’autre part, qu’en est-il du cas d’un Premier ministre étranger ?».
Aussi, l’article 101 de la Loi Organique de la Cour constitutionnelle dispose ce qui suit : « Si le Procureur Général estime devoir poursuivre le Président de la République ou le Premier Ministre, il adresse au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat UNE REQUÊTE aux fins d’autorisation des poursuites »….
La question soulevée par Eddy Mwanzo est celle-ci : « Les trois REQUISITOIRES que nous lisons sur les réseaux sociaux sont-ils des REQUETES ? (Donc il y a synonymie ?) ».
L’article 105 de la Loi Organique de la Cour constitutionnelle dispose : « En cas de condamnation du Président de la République ou du Premier Ministre, la Cour prononce sa déchéance. Cette sanction s’applique, mutatis mutandis, aux co-auteurs ou complices revêtus de la puissance publique ».
En cas de condamnation de l’actuelle mise en cause, écrit le professeur ordinaire, la Cour constitutionnelle va-t-elle déchoir Matata Ponyo de quelle qualité (Premier ministre, ancien Premier ministre, sénateur ?). Certains commentateurs sur les réseaux sociaux évoquent la cristallisation sans précision. Or, en lisant Likulia, l’enseignant explique qu’en Droit Pénal Spécial, il existe le principe de Cristallisation de la qualification (Principe qui veut que la qualification d’une infraction s’apprécie ou se cristallise au moment de la commission de l’infraction, et qu’elle ne change pas, nonobstant les modifications intervenues ultérieurement. C’est ainsi que le vol reste vol même si, entre le moment de la réalisation et les poursuites, le voleur a remis la chose volée à la victime).
Puisque la compétence est d’attribution, s’interroge l’enseignant, peut-on justifier la compétence de la Cour constitutionnelle à juger un ancien premier ministre par le principe de cristallisation ? S’agit-il de la cristallisation de la qualification (en droit pénal spécial) ou d’un nouveau principe (« cristallisation de compétence de juridiction » !!!) nécessitant amples explications.
De ces faits, l’ancien petit séminariste de Bolongo devenu professeur d’université avoue éprouver d’énormes difficultés à justifier la compétence pénale de la Cour constitutionnelle à juger un ancien premier ministre, à l’état actuel de la législation congolaise. Non sans raison, car argumente t-il que la compétence pénale de la Cour constitutionnelle est exceptionnelle. Ainsi pour ce dossier, il serait fortement tenté de pencher vers la Cour de Cassation, et cela, pour trois raisons à savoir :
– Aucun texte actuellement en vigueur n’attribue cette compétence à la Cour constitutionnelle ;
– La personne mise en cause est maintenant, au moment des poursuites bénéficiaire des privilèges de juridiction à cause de sa qualité officielle de sénateur (justiciable de la Cour de Cassation);
– Dans son arrêt sous RPA 121 du 23 décembre 1986, la CSJ avait décidé que c’est la qualité au moment des poursuites qui détermine la juridiction compétente, étant donné que le prévenu avait, après avoir commis l’infraction sous un statut ancien (Chef de division), été porteur d’une nouvelle qualité (Directeur) au moment des poursuites; situation qui, pour le cas Matata Ponyo, pourrait s’y rapprocher.
Cette réflexion finalement à haute voix de Eddy Mwanzo sonne comme une note de plaidoirie en faveur de l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo, car investi de sa toge de distributeur du savoir juridique, l’acolyte de Bayona Bameya et de Luzolo Bambi pense sans la moindre prétention puisqu’il le dit, d’avoir raison dans un tel débat qu’il voudrait purement scientifique. Pour lui, un sénateur, simplement parce qu’il est sénateur, bénéficie d’un traitement de faveur, consacré par la Constitution de la RDC. C’est ainsi qu’il ne peut pas être soumis à un autre juge, ni à d’autres règles de procédure que celles prévues et rattachées à sa qualité. De la même manière qu’il est juridiquement infondé de traduire un sénateur devant une juridiction militaire, nonobstant le fait pour lui d’avoir été militaire et commis à l’époque, des infractions sous cette qualité d’homme en uniforme.
C’est pour ces raisons, qu’il paraît inexpliqué de traduire devant la Cour constitutionnelle Matata Ponyo, pour des faits commis (si cela s’avérait vrai), lorsqu’il était son justiciable. Il n’existe pas de principe de Cristallisation de compétence en droit judiciaire congolais !