RDC-Infrastructures : problématique d’embouteillages à Kinshasa !

(Une contribution du Professeur Adolphe VOTO)

L’arrivée de la dépouille mortelle du premier ministre Etienne Tshisekedi hier jeudi 30 mai, bien que tard dans la nuit, a posé un problème de circulation, surtout pour la population de la Tshangu. Certainement ce samedi 1er juin, jour de l’enterrement, ce problème de circulation doit se poser avec beaucoup d’acuité à cause des travaux d’aménagement des sautes-moutons notamment sur le boulevard Lumumba  en amont du pont Matete.  Compte tenu de la notoriété du défunt, les kinois  vont sans doute affluer pour accompagner l’illustre disparu à sa dernière demeure.

Cette situation nous amène à réfléchir sur ce handicap à la circulation des personnes et des biens dans la capitale. Nous abordons la question dans une approche communicationnelle d’autant plus que les routes, comme voies de communication, relèvent aussi des sciences de la communication.

Le problème d’embouteillage se pose de plus en plus à Kinshasa qui voit sa population s’augmenter chaque jour à cause de l’exode rural. L’aménagement des sautes-moutons à certains carrefours va tant soi peu accélérer la circulation, mais ne pourra résoudre le problème d’embouteillage dans la ville de Kinshasa, parce que les causes de ces embouteillages ne sont ni dans le fait qu’il aurait beaucoup de véhicules  à Kinshasa ou qu’il aurait moins de route. Il y a, selon les sources de l’hôtel de ville,  400.000 véhicules pour plus de 10.000 habitants. C’est encore insuffisant. La ville pourrait avoir au moins un million de véhicules.

Le problème d’embouteillages à Kinshasa trouve ses causes dans la structure même de la ville. La première cause, c’est la configuration des routes de Kinshasa. La deuxième cause, ce que Kinshasa est une ville qui fonctionne à sens unique, comme un sablier.

Une ville en entonnoir

La ville de Kinshasa est donc victime de la philosophie selon laquelle la ville a été conçue par le colon. Le Blanc avait conçu la ville de manière à lui permettre de contenir d’éventuelles insurrections de la part des Noirs.  Ainsi, aussi vaste qu’elle est, la ville de Kinshasa fonctionne dans deux entonnoirs, comme un sablier.

L’entonnoir Est

Le premier entonnoir regroupe presque toutes les communes de l’Est de la ville, c’est-à-dire, Nsele, Maluku, Kimbaseke, Ndjili, Masina, Matete, Kisenso, Lemba, Ngaba, Makala, Limete et une partie de Kalamu, soit douze communes  qui  déversent leurs populations dans l’entonnoir Est à travers deux canaux : le boulevard Lumumba et l’avenue de l’université. Cette masse se déverse au fond de l’entonnoir qui est  le croisement de ces deux avenues Lumumba et Université, avant de s’engouffrer dans la pipe de l’entonnoir qui est l’avenue Sendwe.

Cet entonnoir a heureusement quelques fuites notamment les exutoires de l’avenue des Poids Lourds et l’avenue Bokasa.

L’entonnoir Ouest

Le deuxième entonnoir en direction opposée regroupe aussi les communes de l’Ouest comme Mont Ngafula, Selembao, Bumbu Bandal, Ngiringiri. Cette masse est drainée par l’avenue 24 Novembre depuis l’UPN pour se déverser dans la pipe que constitue le boulevard Triomphal, avant de retrouve l’autre partie, c’est-à-dire la population de  Kintambo, Gombe, Ngaliema, Lingwala, Kinshasa, Barumbu que draine l’arc de l’avenue Kasavubu et  dont le fond  partage la même pipe que l’entonnoir Est, c’est-à-dire l’avenue Sendwe. En tout, les populations de onze communes empruntent cette voie pour traverser la ville.

Cet entonnoir connaît également quelques fuites comme l’avenue Dima à gauche et l’avenue de la Victoire qui de toutes les façons déversent encore une fois leurs contenus dans l’entonnoir Est.

Une colonne vertébrale

Ainsi, le cœur de Kinshasa n’est donc pas le rond-point Victoire comme certains le pensent, mais plutôt le robot roulage qui règle la circulation au croisement des avenues Kasavubu et Sendwe. Ce robot est le point d’intersection entre les deux pipes des deux entonnoirs Est et Ouest qui sont respectivement l’avenue Sendwe et le boulevard Triomphal. La jonction de ces deux avenues qui font à peine un kilomètre constitue la colonne vertébrale de Kinshasa où toutes les grandes avenues viennent s’engouffrer, un couloir où les grandes avenues comme 24 Novembre, Kasavubu, Université et Lumumba déversent leurs contenus. Il n’y a que l’avenue Bypass et Poids Lourds qui échappent à cette colonne vertébrale. Aussi Kinshasa ressemble à un sablier où le contenu du dessus est retenu par l’excentricité du milieu qui se trouve être la jonction de l’avenue Sendwe et le boulevard Lumumba.

Une configuration stratégique

La structure de Kinshasa a été ainsi voulue par le colon pour lui permettre de contrôler  la population et tenir la masse  loin du centre-ville.   Ainsi, il suffit de bloquer la colonne de la ville qui part de la cathédrale du centenaire protestant jusqu’au croisement des avenues Lumumba et Université, en passant par le pont Caby pour que  toute la ville soit paralysée. Les masses ne pourront traverser la ville, ni de l’Est à l’Ouest, ni du Sud au Nord.

Une ville à sens unique

La deuxième raison d’embouteillages à Kinshasa est que la ville fonctionne à sens unique. Ce fonctionnement à sens unique est dû à la mauvaise répartition des services sur toute l’étendue de la ville. Les services comme l’administration, les banques, les marchés, les universités, etc. dont les kinois ont besoin  et qui justifient  leur déplacement journalier sont inéquitablement répartis sur la ville. La commune de la Gombe concentre la quasi-totalité de ces services à telle enseigne que chaque jour, les gens doivent se déplacer le matin dans le même sens pour avoir accès à ces services et le soir, le sablier est renversé et tout le monde prend le sens contraire pour rentrer chez soi.

Désengorger la ville

Pour rendre la circulation fluide dans la ville de Kinshasa, il faudrait premièrement construire des nouvelles routes qui relient l’Est et l’Ouest, pour que le couloir Triomphal-Sendwe ne reste pas un passage obligé pour traverser la ville de l’Ouest à l’Est. Certaines tracées pour ces nouvelles routes existent déjà. C’est par exemple le projet de la route qui partirait du rond-point abandonné derrière la station Ma Campagne à Kintambo jusqu’à la Fikin. Elle pourrait se prolonger jusqu’à Ndjili pour que tout le monde ne soit pas obligé de passer par le pont Matete pour accéder à l’Est de la ville.

Deuxièmement, il faudrait désengorger Kinshasa en créant certains services dans la partie Est de la ville où il y a assez d’espace et plus de  population au lieu de les obliger de venir tous les jours en ville à l’Ouest.

  • Bendélé Ekweya té

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