(Une chronique du Prof. Voto)
Les Congolais assistent depuis quelques semaines à un véritable combat des gladiateurs entre l’évêque Pascal Mukuna et l’ancien Président de la République, Joseph Kabila. C’est depuis pratiquement le dernier trimestre de l’année dernière que le pasteur de l’ACK, jadis allié de Joseph Kabila, a fait de ce dernier la cible de sa campagne de dénonciation, estimant que la mauvaise gestion du pays par l’ancien Président est à la base de la misère des Congolais et l’accuse également de constituer un obstacle aux actions du nouveau Président Félix Tshisekedi. C’est ainsi que Mukuna a fini par préciser son combat qui se résume en ‘’Kabila dégage’’.
Au départ, cette campagne avait tout l’air d’un simple discours nationaliste. Mais au fur et à mesure que les jours passaient, le discours de l’évêque qui multipliait des sorties médiatiques a commencé à déranger. Si bien que le camp de Joseph Kabila a décidé de répliquer. Ce qui va finalement se transformer en un véritable combat au coup sur coup, comme on aime le dire au PPRD. Au fil des jours, l’affrontement est devenu de plus en plus âpre. Un combat de cage à l’américaine faisant appel à toutes les techniques des arts martiaux. De la boxe thaïlandaise mêlée du Karaté, du Kung fu, du Taekwondo, du Jiu Jitsu et même du Libanda de l’Equateur. Bref, un véritable corps à corps où tous les coups sont permis, avec des armes conventionnelles et non conventionnelles. L’arène privilégiée aura été l’émission Bosolo na politik animée par Israël Mutumbo dit Papa Sango, sur Congo web TV.
1er round : des coups d’essai
Au début, le camp Kabila a négligé les sorties de Mukuna, se disant que c’est encore une fois un agitateur de plus qui finirait par s’essouffler. Mais les kabilistes se rendent compte qu’à chaque coup, Mukuna devenait de plus en plus percutant. Il se documentait à chaque sortie et administrait des coups de plus en plus précis. Mukuna dénonce des détournements de Joseph Kabila et de ses collaborateurs et surtout de sa famille biologique devenue scandaleusement riche pendant que les Congolais vivent dans une misère indescriptible. Il rappelle l’arrivée de Joseph Kabila à Kinshasa comme Kadogo chaussé des bottes de fermier en 1997 avec l’AFDL, et dit ne pas comprendre que Kabila devienne multimillionnaire en quelques années. Evaluant la fameuse libération de l’AFDL, Mukuna rappelle des bons souvenirs de l’ère Mobutu : la fierté nationale, la Gécamines, la Miba, etc. Il se souvient du patrimoine de toutes ces entreprises étatiques qui faisaient la fierté et la prospérité du Congo et s’émeut de les voir aujourd’hui privatisés au profit de Kabila, de sa famille et de ses amis. Mukuna accuse l’ancien Président d’avoir intégré des étrangers dans l’armée et qui en ont pris aujourd’hui le contrôle et regrette Mobutu qui assurait la sécurité du Congo et l’unité nationale. Il dénonce dans la foulée l’alliance FCC-CACH qui n’est en aucun cas en faveur du peuple congolais et appelle le Président Félix Tshisekedi à y renoncer.
De plus en plus, les Congolais ont commencé à prêter attention à ce discours qui arrose les réseaux sociaux et les chaînes de télévision. Le camp Kabila se décide de faire quelque chose. Mukuna a plusieurs casquettes : pasteur, dirigeant sportif et depuis peu, activiste. La Kabilie décide d’abord de le déstabiliser comme dirigeant sportif en lui arrachant la direction du FC Renaissance. Le premier à monter sur le ring pour l’affronter, c’est Henry Magie, le commandeur des bérets rouges du PPRD. Le fou du roi qui n’a peur de rien et qui peut affirmer devant la caméra que c’est Kabila qui a désigné Tshisekedi comme Président. Il se déclare candidat à la présidence du FC Renaissance en remplacement de Mukuna et promet de rebâtir ce club sur le modèle des clubs européens. Il révèle quelques entretiens avec les leaders du parti qui sont prêts à le soutenir et des contacts qu’il a en Europe. Mais les Renais savent que soutenir un club demande beaucoup de moyens et Henry Magie n’en donne pas les preuves, lui qui se plaint d’être oublié. La suite leur donnera raison. Henry Magie se décide de dormir à la belle étoile à la permanence du PPRD pour attirer l’attention du parti et entame une grève de faim jusqu’au 17 mai, date d’anniversaire de la révolution qui bouffe ses propres enfants. Mais arrivé au 16 mai, les crampes à l’estomac l’obligent à sortir chercher du pain dans une alimentation. Il se fera appréhendé par la police après des menaces au téléphone d’un conseiller de la présidence. Les temps ont changé.
