Par Agnelo Agnade.
Il est, à ce jour, constamment admis qu’avec l’émergence de l’ère du Numérique, la connexion des pays aux câbles sous-marins et le déploiement en leur sein des réseaux terrestres de transmission à fibre optique, sont devenus de plus en plus indispensables pour permettre le développement socio-économique des Nations. Car, la connectivité des populations à l’Internet très haut débit présente pour les Etats et les opérateurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication, des opportunités de développement des services innovants dans les domaines divers tels que l’Administration (E-Administration), l’Economie (E-Economie), les Finances (E-Finances), les Banques (E-Banking), le Commerce (E-Commerce), l’Education (E-Education), la Santé (E-Santé) …
Bon nombre des Etats africains qui ont compris cette nouvelle donne, préparatoire à l’avènement très proche de la 4ème révolution industrielle, se sont connectés à plusieurs câbles sous-marins et ont développé des réseaux terrestres à fibre optique surtout avec l’apport des capitaux privés et étrangers. Le Sénégal, le Ghana et le Kenya, pour ne citer que ceux-là, sont des pays de l’Afrique Subsaharienne, qui matérialisent cette nouvelle politique de développement à travers les technologies de l’information et de la communication. Toutefois, il y a lieu de souligner que pour parvenir à cette fin, ces Etats ont préalablement une vision sur le développement du secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication. Dans la conception et l’exécution de leurs projets, ces Etats planifient et visent la sécurité de leurs pays, leurs intérêts économiques et financiers ainsi que surtout le bien-être de leurs populations. Les régulateurs de ces pays respectent scrupuleusement les règles définies et privilégient les intérêts nationaux. Bien que les projets d’implémentation des infrastructures de base des télécommunications soient largement financés par l’apport des capitaux étrangers tant publics que privés (pour la plupart des institutions financières internationales et des multinationales), les Etats des pays d’accueil ou leurs opérateurs publics ne restent pas moins impliqués dans leurs développement et l’exploitation. Ces Etats privilégient de plus en plus un Partenariat Public-Privé.
Déjà en 2002, le législateur congolais, à travers la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002, a visé non seulement la sécurité nationale et la défense des intérêts de l’Etat dans le développement des infrastructures de base des télécommunications en RDC mais également et surtout, il a incité à la participation des personnes de nationalité congolaise dans la gestion des affaires en matière des télécommunications qui demeure un secteur stratégique et brasse d’importantes sommes d’argent. La nouvelle loi votée par le Parlement en novembre 2018, qui attend sa promulgation par le Président de la République, fait des infrastructures de base des télécommunications et des TIC une partie intégrante du domaine public. Cette loi, qui se fonde sur une économie libérale, privilégie néanmoins le Partenariat Public-Privé pour le développement et l’exploitation des infrastructures de base des télécommunications et des technologies de l’information et de communication. Et d’ailleurs, dans un mémorandum adressé à la Banque Mondiale, dans le cadre de la réalisation du projet CAB 5 financé par cette banque à hauteur de 92 Millions de dollars, le Gouvernement congolais a réaffirmé son engagement à opter pour le Partenariat Public-Privé dans la mise en place, l’exploitation, la commercialisation et la maintenance du réseau à fibre optique qui sera construite. Cet engagement est d’autant plus justifié que le Gouvernement de la RDC tient compte aussi bien des intérêts de l’Etat que de ceux des particuliers qui apportent leurs capitaux au développement des infrastructures des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication. Il vise donc un partenariat gagnant-gagnant.
Malheureusement cette vision du Gouvernement congolais n’est pas partagée par les animateurs actuels de l’ARPTC, ces «mercenaires» qui privilégient plus leurs intérêts privés au détriment de l’Intérêt général. Plusieurs scandales caractérisent le parcours de la plupart des membres actuels du collège de cet organe et ce, depuis sa mise en place en 2009. Il y a lieu de souligner qu’à ce jour, ils ont épuisé leurs deux mandats légaux de cinq ans, chacun. Ils ne peuvent plus, en principe, poser des actes qui engagent valablement l’Etat congolais, étant devenus des fonctionnaires de fait.
Cependant, sans tenir compte de leur situation d’intérimaires qui rend fragile la validité juridique des actes qu’ils posent, ils prennent plusieurs risquent exposant grandement les intérêts supérieurs du pays. Comme annoncé dans notre article du 1er mars 2020, ces mercenaires viennent de prendre la décision n°008/ARPTC/CLG.2020 du 24 février 2020 qui reconnaît à la société LIQUID TELECOM DRC SA le droit d’établissement et d’exploitation d’une station d’atterrage à fibre optique à NSIAMFUMU dans la province de Kongo Central. Cette décision vise finalement l’octroi d’une licence à cette entreprise en vue de la construction et de l’exploitation de ladite station d’atterrage devant être, prétendument connectée au câble sous-marin EQUIANO, encore en construction par Alcatel Submarine Networks sur financement de GOOGLE.
