(Tribune de Jean Chrysostome Vahamwiti Mukesyayira. Député et Ministre Honoraire. Master en planification électorale / Efeac- Kinshasa. Économiste de développement)
Y-a-t-il un pays où l’on ne réfléchit que élections comme en RDC en subordonnant le développement du pays ? Avant même que le partage du pouvoir issu des élections de 2018 ne se termine, on parle déjà avec passion des élections de 2023 et de surcroît sans du tout les planifier.
Serait-il étonnant que nos voisins des pays de l’Afrique de l’Est (Ouganda, Kenya, Tanzanie et Rwanda) soient scandalisés par la rhétorique des politiciens congolais qui ne font que parler jour et nuit. Ce qu’il conviendrait d’appeler le syndrome Kinois : parler à haute voix et gesticuler plus qu’agir ! Les pays voisins, anglo-swahiliphones de l’Est de l’Afrique sont pragmatiques, même sur des questions électorales.
Considérant les pays de l’Afrique Australe, qui sont aussi nos voisins , le constat est le même : le pragmatisme et le réalisme . Dans cette sous région africaine , que le président soit élu au suffrage universel direct ou indirect, cela ne détermine pas le rythme du développement et n’est pas source de passe temps .
Voilà pourquoi avec sa seule rhétorique , le congolais est appelé à bailler quand il visite ces pays de l’Afrique Australe et de l’Est , son seul apport , précieux , quand même , n’étant que la musique .
Pourquoi ce contours quasi sous régional pour un observateur discret du processus électoral congolais ? En effet, il est inadmissible que deux ans après les élections de 2018, quasiment la moitié du mandat de cinq ans, les congolais ne soient qu’à l’étape du discours qui ne clôture pas le cycle électoral qui se termine ni ne donne le go au nouveau cycle électoral. Que cela n’ébranle pas la conscience de la classe politique congolaise, c’est révoltant pour le peuple !
Sinon, comment expliquer que des personnalités surgissent en 2020 seulement pour répéter les recommandations de la CENI et de la CENCO de 2019 ? Comment expliquer qu’un symposium de la société civile de 2020 ne reprenne que les conclusions et recommandations de la commission Justice et Paix, Sauvegarde de la Création de l’ECC de 2019 ? Comment expliquer qu’en 2020 des partis politiques tiennent des matinées politiques pour redire ce que le FCC, AETA ou SYMOCEL ont déjà dit en 2019 ? Comment expliquer qu’une Université Belge s’improvise à Kinshasa pour organiser un dialogue politique autour de ce qui est déjà dit et écrit ? Pourquoi les Églises, toutes tendances confondues, prêchent plus les élections que l’évangile au grand risque de créer des crises internes dans plusieurs d’entre elles qui remplacent leurs dirigeants et ou délégués dans une précipitation inconsidérée ? Pourquoi tant de tapages sur les réformes électorales notamment celles de la loi organique de la CENI et la loi électorale qui ne sont pourtant pas les premières depuis la reprise du processus électoral en 2003 ? Pourtant, les réformes électorales autour de ces deux lois il y en a eu en 2010, 2011, 2013 et 2017. Mais les miracles attendus de ces différentes réformes ne sont jamais pourtant tombées du ciel !
Bref, si tout a été dit, il faut avancer au lieu de faire du sur place. Telle est une interpellation pour les institutions de la république et surtout le parlement qui a repris son chemin. Mu par cet élan d’avancer, nous avons projeté nos lampions sur l’itinéraire qui nous conduira aux élections de 2023 dans son aspect calendrier électoral en liaison avec le cycle électoral.
A ce sujet, la loi électorale définit le cycle électoral comme la période pendant laquelle se déroulent de manière ininterrompue les activités préélectorales, électorales et post-électorales pour les scrutins locaux, municipaux, urbains, provinciaux, législatifs et présidentiel sur la base d’un même fichier électoral.
Par ailleurs , les Professeurs Ferdinand Kapanga ( petit dictionnaire des élections , 3e édition , 2005) et Paul Monzambe ( introduction au cycle Électoral , Efeac/Kinshasa , Master ) définissent de façon identique le calendrier électoral comme l’établissement d’un ensemble d’activités qui doivent aboutir à la tenue des élections.
Sans confondre les deux concepts, cycle électoral et calendrier électoral, on peut se faire l’entendement que le calendrier électoral est la traduction programmatique du cycle électoral. De ce fait, à un cycle électoral correspond un calendrier électoral qui en détermine l’organisation des activités en fonction des agrégats électoraux .
De toutes ces considérations théoriques, on peut se poser une question en rapport avec le processus électoral congolais : quand faut-il élaborer le calendrier électoral dans un cycle électoral ?
Cherchant la réponse à cette question, nous avons interrogé les trois derniers cycles électoraux. Il en sort les éléments suivants :
– cycle électoral 2003-2007 : pour les élections présidentielle(1er tour) et législatives nationales tenues le 30 juillet 006, le calendrier électoral a été publié le 30 mars 2006, 122 jours avant, soit 4 mois ;
– cycle électoral 2007-2013 : pour les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 le calendrier électoral a été publié le 6 octobre 2010, 214 jours avant, soit 7 mois ;
– cycle électoral 2013-2019 : pour des élections présidentielle, législatives provinciales et nationales du 30 décembre 2018, le calendrier électoral a été publié le 5 novembre 2017, 421 jours avant, soit 14 mois.
Au-delà des questions liées au positionnement des parties prenantes au sein de la CENI, devenues leur seule préoccupation, celles-ci devraient débattre avec la même ardeur de la question comme celle du calendrier électoral et du moment idéal pour l’élaborer afin d’éviter tout glissement électoral de type 2016.
A notre avis, parties prenantes au processus électoral et organisme de gestion des élections devraient se convenir que le calendrier électoral devrait être élaboré au début de chaque cycle électoral pour en faire un véritable outil de gestion du processus électoral au lieu d’en faire un outil qui vise seulement la campagne électorale et le jour du scrutin.
Par conséquent, un calendrier électoral devrait couvrir toutes les huit phases du cycle électoral y compris les dates de l’évaluation de chaque cycle électoral et la durée des réformes électorales, activités toujours omises dans les calendriers des trois derniers cycles électoraux ( 2003-2019).
Aussi, cette pratique d’élaborer un calendrier électoral global est compatible avec l’approche cycle électoral qui s’oppose à des approches segmentaires et lie les différentes parties prenantes face à leurs obligations respectives. Élaborer un calendrier électoral à l’approche du jour des scrutins est une autre forme de fraude électorale qui viole l’approche cycle électoral. Seule l’évaluation de la mise en œuvre du calendrier électoral pourrait dicter ses ajustements.
Nous pourrions conclure notre réflexion en invitant les parties prenantes au processus électoral congolais à plus de pragmatisme et moins de rhétorique. Faut-il aussi effacer du subconscient congolais que pour gagner une élection il faut présider la CENI, poste revenant à la société civile, ou en être membre.
Sans nul doute, les élections se préparent sur terrain auprès des électeurs car face à des tendances de vote irréversible, la CENI n’y peut rien. Plusieurs caciques politiques de toutes tendances confondues en ont payé les frais aux élections de 2018, tant à la présidentielle qu’aux législatives.
En définitive, chaque cycle électoral doit démarrer avec un calendrier électoral plutôt que de l’élaborer vers la fin du cycle, une tâche qui attend la nouvelle équipe de la CENI dès son installation.