La maximisation des recettes de l’Etat dans les télécommunications est une démarche farouchement combattue par les opérateurs du secteur. Cette peur du contrôle de leurs chiffres d’affaires les pousse à des pratiques peu recommandables. Ils ne lésinent pas sur les moyens pour bloquer le contrôle adéquat de leurs trafics (voix, data, sms).
En effet, la plupart des opérateurs ne déclarent pas les chiffres d’affaires qu’ils réalisent en réalité. Bien plus, bientôt 20 années de l’acquisition de leurs licences respectives, ces opérateurs déclarent toujours des bilans annuels déficitaires au point qu’ils ne paient presque pas l’impôt sur le bénéfice et ce, au préjudice de l’Etat congolais qui doit annuellement prélever 40 % sur les bénéfices par eux réalisés. Pourtant, au lancement de leurs réseaux, chaque opérateur avait bénéficié des exemptions fiscales et douanières avec engagement de créer des emplois et de couvrir les agglomérations habitées tant urbaines que rurales sur l’ensemble du territoire national. Mais la plupart se concentrent dans les grandes villes et rentables abandonnant ainsi l’arrière-pays sans connectivité.
Depuis l’annonce de la mise en place du mécanisme de contrôle du trafic généré par les réseaux des télécommunications, une forte agitation est observée de la part des opérateurs de téléphonie qui usent de l’affabulation et recourent à la corruption de certains officiels en vue d’obtenir l’annulation des arrêtés signés par le Ministre des PTNTIC et le décret de rémunération. Sans les justifier, ils avancent des chiffres irréalistes pour fustiger la rémunération prévue pour l’opérateur de contrôle.
L’agitation dans le chef des opérateurs qui ont finalement obtenu auprès des nouvelles autorités la surséance du contrat signé entre le Gouvernement et la société Africa General Investment Limited (AGI), ne se justifie que par leur crainte du contrôle de leurs activités par un spécialiste qui pourra révéler à l’Etat les chiffres exacts qu’ils réalisent et faire bénéficier au Trésor Public les revenus qui lui reviennent réellement. Les prétendus 27% de hausse de taxes et 60% de prix de l’Internet sont des fariboles. L’on doute que ces opérateurs sauront revenir à de plus justes proportions et à apporter un service de qualité au plus juste prix !
Ainsi, la décision de la Présidence de la République n’annuler le contrat avec AGI qui venait de remplacer la firme française Entreprise Télécom, laisse un vaste boulevard de fraude aux opérateurs de télécommunications dont la volumétrie des appels, des sms et de l’Internet, n’est contrôlée à présent par personne. Cette situation doit davantage impacter négativement sur les recettes de l’Etat du secteur des télécoms déjà minorées en complicité avec certains officiels qui, pour leurs intérêts égoïstes, servent de parapluies à ces opérateurs de téléphonie.
Des recettes alarmantes pour le Trésor public…
Les premiers états de contrôle reçus par les services du ministère des PTNTIC sont alarmants. Le système fiscal déclaratif autorise toutes les fraudes et les omissions. Les opérateurs n’ont pas fait toute la clarté sur l’état du trafic. Comme l’indiquait déjà un précédent rapport : une perte mensuelle de 17.6 millions USD ! En effet, des informations obtenues sur le flux généré par les opérateurs en RDC, démontrent un flou terrible dans certains décomptes mensuels, à travers des calculs en Francs Congolais (FC), qui représentent des montants conséquents mais qui, convertis en USD, laissent perplexes.
Exemple, un opérateur dont Scooprdc.net tait le nom, déclare un chiffre d’affaires Internet mensuel de 88 millions de FC, soit un chiffre d’affaires d’environ 54 000 USD assujetti à la redevance internet de 3%. Ce qui donne au final une recette nette pour l’Etat d’environ 1.600USD. Mais en considérant la taille et le nombre d’abonnés de cette société qui se comptent par dizaine de millions, il est inimaginable, irréel et inconséquent que l’Etat reçoive de ce trafic intense d’Internet, cette modique somme mensuelle de 1.600USD.
Un autre grand opérateur déclare sur un mois, deux fois moins de trafic que son homologue de même taille sur le même mois alors qu’ils partagent le même nombre d’abonnés. Statistiquement, ceci semble étrange et représente pour l’Etat des recettes non perçues. D’où un manque à gagner estimé à plusieurs millions USD par mois.
Des vérifications faites sur les déclarations des opérateurs de téléphonie ont révélé par exemple pour l’exercice 2016 que l’Etat perd au moins 50 millions USD par opérateur. Des redressements faits à ce sujet n’ont pas abouti à cause de la résistance des opérateurs, qui considèrent la RDC comme un pays sans loi. D’où l’interpellation au nouveau président de la République et au prochain gouvernement d’ouvrir grandement l’œil et arrêter l’hémorragie financière : la fraude est plus grande dans le secteur de Télécommunications que celui minier. Et ce sont de centaines de millions USD qui échappent sur les appels, les sms, l’Internet mais également par phénomène Sim box.
Ginno Lungabu