(une tribune de Me Constant MUTAMBA TUNGUNGA, Mandataire en mines et carrières).
La présente étude qui s’inscrit dans le cadre de la campagne de vulgarisation du code minier révisé, initiée par le Ministre des mines, se présente comme notre modeste contribution à la définition du rôle des mandataires en mines et carrières dans le code minier révisé, face à la pratique en République Démocratique du Congo.
Tout en restant succincte et pratique, l’étude analyse cette problématique avec une dose minimale d’exégèse ; ce que dit la loi (de lege lata), ce qu’aurait dit la loi (de lege ferenda) et ce qui s’observe dans la pratique.
Elle aborde respectivement le cadre légal, la définition du concept, les missions des mandataires en mines et carrières, l’exercice de la profession de mandataires en mines et carrières, les conditions d’agrément, la procédure d’agrément, la durée de l’agrément ainsi que le retrait ou la perte de l’agrément.
Du cadre légal :
La profession de mandataires en mines et carrières est organisée en droit congolais par deux textes légal et réglementaire, à savoir :
– La loi n°007 / 2002 du 11 juillet 2002 portant code minier telle que modifiée et complétée par la loi n°18/001 du 09 mars 2018 ;
– Le décret n°038 / 2003 du 26 mars 2003 portant règlement minier tel que modifié et complété par le décret n°18/024 du 08 juin 2018.
De la définition du concept :
Le code minier ainsi que le règlement minier ne définissent pas expressément le concept mandataire en mines et carrières. Ces deux textes se limitent à aborder les questions relatives à la procédure d’agrément, aux conditions d’agrément, aux missions reconnues à un mandataire en mines et carrières, ainsi qu’aux modalités de retrait ou de perte de l’agrément.
Toutefois, il ressort de l’analyse de ces différents éléments que le mandataire en mines et carrières est toute personne physique ou morale, agréée par le Ministre des mines conformément au code minier et au règlement minier, en vue de représenter, d’assister, de conseiller ou de domicilier selon le cas, tout tiers intéressé dans l’octroi et l’exercice des droits miniers et de carrières, ainsi que dans le contentieux y afférent.
Des missions des mandataires en mines et carrières.
L’article 25 al.2 du code minier indique que les mandataires en mines et carrières ont pour mission de représenter, conseiller et / ou assister toute personne intéressée dans l’octroi et l’exercice des droits miniers et de carrières ainsi que dans le contentieux y afférent.
En sus de cela, l’article 23 al.2 du code minier ajoute une autre mission en disposant que les personnes morales de droit étranger dont l’objet social porte exclusivement sur les activités minières et qui se conforme aux lois de la République, sont tenues d’élire domicile auprès d’un mandataire en mines et carrières établi dans le territoire national et d’agir par son intermédiaire.
Observations :
Cette disposition aurait dû être insérée à l’article 25, l’unique du code qui concerne les mandataires en mines et carrières, plutôt qu’à l’article 23 qui aborde la question de l’éligibilité aux droits miniers.
De l’exercice de la profession des mandataires en mines et carrières :
L’article 30 du règlement minier réserve l’exercice des prérogatives prévues à l’article 25 du Code minier aux seuls mandataires en mines et carrières agréés par le Ministre des mines.
Il indique que toute requête introduite au nom et pour le compte d’un tiers par toute personne dépourvue de la qualité de mandataire en mines et carrières agréé est nulle et de nul effet.
Observations :
La deuxième disposition de cet article pose un sérieux problème dans la pratique, car elle laisse la latitude aux requérants eux-mêmes, novices pour la plupart, de traiter directement avec l’Administration des mines sur des questions aussi techniques.
Pour qu’un mandataire traite avec l’Administration des mines, il doit justifier des connaissances et compétences approfondies dans la législation minière ou dans la gestion du domaine des mines et des carrières. Alors que le requérant quant à lui, n’est soumis à aucune condition de cette nature pour traiter avec l’Administration des mines. Cet illogisme ne s’explique pas.
C’est une situation qui conduit malheureusement au racolage de plusieurs dossiers miniers. Certains agents de l’Administration des mines traitent les dossiers miniers, en lieu et place des mandataires en mines et carrières attitrés, et les soumettent par la suite à la signature des requérants.
