( Par Moïse Musangana )
Malgré la débâcle du Bureau Mabunda, le FCC ne s’avoue pas vaincu. Il a juste perdu une bataille et entend renverser la vapeur lors de la mise en place du nouveau bureau avec des candidats à tous les postes. Raison sans doute pour laquelle le Premier ministre traîne le pied pour rendre le tablier. Son Coordonnateur Néhémie Mwilanya, ainsi que le Secrétaire permanent du PPRD et dauphin de l’Autorité morale à la présidentielle 2018 sont formels. De quels atouts disposent-ils pour réaliser cet exploit alors que le navire est en train de prendre l’eau de toute part à la grande satisfaction de la quasi-majorité de la population en proie présentement à une misère exécrable due justement à leur mauvaise gouvernance et que le soutien de la communauté internationale est de plus en plus évident à l’endroit du Président de la République ? C’est de bonne guerre. Mais, l’esprit de Pharaon tenterait le FCC jusqu’à son engloutissement total par les flots d’une population enragée.
Rien de nouveau sous le soleil. Malgré la terre qui est en train de se dérober sous leurs pieds, les faucons du FCC ne s’avouent pas vaincus. Ils semblent avoir plusieurs tours dans leurs manches. Ils sont convaincus de disposer encore des capacités pour pouvoir stabiliser leur bateau pris au piège d’une tempête et reprendre les commandes du pays. La déchéance du Bureau Mabunda à l’Assemblée nationale, signe évident que la majorité a basculé dans la chambre basse, n’est qu’une bataille perdue et non la guerre.
Coordonnateur du FCC, le Professeur Néhémie Mwilanya semble être revenu du choc du jeudi dernier où rien ne lui a obéi. Il a laissé entendre sur RFI que son regroupement ne va pas se laisser faire. Il va compétir pour le prochain bureau de l’Assemblée nationale et présenter les candidats à tous les niveaux dans l’espoir de reconquérir le champ perdu. Au même moment, le Secrétaire permanent du PPRD et dauphin de l’Autorité morale du FCC à la présidentielle 2018 n’a pas gardé sa langue en poche. Il a demandé aux membres de son parti, parti phare du FCC, de ne pas se décourager et de se mettre en ordre de bataille pour le prochain bureau de la chambre basse qui va leur revenir. Mais pendant ces temps, les militants sont loin de retrouver la sérénité et appellent aux réformes et au changement de leadership. D’aucuns appellent à la démission sans atermoiement du Coordonnateur du FCC qui s’est illustré par une gestion dictatoriale de la plateforme et l’a fait voler d’échec en échec.
Comment remonter la pente dans un contexte marqué par le manque de confiance, de communion entre la base et la direction politique ? Quels atouts pour reconstituer la majorité ?
AMP, puis MP et enfin FCC, la famille politique de l’ancien Président Kabila est connue dans toutes ses coutures. En 18 ans de règne sans partage, elle a eu le mérite de ramener le pays plus bas que ne l’avait laissé le maréchal Mobutu après 32 ans de pouvoir. L’alternance pacifique du pouvoir intervenue au terme des élections de décembre 2018 a constitué une lueur d’espoir de voir enfin le pays prendre son envol. Ça n’aura été qu’une illusion. Bien que Joseph Kabila soit parti physiquement du pouvoir, il est resté cependant présent au travers du système mis en place. Et le contrôle du Parlement au niveau national et des Assemblées au niveau des provinces a fait de lui le véritable «Roi» tapis dans l’ombre. Hélas ! Cette majorité n’a pas été mise au service du pays afin de relever les différents défis qu’il connaît en vue du développement et du bien-être de la population. A la gloire de Joseph Kabila, elle a plutôt servi de cadre pour mettre les bâtons dans les roues du nouveau Président de la République et le conduire à un échec certain. Ce qui pourrait faire revenir le FCC au-devant de la scène pour reprendre les manettes du pouvoir en 2023.
