Tribune de Jean Chrysostome Vahamwiti Mukesyayira. Député et Ministre Honoraire, Master en planification électorale ( Efeac- Kinshasa) et Économiste de développement.
Dans sa complexité, la problématique électorale en RDC ne se réduit pas à la seule question de la loi organique de la CENI. La mobilisation du financement pour les prochaines élections de 2023 en est une composante qui mérite réflexion et dont personne ne parle.
Il y a lieu de se poser la question de savoir combien coûteront ces élections et comment mobiliser ce financement dans le délai. Ce travail technique revient à la CENI et au parlement, autorité budgétaire.
Si ceux qui regardent la CENI de loin pensent que son indépendance ne réside que dans sa composition, actuellement inclusive par ailleurs, il est très vrai que même des anges qui tomberaient du ciel pour animer la CENI congolaise seraient voués à l’échec si l’indépendance financière ne leur est pas garantie. A ce sujet, la loi organique n’est pas ferme. Telle est une autre réforme dont les personnalités ne parlent pas.
S’agissant du financement des trois derniers cycles électoraux, les rapports de la CEI/CENI nous fournissent les éléments suivants :
Cycle électoral 2003- 2007 (4 ans) :
– Coût des élections : 550 millions USD
– apport communauté internationale : 502 millions USD, soit 91%
– apport du gouvernement congolais: 48 millions USD, soit 9%
Cycle électoral 2007-2013(6 ans) :
– Coût des élections : 340 557 964 USD
– apport de la communauté internationale : 83 049 704 USD, soit 24,38%
– apport du gouvernement congolais : 257 528 260 $Usd, soit 75, 62%
Cycle électoral 2013-2019 (7 ans ) :
– Coût des élections : 2 683 192 255 USD
– apport de la communauté internationale : 332 868 465 USD, soit 11,2%
– apport du gouvernement congolais : 2 350 788 790 USD, soit 88,8%
Au vu de ces chiffres, quelle sera l’option du gouvernement et de la CENI face à la question de l’assistance internationale aux élections de 2023 en RDC ?
Dans la recherche d’un élément de réponse à cette question, nous avons parcouru avec grand intérêt la thèse de doctorat du professeur Ferdinand Kapanga MUTOMBO (Assistance de l’ONU et la démocratisation post-conflit. Regard sur les élections de 2006 et 2011 en RDC, Unikin, 2016-2017).
Dans sa partie conceptuelle, cette thèse épingle les huit types d’assistance électorale de la communauté internationale :
(1) l’organisation et la conduite des élections ; (2) la validation / vérification / certification des élections ; (3) l’assistance technique ; (4) l’envoi des groupes d’experts ; (5) l’appui opérationnel à des observateurs internationaux ; (6) l’appui à la création d’un climat favorable aux élections ; (7) la supervision d’une opération électorale ; (8) l’observation d’une élection par l’ONU .
Dans l’analyse que le Professeur Ferdinand Kapanga fait des deux cycles électoraux 2003-2007 et 2007-2013, il constate que la RDC obéit au modèle universel dégressif de l’assistance internationale en situation post-conflit :
1- premier cycle : apprentissage et transfert du savoir faire électoral,
2- deuxième cycle : appropriation nationale en matière d’organisation et de gestion du processus électoral ;
3-troisième cycle : alternance au sommet des institutions du pays.
A son quatrième cycle électoral post-conflit , il serait pathologique si la RDC ne s’appropriait pas définitivement son processus électoral. En effet, le pays devrait capitaliser ses trois expériences en matière d’assistance électorale : des élections quasiment sous tutelle de la MONUC en 2006, un sevrage électoral forcé en 2011 suite à la conflictualité entre la CENI et la communauté internationale, et enfin l’autonomisation électorale en 2018.
Alors qu’au bout de 17 ans de démocratisation post Sun City (2003-2020), la RDC est réputée être un des pays africains disposant de la meilleure expertise électorale, pour les élections de 2023 , la Rdc n’a pas besoin d’une assistance électorale technique permanente. Le pays ayant déjà financé dans une large proportion ses élections de 2011 et 2018, il aura plus besoin d’un appui logistique pour le déploiement du matériel à travers le vaste territoire national et des missions ponctuelles d’appui technique.
Il est évident que le premier indicateur de souveraineté nationale d’un pays est sa capacité de prise prise en charge de l’organisation des élections de ses dirigeants. Réfléchir autrement serait de demander à l’Union Européenne de balayer les immondices de la ville de Kinshasa ou d’autoriser même la communauté internationale à superviser l’installation des communes rurales de notre pays . Notre souveraineté vaut plus que ça.
Il revient donc au gouvernement et à la CENI de planifier en temps les élections de 2023 pour éviter le syndrome des élections de 2011 (abandon brusque de la CENI par la communauté internationale la veille des élections) et pour spécifier en début du nouveau cycle électoral qui commence le type d’assistance électorale dont le pays aura éventuellement besoin de la part des partenaires extérieurs.