D’autres dossiers sont par contre rejetés par l’Administration des mines ( la Direction des mines, la Division des mines, le cadastre minier, etc.), pour défaut de qualité, car signés par les avocats.
Nous pensons que le règlement minier aurait dû proscrire l’option laissée au requérant de traiter directement avec l’Administration des mines sans passer par les mandataires en mines et carrières, comme c’est le cas dans certaines procédures judiciaires.
Des conditions d’agrément :
L’article 25 al.4 du code minier renvoie la fixation des conditions d’agrément au règlement minier.
L’article 32 du règlement minier quant à lui, fixe les conditions pour être mandataire en mines et carrières, selon qu’il s’agit de personnes physiques ou de personnes morales.
Ainsi, nous distinguons les conditions propres à chacune des catégories et les conditions communes aux deux catégories de personnes.
Conditions propres :
Pour les personnes physiques :
– Etre résident en République Démocratique du Congo ;
– Jouir de la plénitude de ses droits civiques ;
– Etre d’une bonne moralité attestée par un extrait de casier judiciaire et le certificat de bonne vie et mœurs en cours de validité ;
Pour les personnes morales :
– Etre constituée conformément au droit positif congolais et avoir son siège social en République Démocratique du Congo ;
– Ne pas être en faillite ou en cours de liquidation ;
– Etre en ordre avec l’Administration fiscale ;
Conditions communes :
Qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales, le requérant doit justifier pour lui-même ou pour son personnel et/ou associés selon le cas, des compétences et des connaissances approfondies dans la législation minière ou dans la gestion du domaine des mines et des carrières.
Observations :
Il ressort de l’analyse de l’article 32 du règlement minier qu’un étranger personne physique peut devenir mandataire en mines et carrières, à condition qu’il soit résident en République Démocratique du Congo, tandis qu’une personne morale de droit étranger ne peut pas le devenir.
Cette situation ne se justifie pas, car le code minier ne distingue pas les missions dévolues aux mandataires personnes physiques, de celles dévolues aux mandataires personnes morales. Tous jouent le même rôle.
La logique aurait recommandé que la qualité de mandataire en mines soit réservée aux seules personnes physiques ou morales de nationalité congolaise.
De la procédure d’agrément :
Présentation de la demande d’agrément.
L’article 33 du règlement minier indique que la demande d’agrément au titre de mandataire en mines et carrières adressée au Ministre est déposée en double exemplaire à la Direction des Mines.
A la demande sont joints :
Pour les personnes physiques :
– Une copie certifiée conforme de la carte d’identité ou un document faisant foi qui vaut certificat de nationalité ;
– L’acte d’élection de domicile du requérant ;
– La déclaration écrite sur honneur du requérant qu’il jouit de la plénitude de ses droits civiques;
– L’extrait d’acte du casier judiciaire du requérant en cours de validité ;
– L’attestation de bonne vie et mœurs délivrée par l’autorité administrative de chaque lieu de résidence de la personne pendant les cinq dernières années ;
– La justification de ses compétences et connaissances requises conformément à l’article précédent.
Pour les personnes morales :
– Une copie des statuts dûment notariés ;
L’extrait de l’inscription du requérant au nouveau Registre de Commerce ;
– Une copie des curriculums vitae des associés ou des membres du personnel de la société qui agiront à son nom au titre de mandataire agréé vis-à-vis des tiers ;
– La déclaration écrite sur honneur du requérant qu’il n’est ni en faillite ni en cours de liquidation ;
– La copie certifiée conforme de l’Attestation Fiscale du requérant ;
– La justification des compétences et connaissances requises de son personnel conformément à l’article précédent.
Pour justifier des compétences et des connaissances approfondies dans la législation minière, le requérant doit présenter les publications ou les études réalisées dans le secteur des mines et des carrières.
Les compétences et les connaissances approfondies du requérant dans la gestion du domaine des mines ou des carrières sont justifiées par des services honorables rendus soit dans l’Administration des Mines, soit dans une entreprise minière ou de carrière au cours des dix dernières années.
