Dans un communiqué rendu public par voie de presse, les opérateurs de téléphonie mobile déclarent se soumettre à tout contrôle par l’Etat mais fustigent le choix de l’opérateur de contrôle porté par ce dernier sur une entreprise dont ils ne citent pas le nom. Sans faire trop d’efforts, on comprend que ces opérateurs s’attaquent à la décision du Ministre des PTNTIC de mettre en place un mécanisme de contrôle des flux téléphoniques des réseaux des opérateurs des télécommunications et à celle portant désignation de la société AGI comme opérateur de ce contrôle.
Depuis la signature des arrêtés par le Ministre précité en janvier 2018, les opérateurs de téléphonie se sont ligués pour ne pas permettre à l’Etat congolais de recourir à un expert doté des compétences et d’équipements appropriés pour contrôler la sincérité de leurs déclarations sur les chiffres d’affaires qu’ils réalisent mensuellement. Pour qui connaît l’historique du secteur des télécommunications en République Démocratique du Congo et ce, depuis sa libéralisation en 2002, aucun opérateur n’a voulu autoriser à l’Etat de recourir à un expert pour l’audit technique et financier de leurs réseaux afin de déterminer la volumétrie des trafics qu’ils génèrent et permettre ainsi à l’Etat de taxer les chiffres réels qu’ils engendrent. D’ailleurs, pour la plupart des opérateurs, leurs déclarations sont faites dans un terme général sans soubassement ou détails réels de chaque service offert. Ils se contentent de communiquer aux services taxateurs et régies financières en un seul papier (format word) des chiffres globaux prétendument réalisés au cours d’un mois sans en fournir les détails nécessaires pour en permettre le contrôle. Ils tirent profit de manque par l’Etat non seulement des équipements mais également des connaissances appropriées, la technologie des télécommunications étant de plus en plus sophistiquée.
A chaque fois que l’Etat congolais a cherché à contrôler la volumétrie des communications générées par les réseaux des télécommunications, les opérateurs de téléphonie se sont toujours opposés et de manière virulente, traitant l’initiateur d’un tel projet de corrompu. On se souviendra que déjà l’ARPTC avait en 2009 fait appel à un expert qui devait l’assister dans le contrôle des flux téléphoniques. Comme un seul homme, les opérateurs s’étaient opposés à ce contrôle et les résultats de ce travail n’ont jamais donné lieu à des redressements fiscaux suite à une résistance farouche des opérateurs. Les discussions sur ce rapport à la DGRAD n’ont jamais abouti, les opérateurs ayant multiplié des manœuvres dilatoires pour empêcher l’Etat de rentrer dans ses droits. Ils ont faussement allégué le fait que l’expert engagé n’était habilité d’effectuer un contrôle fiscal alors que l’expertise demandée consistait simplement à déterminer la volumétrie de leurs trafics respectifs. La même résistance a été observée lorsque l’Etat (CENAREF et DGDA) a eu recours au cabinet CKA AUDIT & CONSEIL, pourtant réputé en Afrique en matière d’audit des activités des opérateurs des télécommunications. Cet expert n’a pas eu à exécuter sa mission, les opérateurs ayant toujours évoqué le défaut de qualité de fonctionnaire de régie financière dans le chef de l’auditeur recruté alors que la loi autorise aux régies financières de recourir aux experts indépendants dans les matières qui requièrent une technicité particulière comme il en est le cas en télécommunications. Ces opérateurs peuvent-ils reconnaître les écarts relevés par la Société Entreprise Télécom dans son rapport sur leurs chiffres d’affaires des premiers mois de l’année 2016 ? Toujours avec les mêmes arguments, ils se sont opposés au paiement des droits éludés suivant ce rapport. Les différentes régies financières peuvent témoigner de cette réalité.
C’est donc cette logique de résistance et de laisser l’Etat dans son manque de la technicité des activités des télécommunications que les opérateurs de téléphonie veulent laisser les choses demeurer et ce, au préjudice de l’Etat. Comment l’Etat congolais pourrait-il réaliser ses projets de développement socio-économique s’il n’arrive pas à maximiser ses recettes provenant des impôts et taxes ?
C’est superflu qu’un audité déclare vouloir participer au recrutement d’un auditeur. Comment les opérateurs veulent que l’auditeur soit celui qui sera connu de leurs maisons-mère respectives ? Est-ce une obligation pour l’Etat de ne choisir qu’un auditeur qui proviendrait des pays d’origine des multinationales ayant leurs filiales en République Démocratique du Congo ? L’Etat congolais qui attribue les licences d’exploitation aux opérateurs des télécommunications en toute souveraineté, conserve la même souveraineté dans le choix de son partenaire pour auditer lesdits opérateurs. Il n’a pas d’ordre à recevoir en cette matière des opérateurs privés qui doivent, en contrepartie des droits leur concédés, payer correctement les impôts et taxes qui leur sont imposés et ce, sur la base des revenus qu’ils réalisent effectivement. On ne peut dès lors renier à l’Etat congolais le choix de son sous-traitant de contrôle et ce, sans interférences de ceux qui doivent être contrôlés. Autrement, la mission de contrôle perdra le sens de ses objectifs. Ces multinationales veulent-elles recoloniser la RDC ou la maintenir sous tutelle ? En tout cas, l’Etat congolais a acquis son indépendance depuis le 30 juin 1960. Il doit dès lors s’assumer comme tel.
L’argument de confidentialité des informations véhiculées par les réseaux et de celles particulières aux entreprises contrôlées est fallacieux dès lors que le contrat de sous-traitance ainsi que les textes légaux et réglementaires pertinents imposent au prestataire de contrôle l’obligation de confidentialité et prévoient des sanctions efficaces pour faire respecter cette obligation. Aveuglés par la peur du contrôle, les opérateurs de téléphonie feignent d’ignorer les textes de loi et les arrêtés signés par le Ministre des PTNTIC qui prévoient cette obligation de confidentialité. C’est donc à tort que ces opérateurs évoquent la confidentialité de leurs informations.
Ils inventent des chiffres imaginaires pour faire croire à un accroissement des prix de leurs services. L’expérience prouve que ce ne sont pas les impositions mineures qui influent sur leurs recettes. Ils doivent plutôt améliorer la qualité de leurs services et innover pour réaliser des recettes.
L’argument qui consiste à accepter le contrôle de leurs flux sans admettre l’opérateur désigné n’est rien d’autre qu’une astuce leur permettant de retarder les choses. Ils savent que l’Etat ne disposant pas d’équipements ni de compétences requises quant à ce, ils tireront profit de tout report de la mise en œuvre des mesures prises par le Gouvernement. Ils comptent sur l’usure du temps et assurément sur l’arrivée à la tête du ministère des PTNTIC d’un Ministre manipulable dont ils pourraient obtenir le silence grâce au recours à des pratiques peu recommandables. Nous savons que depuis 2018, ils ont mis du paquet pour bloquer ce contrôle.