Programme du Gouvernement : voici les quatre propositions de Christophe Lutundula à Sylvestre Ilunga Ilunkamba

Le député national Christophe Lutundula Apala pen’Apala n’a pas pu le faire, mardi 03 septembre, car, accuse-t-il, la présidente du bureau Jeannine Mabunda n’a pas manifestement voulu lui accorder la parole. Néanmoins, par la presse interposée, il fait arriver au PM ses quatre propositions dans le cadre de son programme de gouvernance pour le mandat en cours du président de la république Félix Tshisekedi. Ces  propositions tournent autour de la réconciliation nationale ; des salaires dans le secteur public ; du patrimoine de l’Etat ; et des institutions de la République. Ci-dessous ce qu’il devait dire à haute voix, mardi 03 septembre lors de la présentation du programme du Gouvernement, au premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba :

Monsieur le Premier Ministre,

Vous avez des atouts intellectuels et politiques incontestables pour bien remplir la mission qui vous a été confiée. Cependant, deux pesanteurs plombent déjà le programme de votre gouvernement.

D’abord, le lourd héritage de la gestion précédente comme vous venez de le reconnaître, vous-même, dans votre présentation, de ce jour, en des termes assez clairs. Cet héritage exige de vous le courage, l’abnégation et la volonté politique d’engager notre pays dans des réformes structurelles profondes pour instaurer un régime démocratique, un Etat de droit et la bonne gouvernance que les Congolais attendent de votre Gouvernement.

Ensuite, le scepticisme de notre peuple qui n’a plus confiance en ses dirigeants politiques aux promesses toujours sans lendemain.

Nous vous proposons, par conséquent, quelques actions simples, mais concrètes et suffisamment significatives pour inspirer confiance et donner de l’espoir aux Congolais. Ces actions portent sur les préoccupations ci-après :

La Réconciliation nationale

L’histoire de notre pays est jalonnée des guerres civiles, des crimes de sang abominables et des tragédies dont le lâche assassinat du Premier ministre Patrice Emery Lumumba, le 17 janvier 1961, et celui du Président Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, deux figures emblématiques de la lutte héroïque du Peuple congolais pour la liberté et la justice.

Organiser un forum national de réconciliation et rapatrier les restes des corps du feu le président Mobutu et du feu le premier ministre Moïse Tshombe sont, certes, des bonnes initiatives.

Cependant, elles ne suffisent pas, car toute réconciliation implique avant tout la justice et la réparation du préjudice causé à autrui, la repentance, le pardon, et l’engagement de ne plus commettre les mêmes fautes.

Dès lors, s’ils sont sincères, les dirigeants actuels de notre pays devraient, en plus, poser les actes significatifs ci-après :

  1. Poursuivre, sans tergiversations, la décrispation politique amorcée par le président de la république, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et respecter les droits de l’Opposition ;
  2. Organiser une cérémonie d’hommage solennel aux martyrs de la démocratie et de reconnaissance officielle de leur sacrifice suprême pour la cause de la Nation, et réparer l’énorme préjudice causé à leurs ayants droits dont l’avenir a été sacrifié.

Nous pensons particulièrement ici :

  • Aux victimes des répressions sanglantes du 16 février 1992, de janvier 2015, de septembre et décembre 2016, du 31 décembre 2017, du 21 janvier et 25 février 2018 parmi lesquelles Rossy Mukendi et Thérèse Kapangala.
  • A Floribert Chebeya et à son compagnon d’infortune, Fidèle Bazana.
  1. Obtenir la grâce présidentielle en faveur des condamnés du procès de l’assassinat odieux du président Laurent-Désiré Kabila, et ce d’autant plus que l’instruction de cette affaire qui devait se poursuivre, selon la Cour d’ordre militaire de l’époque pour établir toutes les responsabilités et sanctionner tous les auteurs, coauteurs et complices de cette horrible tragédie nationale, s’est arrêtée depuis 18 ans.

A ce sujet, nous devons nous mettre dans la situation d’extrême délicatesse dans laquelle s’est trouvé le président Joseph Kabila, fils de son père appelé à lui succéder dans des conditions tragiques, pour mieux comprendre son attitude vis-à-vis de ce dossier durant sa présidence.

Cependant, chaque peuple grandit quand il assume son histoire. Nous devons aussi assumer la nôtre quelle qu’elle ait été pour construire un avenir meilleur.

Nous interpellons ici la conscience de chaque Congolais. Maintenir en prison ces concitoyens depuis 18 ans et les laisser mourir à petit feu, alors que d’autres condamnés ont bénéficié de la mansuétude de la Nation par des amnisties successives, n’est-ce pas là souiller, salir la mémoire de Laurent-Désiré Kabila et contrarier sa philosophie politique, lui qui, au nom de la réconciliation nationale, a pardonné et n’a jamais voulu de la vengeance ? Ceci ne peut élever notre Nation ni contribuer à bâtir notre destin sur du solide.

A ce jour, de part vos origines katangaises et mulubakat, Monsieur le Premier Ministre Ilunga Ilunkamba, vous êtes, sans doute, le Congolais le mieux placé pour donner une signification politique particulière à la réconciliation nationale et obtenir du Chef de l’Etat la grâce présidentielle sollicitée. La mémoire collective de notre peuple retiendra ainsi de vous votre hauteur d’esprit et votre grandeur d’âme.

Les salaires dans le secteur public

Les disparités des salaires dans le secteur public sont révoltantes. La politique salariale actuelle aggrave les inégalités sociales et plante le décor de l’éclatement, à terme, d’une crise politique majeure et aux conséquences difficilement maîtrisables.