2ème round : direct en plein visage
Devant les menaces de Henry Magie, Mukuna durcit son discours. Il reprend le discours du maître-nageur Jean-Marc Kabund et menace les kabilistes d’exil. Il ne cache pas ses accointances avec le nouveau pouvoir. Dans le camp de Kabila, on se souvient que Pascal Mukuna qui est un ancien allié traîne des cadavres dans les placards et qu’il est temps de les exhumer. C’est Jean-Marie Kasamba, un autre inconditionnel de Kabila qui se charge de l’affronter. Il choisit le plateau de Bosolo na politik pour dénoncer l’ingratitude de Mukuna. Il révèle comment ce dernier a bénéficié des largesses de Kabila et des moyens dans le cadre de la campagne du candidat Emmanuel Shadari. Des vidéos du pasteur défendant Joseph Kabila dans son église face aux évêques catholiques qui réclamaient la tenue des élections et où il demandait à ses fidèles d’applaudir pour Joseph Kabila lors des cultes, envahissent les réseaux sociaux pour démontrer la versatilité de l’homme. A la suite de cette sortie de Kasamba, un duel est organisé sur Bosolo na politik entre le DG de télé 50 et le pasteur de l’ACK. Ça chauffe et les mots ne sont pas tendres, mais Israël Mutombo se montre à la hauteur et gère l’affrontement sans que ça déborde.
3ème round : dans les cordes
Mukuna réalise que le combat devient sérieux. Jusque-là, il était attaqué sur le terrain sportif. Maintenant, c’est sa crédibilité de pasteur qui est désormais en cause. Il rassure les Congolais qu’il n’est pas seul dans ce combat. Il a des soutiens à l’extérieur et que Kabila risque gros. Mukuna reçoit de plus en plus de soutiens, non seulement des Congolais, mais aussi de l’étranger. L’ancien secrétaire d’Etat américain Herman Cohen qui accorda une année à Joseph Kabila pour le voir disparaître de la scène politique congolaise le soutient. Il tweete pour dire qu’au Congo, il y a un pasteur qui fait face à Kabila et qu’il faut le prendre au sérieux, une manière de donner du crédit à ses prédictions. D’autres activistes de droits de l’homme comme Me Katende déclarent également soutenir le combat de Mukuna au sein du mouvement Eveil patriotique.
Les jeunes du PPRD envahissent à leur tour les médias pour démontrer combien l’évêque Mukuna est ingrat et moins sérieux. Il était avec Kabila et l’a soutenu et aujourd’hui, il lui tourne le dos parce qu’un kasaïen est au pouvoir.
4ème round : crochet en dessous de la ceinture
A chaque réplique des kabilistes, l’évêque passe à la vitesse supérieure et change de terrain de combat. Il quitte cette fois les dossiers des crimes économiques pour les assassinats. Mukuna annonce le prochain jugement de Kabila par la CPI. Il délivre un chapelet des crimes commis pendant le règne de Joseph Kabila et dont il doit répondre devant la Cour pénale internationale : Chebeya, Armand Tungulu, Rossy Tshimanga, Thérèse Kapangala, adeptes de Bundu dia Kongo, Kamwina Nsapu, les experts des Nations Unies au Kasaï, le charnier de Maluku, etc.