Au nom de cette majorité, toutes les initiatives salvatrices pour le pays ont été bloquées. Même les quelques avancées constatées sur le plan de la justice étaient sous menace. Les lois Minaku-Sakata ont été accélérées pour réduire à quia ce que l’ancienne Présidente de l’Assemblée nationale appelait désormais la «République des juges». Le dossier Ronsard Malonda bloqué par le Président de la République et l’obstruction aux propositions des lois, initiées notamment par le Député national Christophe Lutundula, sur les réformes électorales présageaient de l’issue des élections en 2023 : la copie de 2006, 2011 et 2018.
Cette majorité va se révéler finalement comme une chape de plomb, asphyxiant l’élan démocratique et freinant les timides pas vers un Etat de droit, bref un facteur d’immobilisme pour la marche de la nation. Ceci au point d’exaspérer le Président de la République lié par un accord au FCC, voire des membres du FCC réduits en esclave qui n’ont pas hésité de prendre parti pour l’Union Sacrée de la Nation. Malgré les menaces de les traduire devant la Commission des sages pour avoir, soi-disant, cédé à la corruption pour tourner casaque, ainsi que d’autres intimidations, plus d’une centaine des députés FCC ont décidé de s’assumer désormais. Ils ont réalisé qu’ils ne sont pas des députés d’un individu, mais plutôt des représentants du peuple envers qui ils sont redevables. Leur loyauté envers l’Autorité morale n’aura pas été une panacée contre le manque des routes, des hôpitaux, des écoles, des emplois, … dans leurs fiefs respectifs.
Le mouvement n’est pas terminé. Il va se poursuivre. Chaque jour qui passe, des individus et des partis politiques se désolidarisent du FCC. De quels atouts disposent donc le leadership du FCC pour arrêter cette hémorragie et reconstituer la majorité ? Comment vont-ils resserrer les rangs ? A coup de valeurs ou d’espèces sonnantes et trébuchantes ? Combien vont-ils mettre en jeu pour faire revenir des gens qui ne sont pas sans ignorer que tout retour peut leur être fatal ? Autour de quelles valeurs vont-ils réunir les gens qu’ils ne l’ont fait depuis deux décennies ? Enfin, le manque d’adhésion populaire aux initiatives du FCC reste l’éternelle équation. Par ailleurs, le soutien est de plus en plus unanime sur le plan international envers le Président de la République. Le communiqué conjoint des Ambassades des USA, du Canada, de Suède, de la Corée du Sud et du Japon est indicatif. Paris et Bruxelles ne sont pas en reste. Pis, le Conseil européen a reconduit d’une année encore les sanctions contre la dizaine d’individus, dont les bonzes du FCC. Et contrairement à l’alerte de la cheffe de la MONUSO au Conseil de sécurité de voir la crise politique en RDC se résoudre par le dialogue, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU Amina J. Mohammed note qu’il n’y a aucune crise politique en RDC. Elle soutient que la situation politique qui y prévaut entre dans le cadre normal de fonctionnement des institutions. Elle appelle ainsi les uns et les autres à éviter d’attiser le feu pendant cette période historique dans la vie politique congolaise. Grosso modo, l’offensive diplomatique menée par le FCC, à travers son Autorité morale, aura été un pétard mouillé.
Le fantôme de Pharaon
Sans ressort nécessaire pour rebondir, le FCC, écartelé, n’entend pas pour autant lâché. Il veut jouer à son va-tout. Teinté d’orgueil, il veut tenter un baroud d’honneur. Ça rappelle l’histoire biblique de Pharaon et Moïse. Malgré les miracles et les malheurs qui s’étaient abattus sur son peuple, Pharaon et son armée sont allés à la poursuite des Israélites en route pour la terre promise afin de les rattraper et les rendre de nouveau captifs. Peine perdue. Malgré ses chars performants, ils ont été tous engloutis dans la mer rouge. Le maréchal Mobutu a tenté la même chose après avoir libéré le 24 avril 1990 le peuple zaïrois de son joug dictatorial. Alors que les Congolais-Zaïrois attendaient vivre effectivement la démocratie, il a voulu, un mois après, revenir sur ses pas pour réorienter les choses suivant son bon vouloir. Le pays est allé de crise en crise au point que, après 7 ans de transition, l’AFDL est venue démanteler son régime. Il est mort dans l’anonymat. Il y a donc fort à parier que le FCC court le danger de disparaître totalement. Les Congolais ont besoin d’un autre Congo. Quel est celui qu’il pense le proposer ?