Désormais, c’est le divorce consommé entre le bureau de l’Assemblée Provinciale du Sankuru et le Gouverneur de cette province. On dirait mieux le divorce est net entre le président de l’organe délibérant sankurois, Benoît Olamba, et le gouverneur Joseph-Stéphane Mukumadi. Pourtant, c’est Olamba qui était au four et au moulin pour la déconfiture de Lambert Mende, adversaire de Mukumadi à l’élection gouvernorale. Que s’est-il réellement passé entre les deux autorités institutionnelles du Sankuru pour qu’il y ait désamour ?
Alors qu’il n’a même pas commencé à travailler correctement et son gouvernement pas encore investi, le bureau exige du gouverneur sa démission. Et là, Olamba et son adjoint activent la machine et obtiennent des signatures des malléables députés pour la déchéance du gouverneur. Motif : attendu pour présenter son gouvernement en vue de son investiture, Mukumadi ne s’est pas présenté et n’a présenté aucune raison. Comme qui veut noyer son chien l’accuse de rage, Olamba et sa troupe se sont empressés pour considérer l’acte de Mukumadi, non seulement comme outrage envers leur institution, mais aussi et surtout comme une démission collective du gouverneur et de son équipe. Et formellement ils somment dans une correspondance le gouverneur de rendre le tablier auprès du chef de l’Etat l’ayant investi.
Mukumadi qui ne l’entend pas de cette oreille a, d’abord par l’entremise de son vice-gouverneur réagi pour démontrer aux élus provinciaux du Sankuru que leur démarche était illégale et illogique. Et finalement dans un communiqué du 30 novembre portant sa signature, le successeur de Berthold Ulungu prend à contre-pieds le bureau de l’Assemblée provinciale qui, même s’il ne l’a pas dit en termes clairs comme les nôtres, a menti aux députés en dissimilant la vérité.
« Alors que je m’apprêtais, sur acceptation du Bureau de l’Assemblée provinciale à m’y rendre promptement, j’ai reçu le message officiel du vice-premier ministre, ministre de l’intérieur, sécurité et affaires coutumières du 22/11/2019, demandant au président de l’Assemblée provinciale et à moi, de nous rendre à Kinshasa, toutes affaires cessantes. J’ai pris soin d’informer le Bureau de l’Assemblée provinciale, en lui transmettant ledit message officiel avec accusé de réception, avant de prendre un vol humanitaire de UNHAS à 12h15, première occasion qui s’est offerte à nous… », peut-on lire dans ce communiqué de Stéphane Mukumadi à l’intention de l’opinion publique. Ce dernier déclare contrairement à ce qui se raconte qu’il n’a pas démissionné et qu’il n’en a même pas la moindre intention. Défi !
Mais si Olamba a été informé et qu’il y a trace d’accusé de réception, pourquoi parle-t-il de manque de considération ou outrage de Mukumadi envers l’organe délibérant et dans quelle intention a-t-il menti ses collègues députés ? Maintenant est pris, celui qui pensait prendre. En effet, 15 députés sur 25 qui composent l’Assemblée provinciale du Sankuru, y compris ceux qui ont exigé la démission de Mukumadi, se sont retournés contre Olamba et son adjoint Anatole Dilomba Lokotongo en qui ils ont retiré leur confiance. Dans leur document de retrait de confiance et de mise en accusation, ils reprochent entre autres à ces deux membres du bureau, la violation du principe de contradictoire et le droit de défense qui n’ont pas été accordé à l’accusé Mukumadi. Ils accusent même Olamba et Dilomba d’avoir extorqué leurs signatures et les incriminent de faux en écriture. Les bourreaux d’hier de Mukumadi deviennent curieusement ses avocats !
Les jeunes de Lusambo se sont invités dans la danse et sont descendus dans la rue pour mettre en garde les députés provinciaux qui s’en prennent à Joseph-Stéphane Mukumadi et leur ont lancé un ultimatum de 48 heures pour retirer leurs signatures sur la notification de l’Assemblée provinciale du 23 novembre dernier exigeant Mukumadi à démissionner. Ces jeunes ont même sommé le président de l’Assemblée provinciale ainsi que d’autres députés provinciaux qui sont en dehors de la ville de Lusambo de retourner très vite à leur milieu de travail. Instrumentalisation ou manipulation du camp Mukumadi ? Les deux sont possibles…
Anguilles sous roche…
Les secousses que subit Joseph-Stéphane Mukumadi ont des motivations ailleurs. D’abord avec Benoît Olamba, semble-t-il, les violons ne se sont pas accordés sur la clé de répartition des postes ministériels. A qui veut l’entendre, Olamba qui n’a pas sa langue en poche, raconte que Mukumadi l’a jonglé. Du coup, son rapprochement avec le pro-Mende, le très discret Moïse Ekanga, est révélateur. Ce puissant kabiliste qui n’a jamais digéré l’échec de Lambert Mende à l’élection gouvernorale, a invité Olamba, pourtant considéré comme anti-Mende à l’inauguration du pont Lowale. Mais il fallait voir la promptitude avec laquelle Olamba a répondu à cette invitation en prenant même place à bord d’un avion affrété par l’ancien argentier de Joseph Kabila ! Mais c’est surtout son discours très réconciliateur à l’occasion qui a révélé son changement du fusil d’épaule.
Le ‘’dribbling’’ de Mukumadi considéré comme ingratitude, mieux trahison, a fait aussi mal à ses ‘’parrains’’ qui l’ont aidé à battre le Goliath Mende. Sans se voiler la face, le pouvoir qu’a Mukumadi est l’œuvre des efforts combinés des FCC Léonard She Okitundu, Jean-Charles Okoto et Raymond Omba pene Djunga qui avaient juré voire n’importe qui à la tête du Sankuru, sauf Lambert Mende considéré à tort ou à raison, c’est selon, comme conflictuel et pyromane du Sankuru. Il sera alors inconcevable que ce pouvoir FCC confié à Mukumadi fasse facilement allégeance à l’UNC de Vital Kamerhe, mieux au CACH !
Même s’ils ne le disent pas ouvertement, ces cadres du FCC fulminent intérieurement de colère et en veulent politiquement à l’«ingrat» de Mukumadi. Ainsi, tiendraient-ils à récupérer ce poste du gouverneur. Mais les protecteurs actuels de Mukumadi ne sont pas amateurs pour laisser sacrifier ce dernier. Tous jouent sur la malléabilité des députés provinciaux qui sont pour la plupart politiquement novices avec un bagage intellectuel approximatif. Ils se laissent balancer et tremblent devant les billets verts que beaucoup d’entre eux n’ont pas vus dans leur petite vie ‘’villageoise’’.
Quand bien même cette bouillabaisse politique ferait sans doute la joie de la Convention des Congolais Unis (CCU), parti cher à l’honorable Lambert Mende qui a été humilié face à un petit Joseph-Stéphane Mukumadi, elle est désavantageuse pour la province qui a perdu le temps contrairement aux autres non seulement pour avoir un gouverneur, mais pour déclencher son décollage socio-économique. Le Sankuru est potentiellement riche en sol tout comme en sous-sol, mais il compte curieusement parmi les plus potentiellement pauvres provinces de la RDC. Tout ça à cause de ses politiciens. Allez-y comprendre quelque chose !
Ben Lévi et Owandi.