Dans le cas d’une personne morale, celle-ci fournit les justifications pour ses associés ou les membres de son personnel qui agiront en son nom.
Observations :
Les personnes issues de toutes les filières sont admises à la profession de mandataires en mines et carrières. Ce n’est donc pas l’apanage de seuls avocats ou juristes. Il suffit de répondre aux conditions fixées par le règlement minier et de respecter la procédure y afférente.
Recevabilité et instruction de la demande d’agrément :
L’article 34 du règlement minier indique que la demande d’agrément au titre de mandataires en mines et carrières est déclarée recevable si elle satisfait aux conditions prévues à l’article 33. Dans ce cas, la Direction des mines l’inscrit dans le Registre des demandes d’agrément de mandataires en mines et carrières et délivre au requérant un récépissé indiquant son nom et le jour du dépôt du dossier.
En cas d’irrecevabilité de la demande, la Direction des Mines restitue le dossier au requérant avec indication des pièces manquantes.
En cas de recevabilité de la demande, la Direction des Mines instruit celle-ci dans un délai de vingt jours ouvrables à compter de la date du dépôt du dossier. L’instruction consiste à vérifier que la demande remplit les conditions précisées à l’article 32 du règlement minier.
En cas d’avis favorable, la Direction des Mines prépare le rapport d’appréciation et un projet d’Arrêté d’agrément qu’elle soumet au Ministre pour signature et délivre une copie de l’avis favorable au requérant et invite ce dernier à apporter la preuve de paiement des frais administratifs d’enregistrement dont le montant et les modalités de perception sont fixés par arrêté conjoint des Ministres ayant respectivement les Mines et les Finances dans leurs attributions, contre délivrance d’un récépissé indiquant le nom du requérant, la date et le montant du paiement.
En cas d’avis défavorable, la Direction des Mines prépare un rapport d’appréciation et un projet de décision motivée de refus d’agrément qu’elle soumet au Ministre pour signature.
Observations :
Ces frais exorbitants (4 500 USD) et non remboursables, sont exigés en monnaie étrangère (dollars américains), plutôt qu’en monnaie locale (francs congolais).
Cette situation ne se justifie pas.
Décision d’agrément ou de refus d’agrément :
L’article 35 du règlement minier indique le Ministre signe l’arrêté portant agrément au titre de mandataire en mines et carrières ou l’arrêté motivé de refus d’agrément et le transmet à la Direction des Mines dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de réception du dossier de la demande avec le rapport de la Direction des Mines.
A défaut de la décision du Ministre dans le délai prescrit au premier alinéa du présent article, l’agrément est réputé accordé au requérant dont la demande a reçu un avis favorable. Le récépissé du dépôt de la demande ainsi qu’une copie de l’avis favorable valent décision d’agrément. La Direction des Mines est tenue d’inscrire le nom du requérant sur la liste des mandataires qu’elle tient à jour.
Observations :
Cet article ne précise pas ce qui se passerait en cas de défaut de décision motivée de refus d’agrément dans le délai de quinze jours. Le requérant doit-il considérer le silence de l’Autorité compétente comme étant le rejet tacite de l’avis défavorable de la Direction des mines ?
Il est un principe en droit « ubi lex voluit dixit, ubi lex noluit tacuit », qui veut dire là où la loi veut le dit, là où la loi ne veut pas se tait.
Ce flou entretenu par le règlement minier risque de jeter du discrédit sur l’Administration des mines, en occasionnant des conflits inutiles d’interprétations.
Notification de la décision d’agrément ou de refus d’agrément :
L’article 36 du règlement minier dispose que la Direction des Mines inscrit l’agrément ou le refus d’agrément du requérant dans le Registre des demandes d’agrément de mandataires en mines et carrières aussitôt qu’elle reçoit la décision prise par le Ministre.
Dans les cinq jours de la réception de la décision rendue par le Ministre, la Direction des Mines la notifie au requérant par le moyen le plus rapide et fiable.
La Direction des Mines inscrit également le nom du requérant qui a reçu l’agrément du Ministre sur la liste des mandataires agréés qu’elle tient à jour.
