6,2 milliards USD, c’était la somme que la banque chinoise Exim Bank devrait débourser dans le cadre du partenariat entre un consortium des entreprises chinoises et le gouvernement congolais. Ce partenariat signé en 2008 consistait en la construction des infrastructures (routes, hôpitaux, écoles…) par ces entreprises chinoises préfinancées par Exim Bank et en contrepartie, celle-ci devait récupérer son argent à travers la Sino-congolaise des mines (Sicomines), une joint-venture entre ce consortium des entreprises chinoises (68%) et la Gécamines (32%) dans l’exploitation du cuivre et du cobalt. L’entreprise possède deux gisements riches en cuivre et cobalt à Dikulwe et Mashamba au Lualaba. Des réserves évaluées à 10 millions de tonnes en cuivre et 6 millions en cobalt.
De ces 6,2 milliards USD, 3,2 milliards devaient être investis dans Sicomines et 3 milliards dans les infrastructures. Mais l’opacité qui entoure ce partenariat érigé en un mythe par l’ex-régime, inquiète plus d’un Congolais. Le Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais que dirige Moïse Ekanga en a fait tellement un mystère alors que la transparence devait être démise pour éviter tout soupçon de détournement de fonds et de corruption ; étant donné que ce sont les richesses congolaises (cuivre et cobalt) qui sont mises en gage.
Tenez, jusque fin 2013, rien que 1,7 milliards USD étaient déboursés depuis 2008 par la banque chinoise, dont 468 millions pour les infrastructures. Et depuis lors, aucun autre chiffre n’est communiqué à la population. Tous les efforts de Scooprdc.net de rencontrer le coordonnateur du Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais pour en savoir où en est-on avec les décaissements d’Exim Bank, se sont avérés vains. Moïse Ekanga esquive toujours les rendez-vous.
Au jour d’aujourd’hui, soit une décennie déjà, les Congolais ne savent pas quelle est la hauteur de ces financements, est-ce tous les 6,2 milliards ont été débloqués ? Et comme le remboursement devait être fait à travers la Sicomines, combien d’argent déjà restitué étant donné que la production du cuivre et du cobalt a déjà commencé ? Combien doit-on rembourser et terme d’intérêts ? Autant de questions qui sont sans réponses.
Pourtant, dans un rapport publié en février 2015 et consécutif au monitoring sur les infrastructures dans le cadre des contrats chinois, l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (Asadho) avait exigé un audit sur l’ensemble des travaux des infrastructures réalisés à Kinshasa qu’elle jugeait « surfacturés ». L’ONG qui saluait l’initiative de ces projets d’infrastructures, fustigeait en même temps « le manque de transparence, de qualité et du respect des droits humains dans leur réalisation ». Sans mâcher les mots, l’Asadho a estimé que certains travaux publics ont coûté plus chers pour une qualité au rabais. Pour appuyer ses allégations, l’Asadho évoque les travaux d’aménagement de l’esplanade du Palais du peuple dont le coût est deux fois supérieur à celui de la construction du Stade des martyrs. « Le coût de l’esplanade est au-delà de 20 millions de dollars américains, alors que le stade aurait coûté environ 10 millions de dollars américains », relevait le rapport de l’Asadho. Un autre cas évoqué par l’ONG de défense des droits de l’homme c’est la réhabilitation du boulevard Triomphal qui a coûté plus cher que la construction même de ce tronçon. «Vous remarquerez qu’avant le défilé du 30 juin 2014, on avait ajouté une couche d’asphalte. Comment justifier le coût très exorbitant aux environs de 19 millions USD et plus alors que l’Office de route avait construit la première phase de ce boulevard sous Laurent-Désiré Kabila à 800 mille USD ? », s’interrogeait l’ONG dans son rapport.
Bref, l’Asadho a révélé que les travaux exécutés par les mêmes entreprises chinoises au Congo-Brazzaville ont coûté très moins chers qu’en RDC. Selon cette ONG, ces entreprises ont par exemple construit une bande de route asphaltée d’un kilomètre à près de 170 mille USD au Congo-Brazzaville, et que la même bande d’un kilomètre a coûté entre 1,1 million et 1,3 millions USD à Kinshasa. La construction de l’hôpital du Cinquantenaire a coûté environ 100 millions USD, selon des chiffres que l’Asadho a obtenus et l’agrandissement du boulevard du 30 juin en 4 bandes pour chaque allée sur environ 7Km aurait englouti au moins 85 millions USD. Les ouvrages épinglés, documentés et soupçonnés de surfacturation sont pour l’Asadho : la route Lutendele d’ailleurs inachevée jusqu’à ce jour, l’avenue du Tourisme, le boulevard Sendwe, le boulevard Lumumba et la place de la Gare centrale.
Partant de tous ces exemples de surfacturation des travaux, l’Asadho tout comme d’autres ONG et les observateurs indépendants ont émis et émettent toujours les craintes de surendettement : les 6,2 milliards USD valent beaucoup moins que 10 millions de réserve en cuivre et 6 millions en cobalt mises en gage. D’où la nécessité d’un audit et d’un suivi correct. Non sans raison, la Sicomines exploite et exporte les minerais dans une opacité dénoncée par l’ancien ministre des mines Martin Kabwelulu bien qu’il se soit dédit après à cause des pressions subies. Lire les articles de Scooprdc.net : « Contrats chinois : la Sicomines fraude déjà » et « Contrats chinois : la Sicomines l’emporte sur Martin Kabwelulu » pour se rendre compte de la fraude instaurée par la Sicomines dans l’exportation du cuivre et du cobalt non raffinés vers la Chine.
En effet, en exportant les minerais non raffinés, il est difficile à l’Etat congolais d’évaluer les volumes exacts de la teneur de ces minerais censés rembourser les prêts chinois de 6,2 milliards USD. La Sicomines prétexte que par carence de l’énergie électrique, il faudra attendre fin de l’année 2020, pour raffiner ces minerais sur place. Mais la conséquence c’est que la valeur en monnaie déclarée à la frontière est moindre par rapport à la valeur réelle si ce cuivre et cobalt sortaient du pays à 99,9% comme convenu dans le contrat. Cette façon de faire risque de dépasser le temps imparti à la Sicomines pour rembourser les prêts. D’où l’interpellation de la nouvelle Assemblée nationale à convoquer le coordonnateur du Bureau de coordination et de suivi du projet sino-congolais, Moïse Ekanga pour éclairer la lanterne tant de la représentation nationale que du peuple congolais. Et dans cette démarche, le chef de l’état Félix Tshisekedi devra ouvrir l’œil et le bon.