Par Georges Ilunga.
En sa qualité de juriste et d’analyste, Me Carlos Ngwapitshi contribue beaucoup par ses réflexions à susciter des débats mais aussi orienter l’opinion vers la bonne direction doctrinale sans inféodation politique. Les propositions des lois déposées au bureau de l’Assemblée nationale par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata qui ont soulevé un tollé général n’ont pas échappé à son analyse, surtout celle en rapport avec la modification de la loi-organique portant statut des magistrats. En lieu en place, il recommande à ces éminents juristes de proposer la révision de l’article 107 de la constitution pour rendre inopérants les immunités et privilèges des poursuites parlementaires en cas de détournement des deniers publics et corruption. Ci-dessous sa réflexion :
Il s’impose de souligner avec indignation qu’à ladite proposition, toutes les prérogatives régaliennes réservées à la seule autorité du Président de la République par l’article 82 de la constitution ont été malignement conférées au Ministre de la Justice par l’article 4 à modifier, qui vise la nomination par celui-ci des candidats retenus à l’issue du concours organisé par le Conseil Supérieur de la Magistrature en qualité des magistrats à titre provisoire. Le même Ministre ayant le pouvoir de les nommer à titre définitif au grade de Substitut du Procureur de la République sur simple rapport positif du Procureur ou de l’auditeur ainsi que de les relever de leurs fonctions en cas d’une cotation négative et d’une condamnation disciplinaire.
S’agissant de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, les modifications proposées des articles 4 et 12 notamment, en ce que, d’une part, le Ministre de la Justice a désormais le pouvoir de nommer à titre provisoire les magistrats et désigner au grade supérieur (promotion) certains d’entre eux sur requête notamment du Premier Ministre et, d’autre part, donner son accord au CSM sur la promotion des magistrats du parquet, est une violation des articles 81 et 152 de la Constitution.
Premièrement, la gestion de la carrière du Magistrat est une prérogative exclusive du Conseil Supérieur de la Magistrature composé de seuls magistrats, du vœu du constituant et la seule exception admise est à l’article 82 en reconnaissant au seul Président de la République le pouvoir de nommer, relever et révoquer mais uniquement sur proposition du CSM. Attribuer au ministre de la justice un pouvoir concurrent de nomination que la constitution ne lui reconnaît pas, est contraire aux articles 82 et 152, tels qu’explicité dans l’exposé des motifs.
Deuxièmement, lui reconnaître le même pouvoir pour commissionner les magistrats ou donner son accord pour les mises en place des magistrats du parquet, est autant inconstitutionnel dans la mesure où cet accord préalable apparaît comme un pouvoir de tutelle qu’il exerce sur le CSM en violation de l’article 152 de la constitution, toute prérogative non expressément dévolue à une autre autorité dans la gestion de carrière des magistrats devant être considérées résiduelle que seul le CSM peut exercer.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu de considérer que ces propositions de loi initiées par ces éminents juristes de la colline inspirée sont inopportunes car faites dans une période suspecte. Et c’est ici le lieu d’appeler au réveil du pouvoir judiciaire qui doit se mobiliser pour faire échec à ce coup que les auteurs de cette proposition de loi organique veulent asséner à son indépendance.
Par contre, nous proposons aux parlementaires, nos élus, s’ils sont réellement représentants du peuple congolais et soucieux du développement de notre beau pays qui doit inéluctablement passer par une justice juste et équitable, de procéder à la modification de l’article 107 de la Constitution qui proclame :
« Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas. En dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou poursuite d’un parlementaire est suspendue si la chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours ».
En effet, nous sommes tous conscients que le développement de notre pays doit passer par l’instauration d’un véritable état de droit ; qui est le rempart contre l’impunité, il est anormal de concevoir des immunités parlementaires pour protéger les présumés détourneurs des deniers publics et corrupteurs.
Il convient de relever que les détournement et corruption, ayant atteint des proportions inquiétantes dans le chef des gestionnaires de la chose publique en République Démocratique du Congo dont certains se sont réfugiés à l’hémicycle pour tenter d’échapper aux poursuites sous le couvert de quelques privilèges dont ils sont bénéficiaires, une réponse idoine passant par l’annihilation de toute pertinence d’une quelconque qualité officielle serait salutaire, à l’instar de la lutte contre les violences sexuelles.
En clair, il s’agit d’élaguer tous immunités et/ou privilèges de poursuites dont pourraient se prévaloir leurs auteurs qui, principalement, sont des personnes mieux placées dans l’administration publique.
Nous exhortons dès lors, par cette occasion qu’au-delà des immunités parlementaires qu’ils bénéficient, une incise puisse être ajoutée in fine de l’article 107 de la Constitution, en précisant pertinemment qu’en matière des détournements des derniers publics et corruption, les immunités parlementaires sont inopérantes ; cet alinéa, la justice congolaise en a vraiment besoin parce que nous constatons avec amertume, que le parlement est devenu le lieu de refuge des hors la loi.