Il y a de cela plus 10 ans passés que les entreprises publiques congolaises ont subi une transformation juridique pour répondre aux exigences de la compétitivité. Les études menées sous l’égide du Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP) ont révélé trois raisons fondamentales justifiant cette mutation :
1) ces entreprises ne jouaient plus pleinement leur rôle initialement défini, celui de produire en quantité et en qualité suffisante des biens et services d’intérêt général pour la population et de contribuer au budget de l’Etat;
2) le monopole qui les caractérisait était devenu un frein à la croissance et au développement économique suite à une allocation irrationnelle des ressources dont elles faisaient l’objet;
3) l’Etat congolais n’avait pas assez de moyens pour résoudre le problème de trésorerie auquel elles étaient confrontées, ce qui paralysait les activités économiques dans les secteurs dont elles ont des effets d’entraînements directs et indirects.
Ces raisons ont poussé le COPIREP sous le haut patronage de l’Etat congolais à transformer vingt de ses entreprises en sociétés commerciales (REGIDESO, SNEL, RVA, SCTP, etc.). Mais au regard de l’évolution de ce processus de réforme, la réalité sur terrain affiche un tableau sombre d’autant plus que la situation économique et financière de ces entreprises n’a pas changé. Bref dans le fond, la reforme n’est qu’un tonneau des danaïdes, coûtant au passage 200 millions USD confiés par la Banque Mondiale pour la cause au COPIREP sous la direction à l’époque de l’actuel premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba.
Cette déconvenue est grandement expliquée par une application monothéiste de technique de transformation, une défaillance de communication financière et sociale et une non prise en compte du Cadre managérial dans la problématique de la reforme.
Techniques de transformation non diversifiées
Il convient de noter que la transformation des entreprises publiques congolaises est basée essentiellement sur la technique de cession d’actions. Cette technique n’est pas mauvaise en elle-même du fait qu’elle offre non seulement la possibilité d’avoir un actionnariat stable et rapide, mais transfère aussi les risques économiques, commerciaux et financiers au secteur privé (risques opérationnels liés à la mobilisation des ressources et à la réalisation des investissements).
Malgré ces avantages, cette technique rencontre des obstacles dans le contexte congolais vue que la plupart des entreprises transformées, non seulement peinent à établir un inventaire détaillé de leur situation patrimoniale en vue de la détermination de leur capital social définitif, mais aussi elles pèsent plus d’un milliard de dollars de dette sociale et sont quasiment en faillite.
Cette situation pose un problème de liquidité des titres (difficulté à matérialiser les actions par l’émission des valeurs mobilières) et amenuise davantage leur attractivité auprès des investisseurs. Il est donc primordial d’envisager l’application des autres techniques de transformation selon la spécificité de chacune d’elle. On peut par exemple ajouter la technique de leasing et location pour les entreprises des transport (ONATRA, SNCC, LAC etc.), une technique de contacts de crédit-bail qui offrent la possibilité d’un probable transfert, car ils peuvent faire Object d’une référence explicite d’une cession d’actions dont la maturité du contrat peut servir de temps de prospection à l’investisseur afin de lui permettre de s’assurer de la rentabilité de l’entreprise et d’éclairer sa décision en toute transparence.
On peut également utiliser la technique de contrat de concession pour les entreprises qui fournissent la desserte (REGIDESO, SNEL), une technique qui consistera à ce que ces entreprises ne s’occupent que de la production, la commercialisation et la distribution feront l’objet de contrats de concession avec les privés.
Défaillance communicationnelle
Le processus de la transformation exige une bonne politique de communication pour un accompagnement soutenu. A cet effet, on peut l’envisager sur deux aspects : d’abord sur le plan social où l’on devrait mener une communication dite stratégique en intensifiant des campagnes de sensibilisation sur les avantages de la transformation auprès de l’opinion publique et de salariés en vue de permettre leur implication dans le management de la réforme. Ensuite sur le plan financier, en mettant à la disposition des investisseurs tant nationaux qu’étrangers tous les états financiers indispensables à une analyse financière sérieuse.
Cette communication permanente aura pour effet de susciter de l’intérêt auprès du public et séduire les investisseurs potentiels.
Cadre managérial non défini
Aujourd’hui tout porte à croire que la problématique posée dans le diagnostic curatif des entreprises publiques transformées n’avait pas prisen compte explicitement l’aspect management au regard de la manière dont elles continuent à être gérées. Depuis de décennies, ces entreprises sont caractérisées par une megestion criante, et c’est de la pure folie de croire qu’une simple transformation juridique pourrait résoudre le problème.
Un bon diagnostic devrait tenir compte aussi de compétences et de valeurs cardinales que défendent les gestionnaires de ces entreprises. La megestion est un grand frein pour la capitalisation. Elle est à la base de la banqueroute de la plupart des ces entreprises et empêche leur viabilité financière.
Il est regrettable de constater que malgré la transformation, ces entreprises continuent à être managées par de personnes qui en sont arrivées là, pas pour de raisons de leur technocratie, moins encore de leur méritocratie, mais pour de raisons de népotisme, de clientélisme, de tribalisme et surtout pour de raison de récompenses politiciennes.
Il est donc temps de redéfinir le profil du manager, un profil orienté vers la bonne gouvernance axée sur le résultat, condition sine quo non pour la compétitivité. On peut dans une certaine mesure opter pour la technique de contrat de gestion, une autre technique de transformation qui définit au préalable les engagements liés à la gestion basée sur le résultat dont le gestionnaire est obligé de respecter sous peine d’être sanctionné.
En ce moment où les tractations sont en train de se faire pour la nomination de nouveaux mandataires, il est important que le nouveau pouvoir tienne compte de cet aspect pour espérer répondre aux aspirations de la population. Au cas contraire, on retomberait dans les mêmes travers et la déception serait grande et à la hauteur des attentes.
François Onoya
D.D.D