Débâcle de Bukanga Lonzo : Matata Ponyo brise le silence, recadre l’IGF Alingeti et charge Henri Yav Mulang

Il a décidé finalement de parler ce vendredi 12 février sur le dossier Bukanga Lonzo pour, dit-il, empêcher le mensonge qui se répète de devenir une réalité. Augustin Matata Ponyo était pendant plus de deux heures devant la presse à l’hôtel Memling pour se défendre sur les griefs lui collés au dos par l’Inspecteur général des Finances, Jules Alingeti, dans un rapport d’audit sur la gestion du Projet de Parc Agro-industriel de Bukanga Longo.

D’entrée de jeu, l’homme à la cravate rouge précise que c’est lui qui a, par sa lettre adressée à l’IGF le 26 août 2020, demandé l’audit de ce projet géré techniquement et financièrement par le consortium sud-africain AFRICOM. «Vous vous souviendriez que lors de son allocution du 30 juin 2020, à l’occasion de la fête de l’indépendance, Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, a cité parmi les projets ayant souffert de mauvaise gouvernance, celui de Bukanga Lonzo. Les mêmes échos ont été entendus lors du dernier passage de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre sur le même site… Il serait dès lors recommandable, au regard des appréhensions de mauvaise gouvernance évoquées précédemment, que l’Inspection générale des finances se saisisse du dossier, contrôle l’ensemble des comptes inhérents à ce projet, dès le début des travaux jusqu’à ce jour afin que toute la lumière soit établie sur l’ensemble des opérations financières liées à ce projet, et que toutes les responsabilités de détournement éventuel des fonds publics soient établies», peut-on lire dans cette lettre bien reçue par le destinataire d’après l’accusé de réception présentée à la presse.

Voilà qui fait d’emblée dire à Augustin Matata Ponyo qu’«un auteur de détournement ne peut pas demander que sa gestion soit auditée» avant de qualifier des «politiques» les conclusions du rapport de l’IGF qui, selon l’ancien premier ministre, sont déconnectées de toute réalité technique. En effet, en analysant ce rapport de l’IGF qui l’indexe, Augustin Matata Ponyo y dégage 8 insuffisances qui démontrent les faiblesses dudit rapport.

Primo, Mapon contredit l’IGF lorsque ce dernier affirme qu’il n’existe pas d’étude de faisabilité proprement dite sur le Parc Agro-Industriel de Bukanga Lonzo. «Le Projet du Parc Agro-Industriel de Bukanga Lonzo a bénéficié d’une série d’études dont l’objectif était de garantir son succès», confirme l’ancien premier ministre Augustin Matata en énumérant 7 études effectuées notamment le master plan du site (analyse topographique, agronomique, architecturale, du marché et financier) et l’analyse financière par le célèbre cabinet d’audit KPMG. «C’est une conclusion politique face à une vérité technique irréfutable», conclut Matata Ponyo pour ce grief.

Secundo, au sujet du reproche du marché passé de gré-à-gré, Matata qui rappelle que c’est une pratique autorisée par la loi évidemment avec quelques conditions, déclare que ce gré-à-gré était justifiable pour plusieurs raisons. Il en cite 8 économiquement et financièrement valables qui ont milité pour le choix de la firme sud-africaine AFRICOM. Il précise que ce gré-à-gré s’est fait avec l’accord préalable de l’ancien président de la République. «Là aussi, on a affaire à une conclusion politique face aux exigences techniques évidentes imposant le gré-à-gré», note Augustin Matata Ponyo.  

Tertio, l’ancien premier ministre s’étonne que l’IGF le traite de «responsable intellectuel» de la débâcle du PAIBL. Ici, Matata Ponyo fait savoir que le projet du PAIBL n’est pas la conception de la Primature, mais plutôt du Ministère de l’Agriculture. «…Aucune de sept études de faisabilité précitées sur le projet du parc n’a été produite par la Primature, encore moins par une structure étatique. La responsabilité intellectuelle et de la débâcle est plutôt à rechercher à partir de janvier 2017, après mon départ, quand le projet a été arrêté», se défend-il en interpellant l’IGF, ancien conseiller du premier ministre Bruno Tshibala, à savoir qui a ordonné l’arrêt de financement du projet dont la maturité était prévu après 10 ans!

Là aussi, Matata Ponyo rappelle que ce projet était combattu dès le départ par les importateurs des produits alimentaires qui voyaient perdre leur marché en RDC évalué à 2 milliards USD chaque année. «Le ministre des finances après mon départ est un ancien de la FEC (NDLR : Fédération des Entreprises du Congo). Allez-vous comprendre quelque chose !», révèle-t-il en concluant qu’il s’agit pour ce grief d’une conclusion totalement politique déconnectée de la réalité parce que tout simplement l’on veut coûte que coûte l’incriminer.