Nous proposons la création d’une Commission paritaire parlement-gouvernement chargée de fixer, avec équité et transparence, des grilles salariales harmonisées du secteur public, ne fût-ce qu’en déterminant des seuils minima et maxima non seulement pour les dirigeants politiques dont le Président de la République, les membres du gouvernement, les parlementaires, les députés, gouverneurs et ministres provinciaux, mais aussi pour les mandataires publics dans les sociétés d’Etat et d’économie mixte ainsi que les gestionnaires des établissements et organismes publics.

Nous demandons à votre gouvernement de présenter au Parlement l’impact financier annuel et mensuel de la mise en application de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués ainsi que le tableau détaillé des sommes payées pour l’exercice en cours, catégorie par catégorie des bénéficiaires.

La représentation nationale exige le retrait sans délai du décret de la honte et de la prédation, n°18/038 du 24 novembre 2018 par lequel votre prédécesseur a octroyé aux anciens membres du gouvernement des avantages après leurs fonctions.

Le patrimoine de l’Etat

Au cours de ces deux dernières années de crise politique inutile imposée au Peuple congolais (2016-2018), les biens de l’Etat ont été l’objet d’un pillage systématique et éhonté par certains gestionnaires et mandataires publics véreux.

Nous rappelons l’article 98 de la Constitution qui dispose que : « durant leurs fonctions, le Président de la République et les membres du gouvernement ne peuvent, par eux-mêmes ou par personne interposée, ni acheter, ni acquérir d’aucune autre façon, ni prendre en bail un bien qui appartienne au domaine de l’Etat, des provinces ou des entités décentralisées… ».

Les dirigeants du pays que nous sommes, sont astreints au devoir d’exemplarité. Par conséquent, nous ne pouvons plus tolérer et, surtout, consacrer, par notre silence coupable, des pratiques immorales et criminelles de prédation qui spolient la République de son patrimoine.

C’est pourquoi, nous demandons au gouvernement un audit des biens publics dans les ministères, les provinces, les sociétés d’Etat, les établissements et organismes publics.

Dans ce cadre, il convient notamment de connaître :

  • Le matériel roulant acheté de 2015 à e jour (états et affectations actuels) ;
  • Les terrains et maisons de l’Etat, les biens des sociétés d’Etat, des établissements et organismes publics aliénés par les gestionnaires dans la période de 2011 à ce jour (procédure, prix et bénéficiaires).

Dans le même ordre d’idées, s’il se pose un problème de palais présidentiel pour le Chef de l’Etat ou de logement digne de son rang pour son prédécesseur, il faut le résoudre dans le respect des normes de la République et en toute transparence, ce qui éviterait des rumeurs, procès d’intention et des malveillances de tous genres.

Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous demandons de diligenter un audit externe crédible de la gestion des revenus miniers de l’Etat et de la Gécamines qui défraie la chronique depuis un temps dans les médias nationaux et internationaux.

Nous attendons de vous l’éradication des sales pratiques d’enrichissement illicite auxquelles se livrent impunément des gestionnaires et mandataires publics cupides au détriment du Trésor public, à savoir notamment :

  • Les placements rémunérés des fonds dans des banques dont les intérêts sont versés dans des comptes privés ;
  • Les emprunts bancaires à des taux usuraires avec clause de rétro-commissions ;
  • Les exonérations et crédits d’impôts fantaisistes accordés aux opérateurs économiques avec lesquels on se partage par la suite le butin ;
  • L’ouverture des comptes parallèles qui reçoivent des fonds de l’Etat (pas de porte, parafiscalité pétrolière, redevances diverses, rétrocessions aux régies financières et à certains cabinets ministériels…), tout en échappant au compte général du Trésor ;
  • Les taxes et redevances créées illégalement et anarchiquement par certains ministres

Les institutions de la République

Nous attendons votre gouvernement sur le dossier de la réforme du système électoral notamment en ce qui concerne la loi électorale, le CENI, la Cour constitutionnelle, le Conseil Supérieur de l’audio-visuel et de la Communication (CSAC) et la Commission nationale des droits de l’Homme afin de ne plus reproduire les expériences électorales chaotiques du passé.

Nous demandons, en outre, à votre gouvernement de :

  1. Réduire le personnel des cabinets au strict minimum nécessaire à l’accomplissement des missions politiques et des tâches administratives essentielles.
  2. Constater la fin de la mission du Conseil National de Suivi de l’Accord de la Saint Sylvestre CNSA, organisme conjoncturel selon l’article 2 de la loi n° 18/023 du 13/11/2018 qui l’a créé. A ce jour, les activités du CNSA doivent revenir normalement aux institutions nationales et provinciales classiques déjà installées. Bien plus, non seulement plusieurs de ses membres se sont déjà casés ailleurs notamment dans les assemblées délibérantes, mais aussi le processus électoral a marqué un arrêt et le mandat des membres de la CENI a expiré ;
  3. Réduire le nombre des services et organismes rattachés à la primature et à la présidence de la République et recentrer leurs missions sur les seules urgences nationales qui ne peuvent pas être satisfaites à temps utile par les mécanismes ministériels classiques.

Monsieur le Premier Ministre, si votre gouvernement s’engage sincèrement dans la voie du changement démocratique, il aura tous nos encouragements.

Christophe LUTUNDULA APALA Pen’APALA

  • Bendélé Ekweya té

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