Face à cette escalade, la Kabilie se rend compte qu’il est temps d’arrêter Mukuna dans sa folie. Il est allé trop loin. Ils sortent alors l’artillerie lourde. Des images virales de sextape attribuées à Mukuna font du buzz sur les réseaux sociaux. La journaliste Denise Duchochois déchue par l’UNPC pour son goût du scandale réalise une vidéo pour expliquer ces images qu’elle donne pour des preuves d’immoralité du pasteur Mukuna. Le visage du pasteur y est présentée dans un ébat sexuel extrême avec des gémissements en Tshiluba. Une polémique s’ensuit sur l’authenticité de ces images qui laissent des doutes. Les séquences sont apparemment montées sur fond musical. La partenaire est présentée comme une certaine Mamie Tshibola, la veuve d’un des collaborateurs du pasteur et qui a tourné ces images pour preuves d’abus dont elle est victime de la part de Mukuna qui détiendrait ses documents parcellaires et qui lui aurait demandé le droit de cuissage avant de les lui rendre. Mukuna est par terre. Va-t-il se relever pour continuer de se battre ?
L’arbitre Israël Mutombo compte. Mais Mukuna ne s’avoue pas vaincu. Il se relève le lendemain et se présente tout de même à l’arène de l’émission Bosolo na politik et crie au montage et au complot du PPRD pour le faire taire. L’affaire devient une guerre d’informaticiens experts en Photoshop pour fixer l’opinion partagée. Des internautes lancent l’opération ‘’lakisa genoux’’ et demandent à Mukuna d’exhiber ses genoux pour voir s’ils ne sont pas noircis comme sur l’image. Vidéo contre vidéo, la fille de l’ancien collaborateur de Mukuna apparaît dans un élément où elle récite les noms des enfants de son père. Elle brandit le fameux certificat d’enregistrement que réclame Mamie Tshibola et affirme que c’est sa mère qui est la femme légitime.
5ème round : double crochet de Kabila
Pour dissiper le doute dans l’opinion, la veuve Mamie Tshibola revient à la charge avec cette fois un audio où elle confirme les faits et donne assez des détails sur cette affaire. Elle nie néanmoins avoir diffusé ces images dans les réseaux sociaux et se présente en victime. Les propos de la dame qui cite des personnalités connues dans la ville et qu’elle a consultées pour plaider en sa faveur auprès de Mukuna semblent convaincants. Toutefois, Mukuna ne manque pas de soutien. Le Pasteur Kutino Fernando, l’initiateur de la campagne ‘’Sauvons le Congo’’ qui a payé pour son audace sous le règne de Kabila et qui est très diminué physiquement suite à son emprisonnement soutient Mukuna. Il demande aux Congolais à partir de l’Europe où il s’est exilé d’oublier le sextape pour privilégier le noble combat de la libération du Congo. Mukuna est très diminué, il vient de recevoir un crochet en plein menton qui l’a renversé sur le tapis. Aura-t-il la force de se relever ? Mais le pasteur ne cesse d’étonner par sa témérité.
6ème round : uppercut de Mukuna
Mukuna se rend compte qu’il n’a plus rien à perdre. Il a perdu de sa crédibilité en tant que pasteur. Son église qu’il a bâtie toute sa vie et qui finance le FC Renaissance risque de voler en éclat. Il concentre toute sa force pour administrer à Kabila le denier coup fatal. Il surprend l’opinion en se présentant à la Cour constitutionnelle pour déposer une dénonciation contre Joseph Kabila pour crime contre l’humanité. D’aucuns se demandent pourquoi il se présente devant cette cour au lieu de la cour de cassation. Mukuna n’est pas aussi limité qu’on le pense, même si son français balbutie. Il se fait accompagner des membres de l’Eveil patriotique dont quelques juristes. Il dénonce les faits devant la Cour constitutionnelle mais demande en même temps aux Etats-Unis et à l’Union européenne de venir prendre Kabila. Mukuna sait que sa dénonciation risque de ne pas avoir de suite devant la cour, mais peut donner des prétextes à la CPI de se saisir du dossier s’il n’y a pas poursuite au Congo.