Quarto, à l’accusation selon laquelle «le premier ministre honoraire intervenait tout au long du cycle de vie du projet tout au moins à travers le fait que le Bureau du premier ministre honoraire était le centre de gestion et d’engagement de toutes les dépenses du projet, directement, ou indirectement à travers le ministre-délégué auprès du premier ministre, chargé des finances, qui dépendait totalement de ce dernier», Matata Ponyo note que cette conclusion est davantage biaisée car en réalité, plus de 70% des paiements effectués en faveur du PAIBL ont été réalisés après 2014, c’est-à-dire au moment où Patrice Kitebi n’était plus ministre-délégué auprès du premier ministre. «Dans la conception de notre éthique de gestion et conformément à nos exigences hautement strictes en matière de bonne gouvernance que nous avions imprimées, il nous était inconcevable de nous instituer comme centre de dépenses en lieu et place du ministre des finances», se vante l’homme du cadre macro-économique.  

Quinto, s’agissant du concept «débâcle» utilisé par l’IGF, Matata Ponyo estime cette terminologie en soi est problématique dans la mesure où il n’est pas précisé à quand remonte concrètement cette débâcle. «Depuis le lancement du projet du PAIBL en juillet 2014 jusqu’à la fin de mon mandat, comme premier ministre (en décembre 2016), le PAIBL était pleinement fonctionnel. Ce fait est facilement vérifiable au regard des archives et documents officiels disponibles. Ce n’est qu’après mon départ, en décembre 2016, que des problèmes dans la gestion du PAIBL ont commencé à émerger, du fait notamment de l’arrêt brusque par le ministre des finances du financement des activités de ce projet et de la faible attention qu’on y a accordée par la suite», soutient-il.

Sexto, de l’utilisation d’une société-écran pour se faire rémunérer indûment, Matata Ponyo met l’IGF au défi quand il parle d’un compte secret par lequel les responsables politiques congolais se distribuait l’argent : qui a ouvert ce compte ? qui en est gestionnaire ? quel est la hauteur du montant qui a transité par le compte ? Et qui en était le bénéficiaire ?

Ces informations, selon Matata Ponyo, sont plus faciles à obtenir du fait que le secteur bancaire et financier est l’un des secteurs les plus traçables au monde.

Septimo, de la surfacturation dans la mise en œuvre du projet, l’ancien premier ministre estime que l’IFG n’a qu’à bien lire les termes du contrat qui lie AFRICOM au gouvernement congolais pour bien dédouaner la Primature ou l’individu Matata qui n’était nullement impliquée dans la gestion quotidienne du projet. «S’il y a surfacturation, cela veut dire une mauvaise utilisation des fonds par les partenaires et donc un litige, au regard notamment de l’article 15 de la Convention des actionnaires. Seul AFRICOM est responsable et non une tierce personne. A cet effet, le contrat stipule que les différends soient réglés conformément au Règlement d’Arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce. En d’autres termes, le gouvernement qui est partie au contrat a tous les droits de se plaindre auprès d’AFRICOM», tel est le conseil de Matata à Jules Alingeti qui, disons-le en passant, était son condisciple à l’UNIKIN avec qui ils ont fini la même année à la Faculté d’Economie. Est-ce un conflit d’école ?  

Octo, de l’ignorance par les ministres de l’industrie et de l’agriculture du contenu du contrat qu’ils avaient signé avec AFRICOM, Mapon s’étonne et s’interroge : «comment des ministres peuvent-ils envoyer des experts de leurs ministères respectifs en mission en Afrique du sud pour s’enquérir des compétences de AFRICOM et dire n’avoir pas été associés à la conception et réalisation du projet ?»

Et pour clôturer sa conférence de presse, Augustin Matata Ponyo déclare : «Je n’ai détourné aucun dollar américain, ni de près, ni de loin, ni directement, ni indirectement. Et j’attends le meilleur inspecteur des finances ou le meilleur enquêteur pour me prouver le contraire».

Accusant son ancien condisciple de l’UNIKIN, Jules Alingeti, à la solde de ses détracteurs, de mener une démarche politique et politicienne téléguidée par des mains noires au sein de son propre parti politique le PPRD, mais aussi au sein du FCC, qui l’ont combattu depuis qu’il était devenu premier ministre, Augustin Matata Ponyo dit se réserver le droit de le traduire en justice pour accusations mensongères, diffamation et atteinte à sa réputation.

  • Bendélé Ekweya té

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