Mais il faut toutefois relever qu’aucun texte de loi sur les télécommunications en République Démocratique du Congo ne prévoit l’octroi à des opérateurs privés le droit de construire et d’exploiter seuls une station d’atterrage ni un réseau de transmission longue distance à fibre optique (Backbone). Seuls sont autorisées aux particuliers l’établissement et l’exploitation des réseaux de transmission à fibre optique sur les axes intérieurs et des réseaux domestiques de distribution des capacités sur la fibre optique (rings). Du reste, la licence accordée à LIQUID TELECOM lui interdit clairement toute sortie de son trafic à l’international sans passer à travers une passerelle internationale construite par l’opérateur désigné (SCPT) ni, pour les parties du pays qui en sont dépourvues, à travers une station construite en association avec la SCPT dans le cadre d’un partenariat BOT.
Il est dès lors curieux de constater que la décision de l’ARPTC viole manifestement la loi existante sur les télécommunications et cette même licence qu’elle a, elle-même préparée dans le souci de protéger les intérêts stratégiques de l’Etat. Bien plus, cette décision ne tient surtout pas compte des intérêts financiers de l’Etat.
En effet, c’est à travers l’octroi des licences que les Etats réalisent des recettes importantes en télécommunications non seulement à travers des droits uniques de leur attribution mais aussi des redevances annuelles que le Trésor prélève sur les activités d’exploitation desdites licences. Sous d’autres cieux ces recettes spécifiques tirées du secteur des télécommunications contribuent énormément au développement de ce secteur. Au demeurant, il est impérieux de rappeler qu’à ce jour, aucun texte sur la parafiscalité des télécommunications ne prévoit les recettes au profit du Trésor public provenant de l’attribution des prétendues licences d’établissement et d’exploitation des stations d’atterrage encore moins des redevances annuelles devant être perçues de ces activités. A ce titre, il y a donc lieu de se demander sur quelle base l’ARPTC compte-t-elle proposer la taxation de l’octroi de cette licence.
Des informations provenant de cet organe, il revient que l’ARPTC propose de taxer cette licence à 500.000 USD (cinq cent mille dollars américains). Une telle taxation relèverait d’un cas flagrant de coulage de recettes. Car, comme il a été démontré dans notre article du 1er mars, au regard de l’importance de cet ouvrage pour la multinationale LIQUID TELECOM et du trafic international qu’elle compte y charrier pour la région Afrique, la taxation d’une telle licence doit être supérieure à celle d’un licence d’exploitation d’un réseau ordinaire des télécommunications sinon son équivalent. C’est autour de l’équivalent d’une licence FSM 65.000.000 USD (Soixante-cinq millions de dollars) qu’une telle licence peut valoir. Et plus, l’Etat doit être à mesure de monitorer tout le trafic qui y passera pour une meilleure taxation de la redevance sur le chiffre d’affaires. Or, l’ARPTC n’a pas poussé son analyse de la demande de cette entreprise très loin pour permettre à l’Etat de réaliser d’importantes recettes dans le cadre d’une licence d’établissement et d’exploitation d’une station d’atterrage.
C’est donc vers un aventurisme que l’ARPTC cherche à entraîner l’Etat congolais comme cela a souvent été antérieurement le cas pour l’octroi des licences dans le secteur des télécommunications. Car, les animateurs de cet organe ne se sont jamais souciés de mener des études et consultations sérieuses et approfondies pour proposer préalablement au Gouvernement la signature des textes pour réglementer l’octroi d’un type de licence donné et la manière de son exploitation dans l’intérêt supérieur de l’Etat et le bien-être de sa population. Ils visent principalement leurs intérêts égoïstes et mesquins. A chaque fois que l’Etat a octroyé des licences sous les deux mandats de l’actuel collège de l’ARPTC, le Trésor public a toujours perdu des revenus par la suite des arrangements particuliers et mesquins entre cet organe et les opérateurs privés des télécommunications et de la minoration des droits dus à l’Etat souvent sous des prétextes fallacieux du type « pour le développement des télécommunications au pays ». L’ARPTC, contrairement à la pratique souvent usitée par d’autres régulateurs, n’a jamais lancé d’appels d’offre pour déterminer les vraies conditions financières, commerciales et techniques de développement et d’exploitation des réseaux ainsi créer une véritable concurrence des soumissionnaires de ces licences. L’Etat congolais évolue sans indicateurs réels en cette matière à cause de la boulimie de ses «mercenaires», animateurs de l’ARPTC.
