Réconciliation entre Kabila et Katumbi : gros piège contre l’ex-gouverneur du Katanga

Réunis dernièrement pour honorer leur frère Ilunkamba nommé Premier Ministre, certains notables katangais ont avancé une idée de réconcilier deux leaders katangais, à savoir Joseph Kabila et Moise Katumbi.

Cette idée, en apparence ingénieuse, est, à ne point douter, un vrai traquenard qui va se refermer sur la gueule de Katumbi s’il ne prend garde et cède aux avances des émissaires déguisés de Kabila. Pour étayer ma réflexion, j’aborderai d’abord quelques aspects liés au contenu sémantique des concepts avant de revenir sur le fond :

Leaders katangais

Depuis des lustres, le Katanga, conscient de sa position économico-stratégique, liée notamment à la richesse de son sous sol, a toujours pris au sérieux ce concept de leader à qui, il a  souvent donné le rôle des pères fondateurs et de socle de « valeurs katangaises ». Ce statut a souvent été conforté par l’ancrage de ses porteurs à la terre  katangaise mais aussi, par le charisme de ces derniers qui charrient des combats, parfois erronés, mais dans lesquels le katangais s’accroche. La sécession prônée par Moïse Tshombe ou le discours belliqueux, que je m’empresse de condamner ici, de Kyungu contre les kasaïens en sont des illustrations parfaites, sans oublier Fréderic Kibassa Maliba, à qui les Katangais ont dédié tout un stade de football.

A la lumière de cette vérité, il est erroné, de mon point de vue, de considérer Joseph Kabila comme un leader katangais. Je mets vite une bémol à mon affirmation en reconnaissant à l’homme de Kingakati le statut de leader katangais, c’est tout de même un ancien chef de l’Etat,  mais de fait, le distinguant ainsi du leadership de souche.

En effet, né à Hewa Bora dans le territoire de Fizi, Joseph Kabila, n’a pas d’ancrage dans le Katanga. La lutte de son père M’zee Laurent-Désiré Kabila l’a éloigné du terroir katangais où il n’a ni vécu, encore moins grandi. Sa destinée et surtout son passage à la présidence de la république, dans un pays où les élans ethno- tribaux sont encore prononcés, l’ont amené à atterrir au Katanga.

Ainsi, Joseph Kabila deviendra un leader katangais d’adoption ou, comme sus évoqué, de fait. D’ailleurs, Gabriel Kyungu, dans sa tonitruance, se délectera de le lui rappeler de temps en temps.

Malheureusement, dans cette situation qui s’apparente à un jeu de je t’aime moi non plus, Joseph Kabila, en 18 ans, n’a pas travaillé pour s’incruster dans le cœur des katangais, au point de passer du statut de leader de fait à celui de leader de souche.

Ce même péché, Kabila le répétera également au plan national. Dans son clan, les Kabilas en vue, notamment sa sœur jumelle Jaynet Kabila et son frère cadet Zoe Kabila s’engouffreront dans ce même sillon, laissant parfois un goût amer à la plupart de congolais qui n’ont pas hésité de qualifier parfois le règne de leur frère de régime d’occupation.

Mais contrairement à Kabila, fort est de constater que Moïse Katumbi est, lui, un leader naturel, souche du Katanga. Né à Kashobwe dans le Katanga profond, l’homme a fait ses classes dans la terre katangaise. Issu d’une famille de bonzes économiques katangais, Katumbi a su surfer sur l’aura de sa famille pour se frayer un boulevard dans le cœur des katangais. L’icône de Kashombwe a réussi à asseoir son nom par des actions visibles et la conduite de l’équipe de football du Tout-Puissant Mazembe (TP Mazembe), le plus grand club de football de la RDC qui lui a encore procuré une notoriété incontestée, le propulsant au rang des hommes, si pas de l’homme le plus populaire de la RD Congo.

Cette gymnastique intellectuelle sur le leadership était importante, du fait qu’elle établit clairement qu’à l’heure actuelle, Katumbi a plusieurs pas d’avance comme leader katangais sur Joseph Kabila. A ce titre, fort est de constater que ce possible rapprochement entre les deux hommes, avec le label des leaders katangais profiterait plus à Kabila qu’à Katumbi.

Ayant déblayé le terrain, je voudrais aborder le fond de ma réflexion en réaffirmant ici que ce possible rapprochement est un piège contre Katumbi.

En effet, tout observateur averti de la scène politique congolaise sait que les relations entre Kabila et Katumbi sont passées de l’adversité pour loger à ce moment à la lisière de la haine. En fin stratège, Kabila sait que son meilleur ennemi Katumbi lorgne sur le poste de porte-parole de l’opposition, disposition constitutionnelle qu’il a refusée d’appliquer pendant ses deux mandats, soit 10 ans. Le moment choisi n’est pas un hasard. Si Moise Katumbi accepte cette « réconciliation », le piège se refermera certainement sur lui car, il passera pour un faux opposant, homme et proche de Kabila, étant venu faire un tourisme dans le rang de l’opposition. Katumbi sera ainsi discrédité et sa légitimité en tant que porte-parole de l’opposition en sortira très fragilisée.

Une autre hypothèse peut expliquer la malice de Kabila, c’est la perspective 2023. Ayant approché Félix Tshisekedi, l’homme de Kingakati s’est certainement rendu compte que le fils du leader maximo est happé par les avantages de l’exercice du pouvoir et ignore complètement le devoir de travailler pour le consolider et le conserver. En outre, l’UDPS, minée par des guerres et l’envie de se retrouver de ses leaders,  est plongée dans une somnolence dévastatrice, assassine du parti du patriarche Etienne Tshisekedi.

Le seul danger qui plane ainsi à l’horizon 2023 reste incontestablement Moïse Katumbi. L’avoir avec soi serait donc une bonne occasion pour Kabila pour, soit l’utiliser dans l’optique d’un possible retour à la Vladimir Poutine, ou alors, s’assurer la protection d’un ennemi converti en allié tant, Kabila sait que ses 18 ans de règne traînent beaucoup de cadavres dans le placard.

Une telle hypothèse ne servirait nullement Katumbi qui passerait pour un traître aux yeux de l’opinion qui a vomi Kabila et garde encore une dent contre l’auteur des slogans ‘’5 chantiers’’ et ‘’Révolution de la modernité’’.

Exposant cette chronique aux intempéries de la critique, je pense que Katumbi doit ouvrir l’œil, alors le bon et être prudent. Ce deal de la Kabilie sous la bannière déguisée de réconciliation des leaders Katanga, mené par des émissaires de « shina rambo », cache un autre coup du chef du FCC. Dans cette pseudo réconciliation, Moïse Katumbi a tout à perdre.

Chronique de Pero Luwara

  • Bendélé Ekweya té

À ne pas rater

À la une