Le numéro 1 du Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais donne enfin le montant que la banque chinoise Exim Bank a déboursé dans le cadre du projet de coopération sino-congolais, communément appelé « contrats chinois ». Moïse Ekanga qui a ainsi réagi à l’article de Scooprdc.net « RDC-Contrats chinois : combien Exim Bank a-t-elle déboursé ? Fatshi interpellé », avance les chiffres de 738 millions USD investis dans les infrastructures, soit 24,6% de décaissement et 1,729 milliards USD dans Sicomines, soit 57,6% de décaissement. Le total pour les deux projets donne 2,467 milliards USD sur le montant convenu de 6,2 milliards USD en 2008, soit 39,7% de décaissement.
Moïse Ekanga reconnaît qu’il y a eu du retard et des difficultés dans l’exécution de ces deux projets et en donne les raisons. Ci-dessous ses réponses aux questions écrites lui soumises par Scooprdc.net dans le souci et la logique, non seulement de redevabilité, mais surtout de la transparence dans la gestion de la chose publique :
Scooprdc.net : les contrats chinois, il était prévu pour leurs financements par Exim Bank 6,2 milliards USD dont 3,2 milliards pour le secteur minier et 3 milliards pour les infrastructures. Jusque fin 2013, 1,7 milliards avaient été débloqués dont 468 millions seulement pour les infrastructures. Aujourd’hui, une décennie déjà, quelle est la hauteur de ces financements ? Est-ce que tous les 6,2 milliards ont été débloqués ?
Moïse Ekanga : la RDC a signé en date du 22 avril 2008 avec le Groupement d’Entreprises chinoises une convention de collaboration en vue du développement d’un projet minier et d’un projet d’infrastructures sur le territoire national. Ces deux projets, que certains dénomment à tort « contrats chinois », sont appelés collectivement « Projet de coopération Sino-congolais ».
Effectivement, selon cette convention, il est prévu un financement de l’ordre de 3 milliards USD en faveur des projets d’infrastructures et un autre de 3,2 milliards USD pour le développement d’un projet minier, via la joint-venture Sicomines.
La situation des décaissements se présente de la manière suivante à fin 2018 :
- Projets d’infrastructures : 0, 738 millions
- Projet minier : 1,738 milliards
Il est à noter que le projet minier se fait en deux phases : la première phase prévoit une production annuelle de 125.000 tonnes de cuivre tandis que la deuxième phase porte la production à 250.000 tonnes. Seulement, le lancement de la deuxième phase est lié au développement du projet de construction de la centrale hydroélectrique de Busanga.
Les inquiétudes inhérentes à la faible production et le retard dans la mise en œuvre de la seconde phase dû aux difficultés rencontrées dans la fourniture en énergie électrique sont à la base du ralentissement des décaissements en faveur du projet d’infrastructures, étant donné que c’est le développement du projet minier qui doit prendre en charge, d’après la convention, le remboursement des montants investis dans le projet de coopération, en ce compris le paiement des intérêts.
L’évolution des travaux de construction de la centrale hydroélectrique de Busanga étant satisfaisante, les discussions sont en cours pour passer à la deuxième phase du projet minier. La mise en exploitation de cette centrale est un gage pour le remboursement des prêts obtenus dans le cadre de ce projet de coopération.
Le remboursement devait se faire à travers la Sicomines, cette joint-venture entre la Gécamines et le groupe d’entreprises chinoises. Cette société a déjà commencé l’exploitation et exporte le cuivre et le cobalt. A-t-elle déjà commencé à récupérer les prêts ? Si oui, nous sommes à quelle hauteur ?
Sicomines est entrée en exploitation depuis novembre 2015 tandis que la commercialisation est devenue effective à partir de janvier 2016. Depuis lors, elle a amorcé le remboursement de la dette en utilisant une quotité de ses bénéfices. Ces derniers se présentent comme suit :
- 2016 : 60 millions USD ;
- 2017 : 232 millions USD ;
- 2018 : 400 millions USD.
30% des bénéfices réalisés sont destinés au paiement des dividendes aux actionnaires alors que les 70% restants sont affectés au remboursement des financements (principal et intérêts) des projets d’infrastructures et du projet minier, à concurrence de 60% et 40% respectivement.
En plus des nouvelles infrastructures, l’accord Sicomines devait donner une impulsion significative à la croissance économique de la RDC. Etes-vous vraiment satisfait des résultats ?
