Selon la Radio France Internationale (RFI), la journaliste Sonia Rolley a mis la main sur un dossier jusqu’ici confidentiel à la Banque Centrale du Congo (BCC), où une enquête interne a révélé des malversations graves à la Direction provinciale de cette banque à Lubumbashi, ce, depuis plus d’une année. En effet, d’après le rapport des enquêteurs, cette mafia va des surveillants au directeur provincial et met à nu un détournement qui aurait été orchestré en bande organisée de plusieurs milliards de francs congolais destinés à être détruits ou réinjectés sur le marché.
Tout commence le 14 mai 2019 à la Direction provinciale de la BCC-Lubumbashi où des sacs pleines de billets de banque impropres à la consommation sont destinés à la salle de broyage pour y être détruits selon la procédure mise en place par l’institut d’émission. Mais seulement, l’informaticien en chef Kayembe Kimembe reçoit un coup de fil qui, à en croire les auditeurs, lui ordonne de couper le signal des cameras de vidéosurveillance de la salle de broyage, et c’est le début du casting.
Ayant initiée l’enquête « motu proprio », la BCC envoie des auditeurs internes qui, le 12 juillet soit deux mois après la forfaiture, interroge l’informaticien pour la deuxième fois sur la disparition de sacs remplis de billets de francs congolais usagés. Se cramponnant à ses propos « je n’ai rien à voir avec ces histoires », Kayembe Kimembe visiblement non expert dans son domaine, ignore complètement qu’il n’avait pas éteint toutes les cameras, car celles du dehors fonctionnaient, lui ne s’étant occupé que de celles à l’intérieur de la salle de broyage. C’est le graal pour les auditeurs qui n’ont pas eu de la peine à remonter la filière de cette association de malfaiteurs.
Les images ainsi visualisées prouvent comment des milliards ont été mis de côté, discrètement ou presque, si l’on en croit le rapport d’auditions et autres documents cités par Radio France Internationale également. C’est ainsi que, le chef de la salle de broyage est accusé d’avoir suspendu le système de vidéosurveillance dans la salle de broyage au premier jour des opérations, le 14 mai 2019. Le même exploit sera réédité le 15, 16, 21, 22, 23 et 24 mai 2019. Mais c’est lorsque le technicien Kayembe se rendra compte que les auditeurs détenaient bel et bien les images des cameras de vidéosurveillance, qu’il admettra comme s’il faisait des aveux à demi-mot qu’il ne savait pas utiliser les équipements de vidéosurveillance installés dans les locaux de la banque, et pourtant il y est depuis 8 ans. En réalité, l’informaticien n’a pas menti. Car en effet, il finit par admettre avoir reçu l’ordre d’interrompre le signal juste avant la livraison des premiers sacs de billets de francs congolais impropres à la circulation. Sauf qu’il ne comprenait pas comment faire et qu’il ne s’est pas occupé des caméras positionnées à l’extérieur de la salle. Celles-ci l’ont filmé durant ces différents appels, comme d’autres scènes compromettantes, et leurs images constituent les preuves avancées par les enquêteurs de la BCC.
Ce qui demeure curieux dans cette affaire, c’est l’attitude du parquet près la Cour d’Appel de Lubumbashi qui a classé l’affaire sans suite. Pourtant, des interrogatoires ont été menés entre juin et octobre 2019 à Lubumbashi et à Kinshasa. Près d’une vingtaine d’employés, du simple agent de sécurité au directeur provincial, sont appelés à s’expliquer et tous ou presque, ont joué un rôle ou des règles. Jusqu’ici, ce travail minutieux n’a étonnamment donné lieu à aucun licenciement ni condamnation.
Interrogé à ce sujet, un haut cadre de la BCC a dans un premier temps nié, assurant que s’il y avait eu des preuves, les agents auraient été sanctionnés, avant d’affirmer que l’affaire était « devant la justice » et que les principaux responsables avaient « quitté la banque et pris fuite ». « Pour d’autres agents », leurs dossiers sont encore « en cours » à la commission de discipline de la banque un an après la fin de la mission d’enquête diligentée par Kinshasa.
D’après Me Timothée Mbuya de l’ASBL Justicia, « tous sont là, encore à leurs postes, il n’y a aucune trace de procédure au niveau de la justice, cette affaire a été enterrée » avait-il déploré avant que scooprdc.net n’apprenne l’arrestation ce lundi 23 novembre du chef de la salle de broyage.
Mais toujours est-il que dans ce dossier, la vidéosurveillance a montré une dizaine d’agents de cette direction provinciale de la BCC entrain de voler de milliards de francs congolais, sans que personne ne soit inquiétée jusqu’à ce jour hormis l’arrestation du chef de la salle de broyage. L’on raconte sans forte conviction que le caissier principal Tshibangu Kabala serait licencié depuis août 2019 et que le directeur provincial serait lui muté. Toutefois, avec l’arrestation du chef de la salle de broyage, la justice qui doit se rattraper quant à ce dossier, devra faire la lumière sur ce dossier où l’ASBL Justicia dénonce un enrichissement illicite donnant lieu à une vie de luxe ostentatoire dans le chef de ces agents cités dans ce vol à la Far West.