Observations :
Il s’observe que les alinéas 1 et 2 de l’article 36 ne sont jamais respectés dans la pratique. Une fois la décision prise, le Ministre des mines la transmet plutôt au Secrétariat Général aux mines, qui à son tour, la notifie au requérant.
La procédure étant strictement administrative, nous concevons mal que le règlement minier reste vague sur les moyens de notification. Ceci laisse la latitude à l’Administration de notifier un arrêté du Ministre par un simple message ou appel téléphonique ; situation qui n’est pas envisageable en droit administratif.
Le règlement aurait dû spécifier clairement le mode administratif usuel de notification (lettre).
Publicité de l’agrément :
L’article 37 du règlement minier indique qu’au fur et à mesure qu’il y a de nouvelles inscriptions ou des inscriptions radiées, la Direction des Mines transmet la liste actualisée des mandataires agréés au Cadastre Minier central qui en assure l’affichage dans la salle de consultation publique du Cadastre Minier central et des Cadastres Miniers provinciaux. La liste des mandataires agréés mentionne le nom, la date et le numéro d’agrément ainsi que d’autres coordonnées utiles desdits mandataires. Elle est publiée au Journal Officiel, au journal du Cadastre Minier sur papier ou sur Internet et dans les revues spécialisées de l’industrie minière. La consultation de cette liste par le public est gratuite.
De la durée de la validité de l’agrément :
L’article 31 du règlement minier fixe la durée de la validité de l’agrément à 4 ans renouvelable à compter de la date de décision d’agrément.
Observations :
Nous souhaitons que ce délai de 4 ans soit à l’avenir supprimé et remplacé par l’obligation des cotisations annuelles, comme c’est le cas dans d’autres professions libérales organisées en République Démocratique du Congo.
Du retrait ou de la perte de l’agrément :
L’Article 38 du règlement minier prévoit la perte d’office de l’agrément au titre de mandataire en cas de condamnation par un jugement ou un arrêt définitif pour des infractions prévues par le Code minier.
Les conditions d’agrément étant cumulatives et permanentes, cet article dispose encore que le mandataire agréé qui cesse de satisfaire à l’une des conditions durant l’exercice de sa mission s’expose au retrait de son agrément.
Observations :
L’on note que l’arrivée à terme de l’agrément n’est pas une modalité de sa perte automatique. Cette disposition consacre sans le dire, l’option de la reconduction temporaire tacite de l’agrément.
Le renouvellement de l’agrément est dès lors compris comme une procédure de régularisation, pour une personne déjà agréée mandataire en mines et carrières.
L’article 38 du règlement minier aurait dû reprendre expressément l’échéance parmi les modalités de perte de l’agrément, car l’article 31 n’indique pas la sanction en cas de non renouvellement de l’agrément à la date de son émission.
Cette disposition risque d’être à la base de beaucoup de conflits entre l’Administration et les mandataires en mines et carrières.
De la conclusion :
Ce court périple réflexionnel nous a permis d’éclairer nos lecteurs sur le rôle et la nature des mandataires en mines et carrières, dans la législation minière de la République Démocratique du Congo.
Ainsi, nous pouvons conclure que la profession de mandataires en mines et carrières reste une profession libérale, et inorganisée comme corps en droit positif congolais.
Les mandataires en mines et carrières ne sont pas payés par l’Etat congolais ; ils vivent par contre des honoraires issus de prestations diverses fournies à leurs clients respectifs.
Les mandataires en mines et carrières sont à distinguer des mandataires de l’Etat au sein des entreprises publiques, des établissements publics et des services publics de l’Etat, qui sont eux, pris en charge par ces structures étatiques.
A titre de recommandation, nous proposons que le Ministre des mines mette en place un cadre de suivi, d’échanges et de partage d’expériences entre l’Administration des mines et les mandataires en mines et carrières agréés, afin de faciliter la vulgarisation et la bonne application de la législation minière en vigueur en République Démocratique du Congo.
Nous souhaiterions aussi que la profession de mandataires en mines et carrières soit à l’avenir, organisée en un corps professionnel à part entière.
Comme toute œuvre humaine, la présente étude n’est pas exempte d’imperfections. Les critiques constructives sont les bienvenues.