Licenciement du journaliste congolais Jacques Matand de la BBC : les motivations sont ailleurs !

Par Innocent Olenga.

Vendredi 7 février dernier, le journaliste congolais Jacques Matand, en poste à Dakar pour le compte de la radio britannique BBC, a reçu de l’américaine Anne Look Thiam, sa rédactrice en chef, une lettre de licenciement pour, dit la lettre, faute grave. Le péché du journaliste congolais est d’avoir réalisé une interview avec le journaliste d’investigation et écrivain, le franco-camerounais Charles Onana, dont un extrait a été diffusé sur BBC le 20 novembre 2019 et l’intégralité le 23 et 24 du même mois ; interview intitulée : « Ce qui est terrible c’est qu’on ne veut pas comprendre les causes du génocide rwandais ». https://www.bbc.com/afrique/region-50484002#_=_

« Le Gouvernement rwandais a accusé la BBC d’avoir été injuste, biaisée et inexacte et a indiqué qu’il se réserverait le droit de prendre des sanctions à l’encontre de la BBC. Ladite plainte a soulevé des manquements potentiels de votre part, à savoir le non-respect des lignes directives de la politique éditoriales globale de la BBC, les BBC editorial guidelines », peut-on lire dans cette lettre de licenciement dont copie est parvenue à Scooprdc.net

Pour noyer le « chien congolais » en démontrant la gravité du crime de lèse-majesté qu’aurait commis ce dernier,  l’Américaine Look Thiam écrit : « …ce non-respect pourrait avoir des répercussions négatives majeures sur la réputation de la BBC en sa qualité de source d’informations fiables, exactes et légitimes à travers le monde et en Afrique. Par ailleurs, des exemples passés de non-respect de ‘’editorial guidelines’’ dans la région démontrent l’incapacité éventuelle de la BBC à exercer ses activités et diffuser ses programmes au Rwanda, qui aurait pour conséquence un coût important pour la BBC et des implications sérieuses si le gouvernement rwandais décidait d’entamer une action en justice ».

Est-ce par peur d’être traduite en justice ou d’être interdite de diffusion de ses programmes au Rwanda que la BBC a sacrifié son journaliste ? Là, c’est grave parce qu’à cause de cette révocation tendant à plaire à un gouvernement quelconque, la RDC peut aussi interdire les programmes de la BCC sur l’étendue de son territoire pour rendre justice à son journaliste injustement sanctionné.

Loin de vouloir nous faire l’avocat du journaliste révoqué, mais les faits lui reprochés suscitent des discussions d’écoles de journalisme. Anne Look Thiam reproche à Jacques Matand d’avoir entendu un son de cloche, de n’avoir pas sollicité la réaction du gouvernement rwandais et français. Elle a raison tout comme Jacques Matand.

Ici, l’interview est axée sur un livre publié qui vient de paraître : « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise ». Dans ce livre de près de 700 pages, Charles Onana indique avoir consulté plus de 40 mille documents pour découvrir que tout n’a pas été dit sur l’opération Turquoise. Et sur le contenu de ce livre que le journaliste a conçu son questionnaire de son interview de 4 minutes 20 secondes. C’est une sorte de recension. Si le journaliste a manqué de réaliser une autre interview avec le Rwanda qui s’est plaint, cela ne constitue pas une faute grave de la part du journaliste, le Rwanda ne pouvait que donner sa version sur ce livre incriminé, prétexte de l’interview.

Deuxièmement, l’interview est diffusée en novembre 2019. Pourquoi la sanction tombe en février, soit trois mois après ? Troisièmement, en réalisant son interview, le journaliste ne l’a pas de son propre chef, lui qui est à Dakar, balancée sur les antennes de la BBC à Londres ! Cela suppose qu’il l’a soumise à la rédaction qui l’a auditionnée et donnée l’aval. Et du moment où la rédaction accepte et donne l’aval pour diffusion, le journaliste se décharge, l’élément appartient, mieux devient le produit de la rédaction. Sur ces notions,  Anne Look ne peut pas nous contredire. Donc, c’est elle qui a failli.

Interrogé ce dimanche 09 février par Scooprdc.net, Jacques Matand, ancien de Radio Okapi, a répondu que son licenciement avait des motivations ailleurs. « Mon combat syndical mettait mal à l’aise mon employeur et ce dernier cherchait déjà par quelle occasion me défenestrer. Mais malheureusement pour lui, l’occasion est mal choisie », a-t-il confié au média en ligne.

Jacques Matand, disons-le, était jusqu’à sa révocation, secrétaire général de la section du Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication Sociale du Sénégal (SYNPICS) de BBC Dakar. La réaction de ce syndicat n’a pas tardé : « Le SYNPICS estime que la décision de licencier sans préavis leur camarade Secrétaire général de la section BBC DAKAR est une fuite en avant de la rédactrice en chef, qui n’assume pas son rôle, de premier responsable de la diffusion de tout sujet », peut-on lire sur le site de Pressafrik.com.

A en croire ce média en ligne qui a exploité le communiqué du syndicat, le SYNPICS BBC appelle la BBC au respect de la législation sénégalaise, à laquelle elle est soumise dans ses diffusions en Afrique francophone. Le SYNPICS annonce par ailleurs qu’il va saisir le Conseil d’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie, seule institution sénégalaise, apte à trancher sur la gravité d’une faute éditoriale.

  • Bendélé Ekweya té

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