Par SMOKA.
L’Assemblée nationale a tenu une plénière ce jeudi 23 avril 2020 pour procéder à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire à la demande expresse du Président Félix Tshisekedi. Après un débat houleux, les élus ont privilégié l’adoption d’une loi proposée par le député Mboso pour autoriser la prorogation de l’état d’urgence. En ouverture de cette plénière, la Présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda Lioko a prononcé une allocution aux allures très politiques : unité et responsabilité face au Covid-19, séparation des pouvoirs et continuité de l’action parlementaire en temps de crise.
Une pensée aux victimes du covid-19 et aux Congolais qui souffrent
Entamée par une minute de silence en l’honneur de Maître Joseph Mukendi, député décédé des suites du coronavirus le 23 mars 2020, le discours du speaker de l’Assemblée nationale s’est primordialement adressé par une pensée pieuse « vers les populations de Songololo au Kongo Central ou d’Uvira qui ont été victimes de violents orages qui ont entraîné de d’importants dégâts matériels et humains » et une solidarité envers les populations provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Haut-Katanga et du Kongo Central qui « sont encore en proie à des crises sécuritaires de degrés divers et subissent au quotidien les affres de la violence aveugle ». Jeannine Mabunda a demandé au Gouvernement Central « à prendre les mesures idoines face à ces situations complexes et à doter les Gouverneurs et assemblées provinciales de moyens conséquents pour exercer leur rôle d’Etat ».
Une plénière exceptionnelle à format réduit
« Tenant compte des risques de propagation de ce virus et en application de la recommandation formulée par le Comité Multisectoriel de la Riposte contre l’Infection Covid-19, et selon les données technico-médicales reçues dudit comité sanitaire national, le nombre maximum de députés recommandé dans notre hémicycle est de 60. l’Assemblée plénière de ce jour se déroulera donc en format réduit représenté par 60 Députés, comprenant les Présidents des Groupes parlementaires et les Non-inscrits, les Présidents des Commissions permanentes et le Président du Comité des Sages » a précisé la Présidente.
Selon elle, l’Assemblée nationale devra dans ce contexte difficile « adapter dans un délai raisonnable sa praxis parlementaire notamment par une modification de notre règlement d’ordre intérieur et par l’usage des technologies de l’information et de la communication pour garantir la représentativité maximale de tous les électeurs via leurs députés pour maintenir les fonctions essentielles de vote des lois et de contrôle parlementaire envers le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics ».
Un état d’urgence sous surveillance du Parlement
Rappelant la genèse de la pandémie dans le pays dont les statistiques actuelles à savoir à ce jour 359 cas confirmés, 25 décès et 27 guéris repartis dans la Ville-Province de Kinshasa, le Kwilu, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, Jeannine Mabunda a salué « le travail appréciable du personnel médical et soignant, en première ligne face à ce virus et souvent dans des conditions difficiles » et indiqué sur l’état d’urgence que « le Chef de l’Etat a saisi, par correspondance datée du 17 avril 2020, les deux Chambres parlementaires pour obtenir cette autorisation. »
A cet effet, le speaker de la chambre basse a rappelé qu’il « en sera ainsi tous les quinze jours tant que la situation l’exigera » et que « la responsabilité du parlement sera aussi de veiller à la bonne application des mesures comprises dans l’état d’urgence sanitaire qui devront être strictement proportionnées, limitées à ce qui est nécessaire et ne devront pas durer indéfiniment.»
In fine, Jeannine Mabunda clôture ce point en rappelant en guise d’avertissement que « la Constitution en son article 144 alinéa 6 donne aux Chambres parlementaires le pouvoir de mettre fin, à tout moment, par une loi à l’état d’urgence. »
Continuité de l’activité parlementaire, un impératif démocratique
« Après l’ouverture de la Session de mars en cours, les circonstances exceptionnelles ci-haut évoquées n’ont pas permis à notre assemblée d’adopter le calendrier de nos travaux selon le prescrit de l’article 60, alinéa 4 de notre règlement intérieur. Nous devons y pallier pour le bon déroulement de nos travaux parlementaires dans pareil contexte de précautions sanitaires maximales.» a rappelé l’élue de Bumba en province de la Mongala.
Pour Mabunda, « en ces temps de psychose mondiale où chaque seconde compte dans la lutte contre cette pandémie à conséquences multiformes sur nos perspectives globales, les populations se posent des nombreuses questions sur la pertinence et de l’efficacité des décisions prises par les gouvernants : Que fait concrètement le Gouvernement face à la riposte ? Combien de lits d’hôpitaux et de respirateurs disposons-nous ? Quand mes enfants rentreront-ils à l’école ? Aurai-je encore mon emploi à la fin de cette crise ? Quelle incidence économique : la ménagère et députée que je suis, interroge, au nom de notre peuple les commerçants : pourquoi le sac de braise passe-t-il de 30.000 FC à 60.000FC ? ». Ainsi selon elle, « face aux immenses défis de l’heure, le devoir de redevabilité de nos gouvernants est donc amplifié avec raison à des fins de transparence pour rassurer nos populations » et de conclure que « l’Assemblée nationale dont c’est l’une des missions cardinales doit pleinement jouer son rôle. Il s’agit d’un impératif démocratique crucial pour la viabilité de notre démocratie auquel nous ne pouvons déroger. »
Appel à l’unité face au Covid-19 et au respect de la séparation des pouvoirs
Pour faire face au Covid-19, Jeannine Mabunda a appelé les élus à « un devoir d’exemplarité et d’encadrement de nos populations dans cette lutte contre le Covid-19 » et confirmé que « l’Assemblée nationale, cœur battant de notre démocratie, jouera pleinement son rôle dans cette lutte. ». Pour elle, « l’efficacité du plan de riposte au Covid-19 dépendra de notre unité et notre cohésion nationale mais aussi de la démonstration de la solidité de nos institutions, de la stabilité de notre démocratie et de la garantie de nos libertés fondamentales. »
Répondant aux diverses polémiques qui ont émaillé le processus d’état d’urgence, la Présidente Mabunda a eu ces propos de recadrage : « devrions-nous vous rassurer que l’équilibre et la séparation des pouvoirs est un principe sacro-saint des démocraties modernes qui doit être scrupuleusement respecté. Ceci n’est pas négociable pour le bien-fondé de notre démocratie. Même en temps d’exception comme nous le vivons actuellement, la démocratie Congolaise doit respirer dans toute sa normalité. »
La chute de son speech a été un appel à l’unité nationale pour « taire nos égos, de dépasser nos querelles politiques, mettre en berne nos différences ethniques et tribales pour faire face à ce dangereux ennemi commun de l’Humanité. Ce qui compte aujourd’hui, c’est protéger nos populations par la prévention et la prise en charge médicale, le soutien aux plus fragiles, l’appui au personnel médical soignant afin de rayer de la carte pandémique mondiale, notre pays. »