« 100 jours de F. Tshisekedi »: la RDC remise sur les rails d’un Etat démocratique

(Tribune de Tchèques Bukasa, journaliste-analyste)

Depuis son accession à la magistrature suprême comme cinquième président congolais, surtout comme premier président qui accède au pouvoir par passation pacifique, Félix Tshisekedi multiplie plusieurs signaux positifs dans la reconstruction de la paix et d’un Etat de droit démocratique qui faisaient défaut au Congo de Patrice Emery LUMUMBA depuis plusieurs années.

Son avènement au sommet de l’Etat a permis aux Congolais de vivre une première alternance civilisée, pacifique et démocratique au Congo/Kinshasa depuis l’indépendance du pays. Voir les images d’un président sortant remettant officiellement le pouvoir à son successeur, relevait d’un mythe en République démocratique du Congo, pays dont l’histoire rappelle la dictature du maréchal Joseph Désiré Mobutu qui avait imposé le parti unique, et dont les élections étaient à candidat unique, c’est-à-dire ne pouvait être candidat que lui-même, tout autre candidature constituait un crime de lèse-majesté, ce qui n’offrait aucun choix aux Congolais. Lesdites élections n’étaient qu’un moyen pour se soumettre à la volonté unique et non une possibilité pour se choisir un dirigeant.

Une histoire qui rappelle aussi l’autoritarisme de Laurent Désiré Kabila, qui avait personnalisé l’Etat et le pouvoir politique.

La démocratie comme « le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple » était en République démocratique une pure fiction. Elle était garantie dans les textes constitutionnels consécutifs, mais sans être une réalité dans les faits. L’accession au pouvoir était conditionnée par la force, aux coups d’Etats militaires s’ajoutaient les coups d’Etat constitutionnels permanent, permettant au président congolais d’imposer sa seule volonté au peuple, et de se construire une fonction présidentielle personnalisée et à vie !

Ainsi, désigné en juin 1960 par les deux chambres du Parlement sous l’administration belge à la veille de l’indépendance, Joseph Kasa-Vubu comme premier président congolais a été écarté du pouvoir en novembre 1965 par un coup d’Etat militaire du général Joseph Désiré Mobutu, qui lui-même après plus de 30 ans d’un pouvoir personnel sans partage et sans contre-pouvoirs fut chassé en mai 1997 par la révolution armée de Laurent Désiré Kabila , qui sera, lui, assassiné dans son bureau par l’un de ses gardes du corps en janvier 2001, c’est-à-dire après 4 ans d’un pouvoir hautement autoritaire. Ce permit à son fils le général-major Joseph Kabila d’hériter le pouvoir présidentiel alors que le Congo Kinshasa est une république, pouvoir qu’il garda jusqu’en décembre 2018, c’est-à-dire 17 ans !

Cette situation avait sonné la mort de la démocratie en République démocratique du Congo. L’Etat de droit n’était qu’une simple théorie, le chef de l’Etat concevait sa fonction comme un pouvoir divin, une fonction prédestinée et à vie. Toute alternance démocratique au sommet de l’Etat était inimaginable.

On notera ici le combat démocratique sans précèdent d’Etienne Tshisekedi, père de l’actuel président, qui a contribué à l’éveil de la conscience et de l’esprit démocratique auprès des Congolais, et dont le corps traîne encore en Belgique dans l’attente des obsèques dignes que l’Etat congolais prépare, ce qui n’a pas permis à la maman de Félix Tshisekedi d’assister à son intronisation, car ne pouvant pas laisser le corps de son mari à la morgue en Belgique pour venir fêter l’accession de son fils au pouvoir. Ce qui allait être un scandale, car contraire aux traditions africaines.

Humble et simple, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi s’inspirant du modèle occidental, notamment français essaie d’être un président normal et proche de son peuple. Il a annoncé pour ses 100 jours les travaux d’urgence dont l’exécution ne souffre d’aucun aux yeux des Congolais à ce jour. Sans s’écarter de  l’idéologie laissée par son père, selon lequel « le peuple d’abord », il essaie de faire souvent ce qu’il dit.

Il dit sans cesse être au service du peuple, il promet de ne pas trahir. C’est ce qu’il explique même sa résistance aux différents noms proposés par la majorité parlementaire de l’ancien président pour le poste du Premier ministre.

Pour matérialiser sa volonté de démocratiser le pays, il a ordonné la libération de tous les prisonniers politiques ou d’opinions ; avec lui les manifestations politiques ne sont plus réprimées à sang par la police comme sous l’époque son prédécesseur ; la presse est redevenue réellement libre ; les Congolais ont retrouvé la liberté d’expression, une liberté fondamentale pour la construction de la démocratie ; il a permis le retour sans condition de tous les opposants et exilés politiques comme le célèbre opposant Moise KATUMBI qui a annoncé sur RFI son retour au Congo pour le 20 mai prochain avec un meeting sur place, le retour du très actif SINDIKA DOKOLO qui est déjà rentré au pays et qui est même passé dans les medias pour lui dire « merci ». Il y a aussi le retour de plusieurs autres militants politiques qui étaient poursuivis par l’ancien régime et qui se cachaient à l’étranger ; il a fermé plusieurs lieux de détention qui servaient des lieux de tortures ; l’accès à la chaine de télévisions nationale est aujourd’hui possible pour les opposants et on peut y critiquer le chef de l’Etat. Ce qui n’était pas possible en République démocratique du Congo.

