Par Innocent Olenga.
La sentence attendue dans le procès opposant Vital Kamerhe et consorts au Ministère public et l’Etat congolais, est tombé ce samedi 20 juin. Un jugement motivé en 63 pages par les juges Bakenga Mvita, président de la chambre, Kasunda Ngeleka et Mukaya Kayembe ainsi que le greffier du siège Nyamakila, condamne le directeur de cabinet du président de la République à 20 ans de servitude pénale avec 10 ans de privation des droits politiques après la purge de la peine, pour être impliqué dans un détournement de 48 millions USD sur les 57 millions décaissés par le Trésor public en vue de la construction des logements sociaux.
Par son aura, son projet de société et ses différentes interventions à la télévision, V.K., comme ses adulateurs aiment ainsi bien abréger son nom, apparaissait un modèle politique pour beaucoup de jeunes congolais. Surnommé «Lula congolais» pour son discours de vouloir transformer la RDC à l’instar du Brésil qui a émergé grâce au management du président Lula da Silva, V.K. aura déçu la majorité de ses fans à cause de ce dossier de détournement des deniers publics qui l’a véritablement éclaboussé. Pourtant, il a eu un parcours politique élogieux qui, malheureusement, finit indignement.
En effet, Vital Kamerhe a occupé divers postes dans plusieurs cabinets ministériels, dont ceux de Léon Kengo, Mushobekwa Kalimba wa Katana et du général Denis Kalume. Il fut nommé commissaire général adjoint du gouvernement (AFDL) chargé des relations avec la MONUC. Plus tard, il devint titulaire en tant que commissaire général du gouvernement chargé du suivi du processus de paix dans la région des Grands Lacs. Il a occupé ce poste jusqu’à sa nomination comme ministre de la Presse et de l’Information dans le gouvernement de transition en 2003.
Ancien secrétaire général du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), il devient le directeur de campagne du président Joseph Kabila lors des élections de 2006, avant de tomber en disgrâce en 2009 en tant que président de l’Assemblée nationale à cause de son intervention sur Radio Okapi pour fustiger l’entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais, prétendument pour combattre avec les FARDC les rebelles des FDLR. En décembre 2010, Vital Kamerhe lance son propre parti politique, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), et se porte candidat à l’élection présidentielle du 28 novembre 2011. Il remporte 7,74 % des suffrages et sa campagne est occultée par le duel entre le président sortant Joseph Kabila et son opposant Etienne Tshisekedi de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS).
A la veille des élections de 2018, il retire sa candidature à la présidentielle en faveur de Félix Tshisekedi dont il devient directeur de campagne et avec qui il crée la coalition CACH (Cap pour le Changement). L’élection gagnée, Tshisekedi le nomme directeur de son cabinet le 23 janvier 2019. Ce sont les actes posés à ce poste qui lui ont causé des ennuis judiciaires. En effet, le 8 avril 2020, Vital Kamerhe est placé en détention provisoire à la prison centrale de Makala. Il était entendu dans le cadre de l’enquête sur les travaux des 100 jours. A l’audience du 11 mai 2020, V.K reste en détention jusqu’à la prochaine audience fixée au 3 juin 2020, avec une liste des témoins clés qui doivent être entendus dans ce dossier judiciaire très suivi et diffusé par la télévision nationale..
Le 11 juin 2020, le procureur général requiert contre Vital Kamerhe, 20 ans de travaux forcés pour détournement, 15 ans pour corruption et enfin 10 ans d’interdiction de droits de vote et d’inéligibilité. Il demande également que l’accusé rembourse les sommes présumées détournées, ainsi que la saisie des sommes se trouvant dans le compte de Kamerhe, sa femme Hamida Chatur et sa belle-fille Soraya Mpiana entre 2019 et 2020. Les mêmes peines sont requises contre l’homme d’affaires libanais Sammih Jammal, déclaré complice de V.K dans ce détournement et à qui le procureur ajoute l’exclusion définitive et l’interdiction d’accès au territoire congolais.
Ce 20 juin 2020, V.K. est effectivement condamné à 20 ans de travaux forcés et 10 ans d’inéligibilité et d’impossibilité d’accès aux fonctions publiques pour détournements, corruption aggravée et blanchiment d’argent. Son co-accusé, l’homme d’affaires Samih Jammal, écope des mêmes peines et d’une mesure d’expulsion à l’issue de leurs exécutions. Le tribunal ordonne aussi la confiscation des comptes et propriétés de membres de la famille de Vital Kamerhe.
Règlement des comptes politiques, comme peuvent le soutenir ceux qui défendent sa cause, ou pas règlement des comptes, les glas ont sonné pour V.K : 20 ans de prison nous amènent vers 2040. A 61 ans qu’il est, il aura 81 ans d’âge à sa libération. S’il faut ajouter les ans de privation des droits politiques, il ne pourra postuler comme candidat président de la république comme il l’ambitionnait qu’en 2050 alors à 91 ans. Et même dans l’hypothèse qu’il pourra après avoir purgé une partie de sa peine, bénéficier d’une grâce présidentielle, V.K. se verra dans le cas d’illégibilité connu par Jean-Pierre Bemba en 2018. Dommage que le pacificateur jusqu’au bout, finit malheureusement jusqu’en prison !