Par Ben Lévi.
Alors que l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS/Tshisekedi) proclamait lundi 8 juin, la désignation de la députée Patricia Nseya en remplacement de Jean-Marc Kabund au bureau de l’Assemblée Nationale, ce dernier a, le jour suivant introduit au Conseil d’État, une requête en référé-liberté, mettant ainsi en cause la procédure qui a conduit à sa déchéance.
Dans sa requête introduite au Conseil d’État le mardi 9 juin, en dépit du fait que l’UDPS ait proposé une autre personne à ce poste, et ce, rendant nul le communiqué d’Augustin Kabuya qui avait opté pour la politique de la chaise vide et de l’auto-exclusion, Jean-Marc Kabund a, s’il y a pas double jeu de la part de Félix Tshisekedi, mis au défi et le parti, et l’autorité morale de celui-ci. Sinon, comment comprendre qu’une décision prise au niveau des instances supérieures du parti, soit ainsi anéantie par la requête du président a.i de ce même parti ! Serait-on entrain d’assister à une nouvelle dissidence au sommet de l’UDPS ? Ouil s’agit d’un canular ?
Les questionnements de pro-Mabunda
Pour l’opinion qui soutient la position de l’Assemblée Nationale, l’on se pose la question de savoir dans quel Etat de droit se trouvent-ils ? Pour cette frange, elle n’hésite pas de crier à la manipulation du Conseil d’État pour de fins politiques.
« De sources bien introduites au Conseil d’État, affirment qu’il y a déjà une décision du Conseil d’État en faveur de Kabund avant le délibéré, auprès du juge référé. La justice serait-elle aux ordres dans l’État de droit ? À quoi joue l’UDPS ? Dans un Etat de droit normal, le Conseil d’État n’est pas compétent pour traiter des actes de l‘Assemblée décidés en plénière », déclare un personnel politique de l’Assemblée Nationale, qui a requis l’anonymat.
Le double jeu de Fatshi !
Dans cette guéguerre politique asymétrique entre d’une part, l’UDPS contre ses propres structures, et d’autre part l’UDPS face au FCC, la question qui en résulte venant de partisans du double jeu est : « à quel jeu joue l’UDPS Tshisekedi ? Ils proposent une candidature à la 1ère vice-présidence de l’Assemblée Nationale et soutiennent en même temps la démarche visant la réhabilitation de Kabund, le tout avec la bénédiction du Chef de l’État, autorité morale de l’UDPS.
«Visiblement cela ressemble à une grosse farce dans laquelle le Président du Conseil d’État et Patricia Nseya apparaissent finalement comme les dindons», s’offusque un élu de Kinshasa qui fonde son inquiétude sur le quiproquo entretenu par Augustin Kabuya dans son interview accordée à son traditionnel média en ligne Libertéplus.cd où il déclare sans convaincre : « Il n’y a aucune contradiction entre la démarche du Président a.i du Parti, Jean Marc KABUND-A-KABUND, celle de saisir la justice congolaise, plus spécialement le Conseil d’État, et l’initiative du dépôt de la candidature de l’honorable Patricia Nseya au Poste du Premier Vice-président le lundi 08 Juin. Les deux démarches émanent du Parti. Vous vous rappellerez que le point 5 de la Déclaration politique de l’UDPS que moi-même j’ai signée en date du 28 Mai dernier autorisait à l’honorable Jean-Marc KABUND de pouvoir saisir la justice pour rentrer dans ses droits. Donc, son acte juridique est totalement conforme avec la Déclaration politique du Parti susmentionnée. Que les uns et les autres se tranquillisent, au lieu de créer une confusion stérile dans les têtes des gens», fin de citation.
Interrogé à ce sujet par Scooprdc.net, un enseignant de droit à l’Université de Kinshasa donne son point vue face à ce qui apparaît aux yeux de non initiés comme un imbroglio juridico-politico-administratif. Pour l’enseignant, n’ayant pas lu la requête de Kabund, il estime que ceux qui auront à bien la lire, verront qu’il n’est pas encore allé au fond.
« Par le fait d’avoir initié une requête en référé-liberté. Certainement qu’il a besoin d’obtenir du juge une mesure urgente mais provisoire, étant donné la violation de ses droits fondamentaux. Il pourra évoquer les droits garantis par le titre II et porté par les articles 11 à 61 de la Constitution », dit le juriste.
A la question de la compétence ou non du Conseil d’État sur les actes ou décisions de la plénière de l’Assemblée Nationale, le professeur donne cette appréhension : » il faut avouer que par le passé, les actes d’Assemblées politiques délibérantes dits actes d’Assemblées (C’est comme ça qu’on les appelle), échappaient à la censure de tout juge. Depuis un moment, la Cour constitutionnelle a changé cet état de chose (c’est ce qui échappe à ceux qui pensent le contraire). En effet, le principe est que la Cour constitutionnelle se déclare compétente pour deux motifs majeurs : 1. Violation des droits fondamentaux; 2. Inexistence d’une juridiction compétente. Cela étant, il suffira de voir la ligne que suivra le Conseil d’État. Mais, ça m’étonnera qu’il se déclare incompétent », ajoute t-il.
A la lumière de ce qu’a apporté le juriste, il apparaît clairement que la partie accusée devra changer son argumentaire, puisque celui de l’incompétence aura du mal à passer. Non sans raison, car les résolutions et motions sont votées en plénière des assemblées. Mais le constat est qu’elles arrivent à être annulées par la Cour constitutionnelle et que les Gouverneurs déchus sont réhabilités en fin de compte. Selon le professeur, le Conseil d’État pourra affirmer sa compétence en les ramenant sur le terrain des actes administratifs particuliers, qu’il appellera actes d’Assemblées. C’est ce raisonnement que la partie adverse devait avoir, mais en même temps, scruter la requête pour retrouver des motifs d’irrecevabilité en lisant l’article 135 de la loi organique réagissant l’Assemblée Nationale, a t-il conclu.