Tel un bien sans maître, la Société Nationale d’Electricité (SNEL), démontre depuis quelque temps déjà, une incapacité innommable à pouvoir desservir ses abonnés en courant électrique. La ville de Kinshasa comme toutes les provinces, souffrent d’une pénurie endémique d’énergie au point que traverser la RDC en vol la nuit ressemble à un trou noir inhabité, et pourtant elle est habitée par au moins 80 millions d’âmes.
En effet, cette société figure parmi celles que la nature a gâtées en lui offrant des chutes d’eau qui ont favorisé la construction des barrages hydroélectriques, notamment le très majestueux barrage d’Inga déjà en deux phases et dont la troisième phase s’annonce un projet juteux. Mais il y a aussi le barrage de Zongo, tous les deux situés dans la province du Kongo Central. C’est sans oublier les barrages de la Tshopo à Kisangani, Nseke au Lualaba, de la Ruzizi au Sud-Kivu, de Matebe dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, de Mutwanga dans le territoire de Beni au Nord-Kivu et de Mobayi-Mbongo au Nord-Oubangui. D’autres sont en construction, c’est notamment Busanga au Lualaba, Katende au Kasaï central et Kakobola dans le Kwilu.
Malheureusement, la SNEL a lamentablement échoué dans la gestion, la maintenance et la distribution de l’énergie à cause de son manque d’initiative, disent certains congolais et non les moindres. Malgré les plaintes des abonnés qui perdurent depuis de longues années et les entrées bien consistantes des devises étrangères qu’elle réalise, (les dirigeants de cette entreprise de l’État s’occupent avant tout de leur propre portefeuille et de leur compte en banque avant de songer à la population congolaise), cette entreprise est incapable de fournir du courant une journée entière sans interruption.
A Kinshasa la capitale, le délestage est devenu la règle générale dans la quasi-totalité des quartiers de toutes les communes sans exception et la fourniture normale du courant électrique est une exception à tel point que les tenanciers des débits de boissons et des chambres froides, les soudeurs-ajusteurs et autres utilisateurs permanents du courant électrique sont aux abois ces derniers jours et vivent quotidiennement dans l’incertitude de voir s’allumer une ampoule. Les ménages ne peuvent se hasarder de constituer des stocks en vivres frais ! Ironie du sort, à l’arrivée de la nouvelle équipe du Conseil d’administration, son président a exigé au comité de gestion de doter sa résidence d’un groupe électrogène industriel à 30.000 USD. Comme pour dire : «si moi, un bois frais, subis ce sort, qu’en sera-t-il de vous, bois sec ?».
Non seulement que le réseau électrique de la SNEL est vétuste, avec des câbles dénudés qui brûlent et rasent le sol occasionnant des accidents mortels d’électrocution en périodes de pluies, mais aussi l’anarchie bat son record dans les raccordements frauduleux et l’attribution sélective des lignes électriques faite pour discriminer les commerciaux plus privilégiés et les abonnés domestiques marginalisés. Cette anarchie a fait que dans chaque commune de Kinshasa existe un « comité de suivi » formé des intéressés du quartier en connivence avec certains agents de la SNEL opérant dans l’informel. Ce « comité de suivi » passe de porte à porte pour récolter de l’argent auprès des abonnés en vue de « réparer » les pannes qui n’en sont pas unes ou remplacer des morceaux de câbles volés par eux-mêmes.
La situation est pareille même à l’arrière-pays. La SNEL n’est nullement à la hauteur de fournir correctement du courant électrique 24 heures sur 24 sans interruption. A Goma, par exemple, les hôteliers et beaucoup de foyers se sont dotés de l’énergie solaire bien que coûteuse, tout cela pour s’épargner des merdes de cette société qui tient encore le monopole de production et distribution de l’énergie électrique.
Pourrait-on penser développer le secteur industriel congolais avec une SNEL très malade ? A l’instar du marché des assurances, la production et la distribution du courant électrique doivent être libéralisées. Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de profondes réformes structurelles et managériales pour donner une nouvelle vision à cette société, on changera autant de fois des hommes à l’Immeuble situé sur l’avenue de la Justice, l’échec sera toujours cuisant. La SNEL pourra rester seulement productrice et laisser la distribution et la commercialisation aux privés en sous-traitance. Ce n’est pas de la magie, cette formule a déjà été appliquée sous d’autres cieux et a démontré ses performances.