La réponse à cette question dépend des objectifs assignés au Projet de coopération. En effet, nonobstant les difficultés rencontrées qui n’ont pas permis un déploiement rapide des projets d’infrastructures à savoir notamment, l’insuffisance de fourniture en énergie électrique, le faible taux d’absorption des montants affectés aux projets, certains projets réalisés ont eu un impact significatif tant sur le plan économique que social en ce qu’ils ont occasionné notamment la réduction des coûts de transport (temps d’évacuation des produits des lieux de production vers les centres de consommation, etc.) ainsi que celle des coûts de construction dans le secteur de bâtiments et travaux publics (baisse des coûts des agrégats, etc.) due à la présence des entreprises chinoises sur ce marché, la mobilité aisée sur certaines grandes artères du pays (boulevard du 30 juin, boulevard Lumumba, avenue du Tourisme, traversée de Butembo, etc.). L’impact sera beaucoup plus important lorsqu’on aura consommé ne serait-ce que la moitié du financement réservé au projet d’infrastructures.
Il importe également de souligner l’impact positif du développement de ce Projet de coopération sur les activités de la Gécamines. En effet, contrairement aux autres partenariats de Gécamines, l’exploitation de Sicomines a permis à Gécamines de toucher des dividendes depuis l’exercice 2016.
Il y a des observateurs qui estiment que cet accord n’a pas répondu aux attentes. Il y a eu des retards dans les projets d’infrastructures ainsi que des coûts imprévus. Il y a eu également des problèmes liés à la mauvaise qualité des routes et des infrastructures. Votre réaction ?
Comme on l’a déjà dit, les retards dans le projet d’infrastructures sont liés à la problématique de la fourniture d’électricité à Sicomines afin qu’elle atteigne la capacité de production convenue dans la 2ième phase, laquelle devrait garantir le remboursement du montant des investissements prévus initialement pour les projets d’infrastructures, soit 3 milliards.
Il a appert aussi de souligner le faible taux d’absorption des montants affectés au Projet d’infrastructures, lié entre autres aux difficultés d’accès aux zones d’intervention (déplacements des équipements, matériels et matériaux de construction, par exemple).
Enfin, il est impérieux d’ajouter le fait que seules les entreprises membres du Groupement des entreprises chinoises, parties prenantes à la Convention de collaboration, par l’entremise de leurs filiales, sont habilitées à réaliser des travaux d’infrastructures, étant donné qu’elles sont les seules à présenter des garanties de bonne exécution auprès d’Exim Bank of China. Leur nombre limité ne permet pas une couverture considérable sur l’ensemble du territoire national. Cette contrainte oblige, par conséquent, l’Etat congolais à opérer un déploiement graduel, au fur et à mesure des financements libérés, et un décaissement séquentiel afin d’éviter de supporter des charges financières inutiles.
S’agissant particulièrement de la qualité des routes et des infrastructures, il convient de noter que tous ces projets sont gérés par le Ministère ayant les infrastructures dans ses attributions, via l’Agence Congolaise de Grands Travaux, ACGT en sigle, opérant comme maître d’ouvrage délégué. C’est à ce niveau qu’est mis en place tout l’arsenal nécessaire à la supervision des travaux et au contrôle technique des ouvrages réalisés.
Dans un rapport publié par Asadho, cette ONG faisant comparaison à d’autres chantiers avait estimé qu’il a eu surfacturation des travaux. Asadho a ainsi exigé un audit sur l’ensemble des travaux réalisés à Kinshasa. Etes-vous d’accord pour cet audit externe ?
Les préoccupations de cette ONG ont étés rencontrées, en son temps, dans la réaction de l’ACGT qui a eu à démontrer tout le contraire de ces allégations. En clair, toutes les routes n’ont pas la même configuration, n’ont pas le même standard, bref, ne répondent pas aux mêmes exigences techniques et financières.
Concernant un éventuel audit externe, il y a lieu de faire remarquer qu’aucune organisation sérieuse ne peut refuser se s’y soumettre, le cas échéant.
Nouveau régime dirigé par le président Fatshi. C’est fini avec les travaux dans le cadre de contrats chinois, ou ça doit continuer ?
La Convention de collaboration signée le 22 avril 2008 engage la RDC. Elle a été signée par le Gouvernement congolais et ratifié par le Parlement. Du côté chinois, cette convention avait été approuvée par le Conseil des affaires d’Etat. Et au-delà, en exécution de cette convention, la loi n° 14/005 du 11 février 2014 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change, applicable aux conventions de collaboration et aux projets de coopération, a été promulguée.
Nous ne pensons pas que le président de la République puisse revenir sur les engagements pris par l’Etat dans le cadre de ce Projet de coopération dans la mesure où sa mise en œuvre contribue au développement du pays et à la consolidation du partenariat stratégique entre la RDC et la Chine.