Avec tout ça, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi peut être considéré comme un président qui réinstaure la démocratie au Congo/Kinshasa. Non seulement qu’il n’a pas pris le pouvoir par les armes, mais surtout qu’il pose aujourd’hui les bases indiscutables de la reconstruction d’un Etat de droit démocratique dans un pays où l’Etat avait même disparu dans certains coins de la République.

Même s’il faudra attendre la fin de son mandat pour tirer la conclusion définitive, on peut déjà affirmer, comme l’avait fait  l’Archevêque de Kinshasa, qui avait pourtant contesté le travail de la Commission électorale nationale indépendante ( CENI) et les résultats publiés, qu’il jugeait être l’œuvre du président sortant pour sa protection, mais a fini par déclarer dans les médias internationaux « que les premières décisions prises par le président Félix Tshisekedi vont dans le bon sens et méritent d’être encouragées ». Une manière de reconnaître que sa gestion de l’Etat s’inscrit dans une perspective de la bonne gouvernance, de l’Etat de droit, car il essaie de faire ce que ses prédécesseurs ne faisaient pas. Il se considère comme un représentant du peuple et non comme un roi.

S’il est vrai qu’une polémique alimentée par des opposants, notamment par son challenger Martin FAYULU, voulant créer une confusion du combat politique et démocratique mené par son père, Félix Tshisekedi, lui, a construit son combat politique en suivant les lignes directrices de son père, prônant un Etat de droit démocratique où la loi est au-dessus de tous, un Etat où les gouvernants comme les gouvernés soumis au même titre à la loi, un Etat où la Constitution comme loi suprême s’impose à tous, y compris à lui-même.

Il essaie de faire de la démocratie une réalité vivante, et du chef de l’Etat, un homme comme les autres. Il a mis fin à mystification de la fonction présidentielle et au culte de personnalité qui étaient les caractéristiques principales de la fonction présidentielle en République en République démocratique du Congo.

A bien regarder l’histoire politique en République démocratique du Congo , surtout celle des élections politiques dans ce pays, où nous sommes passés des élections présidentielles à candidat unique à celles où ne pouvait être vainqueur que le président au pouvoir, l’élection de Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi ouvre une voie démocratique qu’on peut pas nier, car même si tout n’a pas été totalement parfait aux élections du 30 décembre 2018, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi restera le premier opposant politique congolais qui accède au pouvoir par la voie des urnes. Ce qui était loin d’être une réalité en République démocratique du Congo, il y a peu. C’est à lui maintenant, comme il essaie déjà de le faire, de consolider cette démocratie dont il est à la fois l’artisan et le fruit.

Et comme lui-même l’avait annoncé lors son premier voyage présidentiel aux Etats-Unis d’Amérique, il doit « déboulonner » toutes les antivaleurs et faire progresser le Congo Kinshasa sur la voie de la paix et de la démocratique.

Nous devons reconnaître que partout dans le monde, la démocratie n’a jamais été une œuvre totalement achevée. Elle se construit et se consolide chaque jour, elle demeure un combat permanent comme le démontre le mouvement des gilets jaunes en France.

Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi a aujourd’hui cette lourde tâche de la consolidation de cette démocratie au Congo-Kinshasa, de la construction de la paix et de l’Etat de droit. Il n’a pas droit à l’erreur comme l’a souligné le Docteur Denis Mukwege à sa conférence tenue à la Sorbonne en France le samedi 11 mai. Il ne doit pas trahir le peuple comme l’a toujours dit son père. Il porte l’espoir de tout un peuple sur ses épaules. Son bilan de 100 jours aux yeux de plusieurs congolais est à ce jour satisfaisant, car en démocratie, il ne s’agit pas d’avoir l’unanimité mais plutôt la majorité. Il a le soutien et la reconnaissance de la majorité des Congolais. Ce qui a fait que, malgré l’élan de contestation de son challenger Martin Fayulu, celui-ci n’a pas réussi à soulever une grande foule contre l’élection de Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, considéré aujourd’hui par plusieurs Congolais comme une preuve vivante de la réalité de la démocratie en République démocratique du Congo.

A tout prendre, on peut dire que toutes les nations qui ont réussi à stabiliser la démocratie sont aussi passées par les tâtonnements.  L’avènement de Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi à la magistrature est un tournant dans l’histoire politique de la République démocratique du Congo, marquée par les conquêtes du pouvoir par la force. Son élection doit être considérée comme un signe d’espoir. Le peuple attend qu’il fasse encore plus.

Il a démontré qu’il peut être le président qui écoute et qui ne peut pas être ivre du pouvoir. Sa présidence s’inscrit dans une voie démocratique qui mérite d’être encouragée.

Tchèques Bukasa/CONGOPROFOND.NET

  • Bendélé Ekweya té

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