Au lendemain, la Kabilie évoque l’impossibilité de poursuite contre Joseph Kabila pour des actes posés dans l’exercice de ses fonctions au regard de la loi taillée sur mesure en 2019 par la Majorité présidentielle pour protéger Kabila. Mais là, Mukuna a franchi le Rubicon. Il est temps de le faire taire une fois pour toutes. Le lendemain, coup sur coup, plainte contre plainte, Mamie Tshibola dépose plainte contre Mukuna. Son avocat précise les chefs d’accusation de viol, rétention illégale des documents et menace de mort devant le seul micro de Télé 50 qui les a accompagnés. Lambert Mende se moque de la plainte de Mukuna qu’il traite de fou et rassure que cette plainte n’aura aucune suite de la part de ses amis magistrats.
7ème round : plainte sur plaintes
Mukuna sait que ses jours de liberté sont comptés. Il demande aux Congolais d’exiger des éclaircissements sur la mort de Mzee Laurent-Désiré Kabila. Les Kabilistes sont décidés à le coincer jusqu’à son dernier retranchement. Une autre plainte est déposée contre lui par une dame au nom de la famille Kabila pour qu’il montre l’assassin de Mzee, puisqu’il en parle. Mukuna sait qu’il ne va pas échapper à la prison. A part quelques sorties médiatiques timides, il ne perçoit aucun signal sérieux de solidarité, ni de l’Eglise, ni de Renaissance, ni de l’UDPS, ni des ONG de défense de droits de l’homme, ni des communs des Congolais. Pas de marche, pas de menace, pas de boycott. Malgré tout, il garde le moral. A la veille de son audition, il réalise une dernière vidéo où il dit qu’il sait qu’il sera arrêté. Comme Jésus Christ aux monts des oliviers, il exprime sa dernière volonté en demandant à ses compatriotes de poursuivre le combat, le même qu’a mené Etienne Tshisekedi et Kutino Fenando et promet à Kabila qu’il finira par dégager.
8ème round : le combat se poursuit
Effectivement, l’évêque Pascal Mukuna sera mis en détention préventive après huit heures d’audition et de confrontation avec Mme Mamie Tshibola. La Kabilie a pesé et a joué gros. Mais Mukuna ne semble pas être vaincu. Même emprisonné, il continue à faire mal. Le secrétaire d’Etat Herman Cohen retweete pour dire qu’à Kinshasa, le tribunal à solde a incarcéré le Pasteur Mukuna. Kabila peut souffler. Il vient de laisser Mukuna dans la cage de Makala. Mais le lendemain, il reçoit par surprise un coup violent dans le dos. L’auteur de ce coup, inconnu du grand public ressemble physiquement aussi bien à Mukuna qu’à Mzee. Un certain Ibrahim Kabila qui se présente sur l’arène de Bosolo na politik comme le fils Mzee déclare soutenir le combat de Mukuna. Il relate les déboires qu’il a connus de la part du régime passé et demande la réouverture du procès de Laurent Désiré Kabila pour connaître la vérité. Il réclame le test d’ADN pour identifier les vrais enfants de Mzee. Un vrai pâté dans la marre.
Le taiseux Joseph Kabila qui n’a dit mot jusque-là continue à combattre par procuration. Ibrahim Kabila est cueilli par la police à la fin de l’émission. On parle d’une plainte de l’ambassadeur Mugalu qu’il a cité pendant l’émission. Mais la célérité avec laquelle son cas est traité rappelle l’époque Kabila. On ne sait pas qui a ordonné son arrestation. Même s’il y avait plainte, il y a une procédure à suivre. Ibrahim est relâché tard dans la soirée. Il promet de continuer la lutte.
En attendant, Kabila a le temps de faire du yoga dans sa paisible ferme de Kingakati pour avoir le contrôle de toute la situation. Quant à Mukuna, il peut se concentrer lui aussi en prière pour se repentir et faire le plein d’énergie spirituelle, car ce combat a tout aussi l’air d’être spirituel et on est loin d’en connaître le vainqueur.