Rebondissement dans les dossiers des assassinats de Floribert Chebeya et Armand Tungulu : le passé se fouine soi-même !

Lorsque le président Tshisekedi déclara qu’il ne fouinera pas dans le passé du régime de son prédécesseur pour éviter la chasse aux sorcières, souhaitant que le passé se fouine lui-même, il avait été sévèrement critiqué et traité de tous les noms d’oiseaux. Mais le cours de l’histoire commence à lui donner raison : le passe se fouine lui-même avec plusieurs dossiers de détournements notamment celui de Bukanga Lonzo, des plaintes en cascade contre l’ancien patron de l’ANR et récemment le rebondissement dans les assassinats de Floribert Chebeya et son chauffeur Fidèle Bazana ainsi que Armand Tungulu. Les trois assassinats datent tous de 2010, les deux premiers début juin et l’autre fin septembre.

Pour Armand Tungulu, c’est son fils, Fabrice qui est passé à l’émission «Actu Buzz» de la télévision Youtube «Congo Buzz» de Christian Bosembe pour réclamer justice au sujet de la mort de son père. Fabrice qui explique l’opportunité de son action sous l’ère Fatshi, dit avoir vécu en exil juste après la mort de son géniteur parce que traqué par les services. «Après la mort de mon père, les services ont tenté, sans succès, de m’attirer dans une souricière. La famille a été constamment harcelée. J’ai dû prendre le chemin de l’exil. J’ai regagné le pays après le divorce de la coalition FCC-CACH», a-t-il déclaré au cours de cette émission en affirmant la volonté de la famille du défunt de saisir les autorités judiciaires. Si cela n’avait pas été fait depuis onze ans, le fils Tungulu explique qu’il était impossible d’entreprendre une quelconque démarche à l’époque du kabilisme triomphant.

Retour sur les faits

Le 29 septembre 2010, Armand Tungulu Mudiandambu, 43 ans, est brutalement interpellée par des éléments de la Garde républicaine (G.R) de Joseph Kabila sur l’avenue Libération, ex-24 novembre, à la hauteur de la Maison Schengen. Motif : il aurait caillassé le cortège de Kabila qui passait. Selon les témoins, le congolais de la diaspora ne s’était pas laissé prendre comme un agneau. Dans sa résistance, il aurait administré des coups aux militaires. On dit de lui qu’il était boxeur. 

Après qu’il soit maîtrisé, Tungulu est amené à la ferme de Kingakati où se rendait le convoi. Il est, par la suite transféré au Camp Tshatshi où se trouvait le QG de la G.R. Le 2 octobre, un communiqué du parquet général de la République, signé par le directeur de cabinet du Procureur Général de la République, Flory Kabange Numbi, annonce la mort de Tungulu Mudiandambu par «suicide». selon ce communiqué, il se serait servi de sa chemise pour se pendre.

Cette version est du coup rejetée, non seulement par la famille, mais par beaucoup de Kinois. D’après les témoignages des militaires du camp Tshatshi que le directeur général de scooprdc.net, Innocent Olenga, a reproduits dans son livre «20 ans de marche sur les œufs. Parcours de combattant d’un journaliste congolais», Armand Tungulu avait été sérieusement torturé et que c’est Joseph Kabila lui-même qui l’aurait achevé de ses propres mains parce que bien que dans le cachot et anéanti, Armand Tungulu lui aurait craché dans le visage. Soit !

A Bruxelles comme à Kinshasa, l’action judiciaire est enclenchée contre le régime Kabila. Me Jean-Claude Djakani, avocat de la veuve Tungulu à Bruxelles, et Me Willy Bolio, avec de la famille à Kinshasa, réclament tous, non seulement que la lumière soit faite sur cette mort mystérieuse, mais aussi que le corps du défunt soit remis à sa famille pour des obsèques. Des revendications qui s’étaient buttées à la résistance du pouvoir.    

Le corps serait transférée à l’hôpital général Mama Yemo avant d’être ensevelie le 31 décembre 2010 en un lieu secret. Le certificat de décès n°700/2862 fut établi à cette dernière date par le médecin légiste Nzuzi Ntula. Date de décès, illisible. Pas un mot sur le lieu et la cause. «Veuillez libérer le corps de M. Tungulu Mudiandambu Armand pour inhumation suivant la réquisition n°RMP002 de l’OMP colonel Molisho du parquet de l’auditorat militaire général», peut-on lire.

Dix ans et cinq mois après, voici que la famille Tungulu réclame que justice soit rendue pour ce congolais dont la vie a été ôtée tout simplement parce qu’il aurait commis un crime de lèse-majesté alors qu’il méritait, si crime il y avait, d’être jugé par un tribunal et de se défendre.

Le général John Numbi cloué dans le dossier Chebeya et Bazana  

Cité depuis longtemps et réclamé comme prévenu et non comme renseignant par plusieurs organisations de défenses de droits de l’homme dans le procès de l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, le général John Numbi vient d’être enfoncé par ses propres policiers, l’adjudant Hergile Ilunga et le brigadier Alain Kayeye, ayant participé à l’opération d’élimination physique du président de l’ONG La Voix de Sans Voix (VSV) ainsi que son chauffeur.

Les deux policiers interrogés par les journalistes de Radio France Internationale (RFI) qui ont mené une enquête sur ce double assassinat diffusée en début de cette semaine, ont chargé leur général et l’ont pleinement responsabilisé. Ils vivaient, selon leur déclaration, dans la ferme de John Numbi dans le Haut-Katanga et ont quitté le pays en août 2020 pour vivre en exil, avant l’arrestation de Christian Ngoy, leur commandant direct le 3 septembre dernier.

La thèse d’asphyxie et du commanditaire de l’assassinat telle qu’avancée par les avocats de la famille Chebeya, est la même soutenue par les deux policiers qui apportent un nouveau nom : le colonel Djadidja. C’est dans sa concession à Mitendi où le corps de Fidèle Bazana a été enseveli.

Par ces nouvelles révélations, les ONG des droits de l’homme réitèrent leur demande de réouverture du procès Chebeya surtout le fuyard et cerveau moteur de l’opération, Christian Ngoy, est aux arrêts. John Numbi échappera-t-il cette fois-ci à la justice ? Quel rôle le colonel Djadidja, devenu général, avait-il joué dans l’assassinat de Floribert Chebeya ? Sa concession citée de Mitendi ne mérite-elle pas d’être protégée par la justice pour savoir où exactement Fidèle Bazana dont la famille réclame le corps jusqu’aujourd’hui, a été enterré et au besoin l’exhumer pour des obsèques dignes ?

Les Congolais et les organisations des droits de l’homme ont les yeux braqués sur la justice congolaise car s’il est difficile d’inculper Joseph Kabila dans l’assassinat de Chebeya et Bazana, dans celui de Tungulu, sa responsabilité est bien visible.   

  • Bendélé Ekweya té

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