L’éducation en RDC à l’heure de la COVID-19 : entre espoir et inquiétudes

Le 6 mai 2019, Scooprdc.net avait publié un article de Jean-Marcel Ndumbi Tshingombe qui, rappelons-le encore, n’est pas un journaliste. C’est un ancien maire de la ville de Kananga qui vit plus de 20 ans au Canada (lire l’article de Scooprdc.net : «L’autisme en RDC : autopsie d’une situation méconnue et perspectives d’avenir»). Aujourd’hui, face à la pandémie de Covid-19 il se livre à une réflexion en rapport avec l’enseignement dont le titre ci-haut et le contenu ci-dessous :

Par Jean-Marcel Ndumbi-Tshingombe,

EAO Enseignant (Ontario, Canada) jmndumbi@alumni.uottawa.ca

« Stay home. Don’t spread CODVID-19 ! », « Restez chez vous et évitez de propager la COVID-19 ! » tel est le slogan de la quasi-totalité des dirigeants du monde à l’égard de leurs compatriotes. Au nombre des personnes visées par les recommandations, figurent en grande partie les étudiantes et les étudiants du monde entier, les élèves des garderies, ceux des maternelles & jardins, de l’élémentaire jusqu’au secondaire qui ne fréquentent pas l’école depuis plus d’un mois. Si certains élèves des pays dits développés sur le plan technologique suivent les cours à distance et en ligne, qu’en est-il des élèves des pays africains ? En particulier, comment est organisé le confinement pour les élèves congolais ? L’année scolaire court-elle la malchance d’être déclarée année blanche ? Qu’en sera-t-il des étudiants en phase terminale de leur cycle de graduat et de licence ? Dans la foulée des mesures de confinement, que deviennent des élèves autistes ou ayant un spectre d’autisme ? Cette réflexion a pour objectif de contribuer aux solutions possibles qui peuvent s’appliquer aux élèves après le déconfinement.

L’année scolaire déclarée blanche ou non ?

C’est depuis le mois de janvier que la nouvelle de la COVID-19 s’est répandue dans le monde. En RDC, l’école a été fermée depuis bientôt un mois. L’année scolaire a 194 jours d’école et dans toute vraisemblance, plus de 105 jours ont été déjà consommés.

Dans sa livraison du 27 mars 2020 dernier, Scooprdc.net a publié deux articles qui ont retenu mon attention : « Enseignement : Konnect Africa va connecter 3600 écoles à l’Internet haut débit en RDC » et « EPSPT : Les NTIC marchent sur le coronavirus avec l’enseignement à distance grâce à Vodacom ». La lecture de ces deux articles m’a plongé dans une grande consternation dans la mesure où lorsque le ministre d’Etat en charge de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique (EPST) s’adressant aux parents que « les élèves peuvent toujours continuer de bénéficier d’une formation à distance pendant la période concernée à cause de coronavirus. » Ma question est de savoir si le ministre d’État connaît réellement la situation sociale, culturelle, économique et surtout technologique du Congo profond. Quelqu’un peut-il aujourd’hui me convaincre que les écoles situées à Lualaba, à Luebo, à Demba et Kasumbalesa sans parler de Manono sont connectées à Internet. Existe-t-il une école de l’intérieur du pays qui, tant soit peu, a un réseau technologique et surtout de l’électricité pour avoir accès aux cours en ligne ? C’est simplement l’ignorance de la réalité de notre pays. Le Congo ne se réduit pas à la ville-province de Kinshasa car, même dans la capitale, les enfants qui vivent à Malueka, à Kisenso, à Kimbanseke ne savent même pas ce qu’est un ordinateur et comment on s’en sert. « Aux grands maux, de grands remèdes », dit-on. Quelles mesures pour les élèves finalistes du secondaire et des étudiants de la RDC ?

Les finalistes du secondaire et des universités

L’inquiétude est certaine chez les élèves qui devraient écrire leurs examens d’État cette année 2020. Quelles stratégies mettre en place pour ne pas manquer cette session ? Les experts du ministère de l’Éducation devaient trouver des voies et moyens pour mettre en place un système devant faire une évaluation réaliste pour organiser la session d’examen d’État sur toute l’étendue de la République. Dès que le déconfinement est déclaré partout, permettre le retour progressif à l’école pour couvrir la matière essentielle selon chaque section. Les élèves finalistes congolais ne devraient pas être pénalisés pour la sanction de leurs études secondaires parce qu’ailleurs, les dispositions sont en train d’être mises en place pour la récupération des crédits pendant le restant de temps passé à la maison.

