Le 14 octobre était célébré pendant la deuxième république comme journée de la jeunesse. La cérémonie était grandiose, non seulement dans les grandes villes, mais aussi dans tous les recoins de tous les 145 territoires qui composent le pays. Cette date marquait la naissance du «Guide», le «Timonier», le «maréchal», «nkoy elombe», bref de l’ancien président Mobutu.
En effet, né Joseph Désiré Mobutu le 14 octobre 1930 à Lisala dans la province de la Mongala, le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga, fils de Gbebani et de Yemo, originaires du Nord-Ubangui, a pris le pouvoir le 24 novembre 1965, alors qu’il n’avait que 35 ans et l’a exercé pendant 32 ans. Pacificateur incontestable et incontesté, il avait organisé l’armée et réussi à tenir en respect les pays voisins. De ce point de vue, il n’a pas d’égal au pays. Ni Kasa-Vubu, ni Laurent-Désiré Kabila encore moins Joseph Kabila, personne n’a atteint sa mesure. Félix Tshisekedi ne pouvant être jugé avant la fin de son mandat.
Unificateur et rassembleur sans précédent, aucun de ses successeurs et prédécesseur n’a réussi à unir les congolais d’alors zaïrois, comme le fils de Maman Yemo. «Que tu sois Mukongo, Muluba, Muswahili ou Mungala où que tu habites sur le sol zaïrois tu es chez toi», ne cessait-il de marteler. «Tolingi Zaïre liboke moko !», entendez : «Nous voulons le Zaïre uni» était son »mot de passe ». Ainsi donc, la territoriale de non originaires mise en place par son régime avait permis de consolider la cohésion nationale et renforcer les liens de fraternité entre les ethnies. A ce propos, Mananga Dintoka Pholo reste le meilleur Gouverneur du Kasaï Oriental alors qu’il était originaire de Kongo Central; Jonas Mukamba Kadiata Nzemba était adulé à l’Equateur où il dispose même d’une résidence privée à Mbandaka, lui qui est Kasaien; Konde Vila Kikanda, meilleur gouverneur du Grand Kivu au point d’être élu en 2011 député national à Goma dans le Nord-Kivu, lui qui est du Bas-fleuve dans le Kongo central; feu Koyagialo Ngbasete Gerengbo, un Ngbandi fût le meilleur gouverneur du Katanga; Catherine Nzuzi wa Mbombo au Kongo central; Émile Bongeli à Kananga comme maire; Raphaël Lihau Nkumu Elabo à Goma comme commissaire sous régional et tant d’autres.
Mobutu, politicien quelque peu tolérant, bien que n’étant pas sans reproche dans cette rubrique, il n’est pas pour autant le mauvais élève. Il avait, au plus fort de son régime, toléré les tacles en public de l’opposant Étienne Tshisekedi d’heureuse mémoire. Il n’a pas non plus monté des scénarios pour que ses opposants se retrouvent incarcérés pour des motifs autres que ceux pour lesquels il les reprochait.
Un militaire digne de son nom. Il est pratiquement le seul dans la catégorie de « Chef d’État-Militaire » à avoir momentanément laissé son fauteuil dans la capitale, pour aller combattre les rebelles au front à côté des hommes de troupe à Kamanyola dans le Sud-Kivu.
Défenseur acharné des droits de la femme. «Otumoli Mobutu otumoli ba mamans ; otumoli ba mamans otumoli Mobutu !». Cette maxime traduisait sa vision pour une femme zaïroise émancipée. Il figure parmi les rares Chefs d’Etat Africains qui, en leur temps, avaient élevé au rang de Ministre la femme, et accordé à celle-ci des postes de responsabilité dans l’Administration. Il veillait sur la tenue des femmes et sur les mœurs en interdisant les mini-jupes, habits collants et les films dits pour adultes.
A l’écoute de la jeunesse, le 14 octobre, date de sa naissance a été dédiée à la jeunesse zaïroise. Une occasion offerte aux associations de jeunes de faire entendre leur voix. Il contrôlait la littérature destinée aux jeunes en censurant des revues dont le contenu pousserait ces derniers à la délinquance ; comme par exemple » les aventures de Molok « .
Investisseur à long terme. Bien que limité par les moyens faibles de l’État, il demeure l’initiateur de certains projets d’investissement durables dont les congolais sont fiers : le barrage d’Inga, le stade Kamanyola (actuel stade dit des Martyrs), le Palais du peuple, la Cité de l’O.U.A, la Cité de la N’sele, le CCIZ actuel hôtel Kempisky, le pont Maréchal, le Camp Mobutu, la CPGL…
Un Chef qui a honoré son trône. Il n’avait été impliqué dans la contrebande des minerais du pays, ni soupçonné d’avoir acheté les actions dans les grandes sociétés. Le cobalt lui avait été donné officiellement avec l’accord du parlement comme propriété privée, de la manière dont les Sujets font cadeau à leur roi en Afrique. Il n’a pas gardé silence et réagissait toujours farouchement lorsque les Zaïrois étaient malmenés à l’étranger. C’est pendant son régime que le peuple a été gratifié d’un grand combat de boxe devenu historique ayant opposé le plus technique et le plus fort Mohamed Ali à Georges Foreman. James Brown et Jean Paul II ont aussi visité le Zaïre de Mobutu, sans compter Johnny Hallyday, Kassav, Jimmy Cliff, Yvonne Chaka Chaka et tant d’autres.
Le nom de Mobutu est malheureusement associé à une dictature sanglante et à un régime autoritaire. La pendaison publique de 4 ministres, dont l’ancien premier ministre Evariste Kimba reste une grande bourde, ainsi que la répression dans le sang des manifestations des étudiants. Mais avec le temps, l’histoire nous a appris à comprendre que nul n’a le monopole du mal. Même ceux qui, autres fois ont applaudi les « libérateurs » ont déchanté après avoir compris que Mobutu n’était pas aussi différent de ses détracteurs. Le péril des grands acquis du mobutisme, notamment l’intégrité territoriale et la cohésion nationale, fait penser nostalgiquement à cet homme. Ainsi donc, le Maréchal est de plus en plus dédouané de ses péchés par le temps. Comme qui dirait : «Les actions d’un grand homme effacent ses faiblesses». L’homme aurait totalisé 90 ans d’âge ce mercredi 14 octobre 2020 s’il était encore en vie. Repose en paix notre Maréchal.