La minoration des droits dus à l’Etat, dans le cas sous examen, est d’autant plus prévisible que les éléments d’information en possession de Scooprdc.net font état d’un versement parallèle par LIQUID TELECOM DRC au Président a.i de l’ARPTC d’une somme de 500.000 USD (Cinq cent mille dollars américains) comme pas de porte et de 50.000 USD officiels au titre de frais du dossier. Les 500.000 USD auraient été répartis comme suit : 300.000 USD pour l’achat de la protection du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat qui a couvert l’ARPTC par sa lettre expresse (car demandée et obtenue le même jour) référencée 0241/02/2020 du 22 février 2020 qui est évoquée, comme prétexte, dans les motivations de la décision incriminée de l’ARPTC ; 100.000 USD, Part invisible du Président de l’ARPTC et enfin autres 100.000 USD distribués aux membres du Collège en raison de 20.000 USD chacun en ce, compris le Président a.i. On rapporte également qu’une pactole de 5.000.000 USD (Cinq millions de dollars) de bakchich est réservée par LIQUID TELECOM DRC pour ce Président a.i de l’ARPTC et ses complices une fois que la licence est signée et octroyée à cette entreprise.
C’est ce qui explique la motivation et l’acharnement du Président a.i de l’ARPTC, qui tient à tout prix à la signature de cette licence en faveur de la société LIQUID TELECOM DRC. Il vient, d’ailleurs, de débuter une campagne médiatique pour justifier auprès de l’opinion sa forfaiture contre les intérêts de l’Etat congolais. Pourtant s’il était lucide et sérieux, il aurait dû se rendre compte que la connexion de la RDC au câble «Equiano » n’est pas encore garantie. En effet, le projet d’implémentation de ce câble sous-marin est prévu pour connecter le Portugal à l’Afrique du Sud. La première phase de ce projet qui doit se terminer en 2021 ne prévoit que le branchement du Nigeria et de l’Afrique du Sud tandis que neuf autres pays y seront dans un second temps connectés. Parmi ces derniers, il n’est pas encore sûr que la RDC figurera.
Il y a donc lieu de se demander où la société LIQUID TELECOM DRC tire les droits de connexion à ce câble sous-marin à NSIAMFUMU qui se trouve en RDC. Bien plus, aucun audit n’a été réalisé pour apprécier le degré d’exécution de ses obligations de licence et cahier des charges par cette entreprise pour se rendre compte qu’elle n’a jamais composé avec la SCPT pour son trafic international et n’a jamais payé régulièrement payé ses redevances annuelles sur les chiffres d’affaires. Tout est fait dans la précipitation pour réaliser le jackpot et disparaître avec la nomination des nouveaux animateurs de l’ARTPC en vue.
Le manque de sérieux de cet organe est d’autant plus nuisible que ses animateurs ont complètement ignorer que l’Etat congolais disposera bientôt d’un deuxième réseau de transmission à fibre optique, qui est en construction par la SOCOF sur financement de la Banque Mondiale. Pourquoi, dans le souci de doter le pays d’une seconde connexion à un câble sous-marin, ne cherchent-ils pas à privilégier la connexion de ce nouveau réseau à un des câbles sous-marins qui longent déjà la côte ouest africaine ? Pas loin de Matadi passe déjà la fibre optique angolaise connectée à SAT 3. Ce réseau de la SOCOF pourrait aussi se connecter à ce câble sous-marin à partir de ce point. L’ARPTC pouvait aussi conseiller le Gouvernement d’amorcer les pourparlers avec GOOGLE pour une connexion à son câble sous-marin en construction à partir d’une station terrienne à construire par l’Etat ou en PPP avec un opérateur régulièrement choisi et en toute transparence après appel d’offres. Pourquoi a-t-elle privilégié une multinationale étrangère aux visées inavouées et préjudiciables aux intérêts de la République ?
C’est donc là une illustration d’aventurisme de «mercenaires» de l’ARPTC. Avec un tel mercenariat des animateurs fin mandat de l’organe de régulation des télécommunications, peut-on s’attendre au développement de ce secteur ? En tout cas, les dix années et huit mois de ce collège n’ont rien apporté à la Nation congolaise. Au contraire, le pays avance à reculons en matière des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication. Etant donné que la sûreté de l’Etat et ses intérêts financiers sont mis en mal par les animateurs fin mandat de l’ARPTC qui violent intentionnellement la loi sur les télécommunications et que le ministre de PTNIC tergiverse à cause de l’appât alléchant lui proposé, le Conseil National de Sûreté (CNS), l’Agence nationale de Renseignements (ANR) mais aussi le gouvernement sont vivement interpellés car il y a péril en la demeure.