L’offre des cours à distance n’est pas réalisable même dans certains pays dits technologiquement développés. Lorsque nous considérons la situation du Canada, sur 10 provinces et trois territoires, les cours sont offerts en ligne dans seulement deux provinces de manière normale au niveau tant élémentaire que secondaire. L’organisation des cours à distance est émaillée de beaucoup de défis aussi bien chez les élèves, chez les membres du personnel enseignant que chez les parents. Cette dernière catégorie doit relever et composer avec cette réalité virtuelle inédite, ne l’oublions pas, ils ne sont pas tous des pédagogues. Si ceci est difficile dans le pays comme le Canada, que dire de l’octroi des cours à distance en Afrique et ailleurs dans certaines parties de l’humanité sans pouvoir les citer nommément ?

Afin de sauver l’année scolaire en cours, trois possibilités nécessitent d’être envisagées et appliquées dans la mesure du possible :

➢ Considérer le temps passé à la maison comme étant des vacances. Envisager la possibilité de légiférer cette matière dans le cadre de l’état d’urgence décrété dans le pays et sur toute l’étendue de la république;

➢ Organiser les cours dès que le déconfinement est confirmé pour le secteur éducatif afin de permettre aux membres du personnel de sélectionner les chapitres (unités) essentiels pour couvrir le restant de la matière tout en tenant compte des matières couvertes pendant les 100 premiers jours de l’année scolaire ou académique;

➢ Réajuster le calendrier scolaire pour la prochaine rentrée scolaire tout en considérant les mesures mises en place dans d’autres pays du monde.

Les élèves autistes et aidants naturels et familiaux

Cette catégorie d’enfants est souvent oubliée par nos décideurs surtout pendant les périodes comme celle-ci (confinement lié à la COVID-19). Le mois d’avril est décrété le mois de la sensibilisation à l’autisme par la communauté internationale. C’est le moment privilégié pour informer le grand public et le sensibiliser à l’autisme de même que l’occasion de briser les préjugés, principal obstacle à l’intégration des personnes autistes dans notre société. Comment sont pris en charge les élèves TSA en RDC? Nous avions mentionné dans notre publication du 6 mai 2019 sur Scoop RDC : « L’autisme en RDC : autopsie d’une situation méconnue et perspectives d’avenir », que l’autisme en RDC était une réalité méconnue. Malgré les efforts fournis par certaines associations locales et privées, le travail à faire est encore énorme. Le reportage d’Elodie Toto de la BBC-Africa à travers lequel une mère d’un enfant autiste, Nadine Wauters, décrit la situation non seulement de son fils, mais aussi donne le reflet des personnes autistes en RDC. C’est pour cette raison que nous rappelons ici que soient inclus dans les diverses planifications au niveau des organisations et différents paliers de gouvernements en RDC, les besoins des enfants autistes en RDC. Quelques suggestions s’imposent à ce sujet :

➢ Offrir une aide substantielle aux aidants naturels et familiaux des élèves autistes;

➢ Identifier les jeunes autistes et prévoir une assistance quasi permanente selon leurs besoins divers;

➢ Créer un cadre d’interventions et d’assistance ponctuelles aux familles des élèves autistes; ➢ Sensibiliser la communauté et la société à s’impliquer dans la cause de respect et d’intégration des enfants autistes une fois devenus adultes.

Perspectives d’avenir

Les défis sont vraiment nombreux pour le gouvernement congolais qui n’a pas encore totalisé une année de travail. Les priorités sont aussi légion qu’urgentes. L’avenir des élèves et des étudiants doit faire partie de préoccupations de décideurs et leaders congolais. Une année blanche est une grande perte non seulement financière pour les parents, mais aussi et surtout un préjudice pour les élèves finalistes et les étudiants en fin de cycle à tous les niveaux post-secondaires. Légiférer en ce qui concerne le changement de calendriers scolaires et universitaires reste une voie de sortie pour adapter les programmes respectifs de chaque niveau d’études afin de sauver l’année scolaire malgré les menaces de la COVID-19 qui n’a pas encore dit le dernier mot.

  • Bendélé Ekweya té

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