En 1978, l’archevêque de Kananga, Martin Bakole wa Ilunga, prit l’initiative de donner de l’énergie électrique à la population du Kasaï dans son grand format, y compris la ville de Kikwit dans le grand Bandundu. Ayant pris langue avec des experts allemands pour une étude de faisabilité, ce partenariat aboutit au choix des chutes Katende dont les eaux étaient jugées à même de donner leur énergie potentielle pour faire tourner une turbine.
Monseigneur Martin Bakole se lança alors à la quête des moyens financiers pour la réalisation de son projet. Il mit à contribution les hommes d’affaires du grand Kasaï, les petits et grands commerçants, voire l’église catholique. Grâce à cette collecte, les évêques Martin Bakole et Jacques Kapanga achetèrent une turbine et ses accessoires à la taille de la demande. Voulant greffer leur projet sur celui du président Mobutu dénommé «Objectif 80» et qui consistait à réaliser plus de projets sociaux, ils lancèrent le début des travaux de construction du barrage en 1980.
Le coup dur de Mobutu
Les travaux lancés sans informer le président Mobutu déclenchèrent le courroux du roi du Zaïre qui voulut en faire payer aux prélats «téméraires», qui ont osé ignorer son pouvoir quant à la réalisation des œuvres sociales de grandes envergures. Mobutu ordonna l’arrêt immédiat des travaux. Trois semaines plus tard, ses hommes débarquèrent sur le lieu et emportèrent la turbine, destination Mobayi Mbongo dans le grand Équateur. Malheureusement pour eux, la structure de Mobayi Mbongo destinée à recevoir l’engin s’avéra inadaptée pour supporter le poids et la taille de la turbine. Il fallait soit détruire cette structure et reprendre sa construction en l’adaptant aux mesures de la turbine -ce qui impliquait des dépenses énormes- ou lâcher prise carrément. Ils durent opter pour la deuxième alternative, mais manquèrent la bonne volonté (ou les moyens) de retourner la turbine aux propriétaires.
L’hypocrisie de Laurent Désiré Kabila
Au changement de régime, l’archidiocèse de Kananga mit en place une commission de réclamation de la turbine. Laurent Désiré Kabila promit d’aider la commission à récupérer son bien, mais sans réaliser sa promesse. Les membres de la commission apprirent avec surprise que le nouveau président de la République avait un plan d’amener la turbine à Kalemie, mais que la rivière Lukuga manquait de puissance et son lit n’offrait pas les conditions favorables à la construction d’un barrage à la taille de cette turbine. Dans l’attente de trouver des conditions favorables à Kongolo ou à Kabalo, Laurent Désiré Kabila fut assassiné.
La main basse de Joseph Kabila
À l’avènement de Joseph Kabila à la tête du pays, l’archidiocèse de Kananga reprit la démarche auprès du tout nouveau président de la République. La commission de réclamation fut surprise d’apprendre que la turbine se trouverait au Zimbabwe, vendue ou offerte à Robert Mugabe. Les termes de ce transfert restent un mystère. À l’époque, la commission sollicita les bons offices du cardinal Laurent Monsengwo, mais ce dernier refusa de « se mêler de ce qui ne le concernait pas ».
Voulant forcer les choses, la commission de réclamation aurait confié un courrier à Mbata-Bata, mieux connu sous le pseudonyme de Arc-en-ciel, chanteur au sein du groupe musical Bayuda du Congo, alors invité du Roi des Belges Albert II et la coopération belgo-congolaise. Au cours de ses exhibitions, Mbata-Bata se serait rapproché du Roi, aurait retiré du bas de ses accoutrements traditionnels la lettre cosignée par les coordonnateurs de la CODEKOR et de la CODESKO, sollicitant l’implication du Roi pour la récupération de la turbine. Dès le retour de l’orchestre Bayuda au pays, Mbata-Bata mourut; officiellement d’une hernie inguinale. Mais d’après ses proches, il serait empoisonné.
A Félix Tshisekedi de jouer
À la prise de pouvoir par Félix Tshisekedi, la commission a tenté de relancer le cardinal Fridolin Ambongo pour solliciter son plaidoyer, mais ce dernier n’a pu recevoir ses membres délégués. L’espoir repose donc sur le président de la République et fils du grand Kasaï, pour aider la commission à récupérer son bien ou en s’en procurer un autre. Car les travaux de construction de la structure devant recevoir cette turbine sur les chutes Katende sont déjà réalisés à 75%.