Ancien juge de la Cour constitutionnelle, le professeur Eugène Banyaku fait une analyse politique rigoureuse qui, d’après lui, indique que la victoire de Félix Tshisekedi n’est pas électorale mais procède d’une stratégie pour l’UDPS de se faire gratifier d’une longue lutte de près de 40 ans, dont les Kasaïens en ont largement payé les frais (emprisonnement extrajudiciaire, bannissement ou relégation, exil et exclusion politique) et ce, pendant deux régimes successifs de Mobutu et de deux Kabila. Dans cette analyse, Eugène Banyaku y voit la stratégie de la Kabilie de se protéger contre l’éventuelle alliance consolidée Bemba-Katumbi avec ses renégats (Lumbi, Kamitatu, Endundu..) en renouant avec l’UDPS sous son contrôle.
Déjà au départ de Genève, indique-t-il, le jeu était largement en faveur de Félix Tshisekedi, mais manifestement la carte géopolitique de l’Ouest a joué en sa défaveur. Ainsi, grâce à Kamerhe, il s’est offert une coalition alternative Est-Centre/RDC à tout risque de faire gagner du temps au pouvoir sortant. Fayulu ne va pas renverser cette alliance Est-Centre par le simple fait d’une victoire électorale juste, ou d’un soulèvement populaire précoce même avec l’appui moral de la CENCO/ECC, moins encore d’une moralité hypocrite de la communauté internationale.
D’après l’ancien juge de la Cour constitutionnelle, deux choix stratégiques s’offrent à Martin Fayulu : soit engager une longue épreuve démocratique avec Lamuka en tirant profit de son grand crédit électoral pour faire une opposition républicaine face à un nouveau Président et son parti UDPS qui ont fait le plus mauvais choix d’alliance, alors que les trois derniers accords de Concertations Nationales, du Dialogue de l’UA et de Saint Sylvestre en ont montré largement les limites de cohabitation loyale entre les tenants du pouvoir et l’opposition. Soit négocier un point de ralliement entre Lamuka et CASH pour une alternance réelle au pouvoir sortant. Les deux choix sont faisables mais le premier est plus coûteux que le second, même si ce dernier sauverait Lamuka et surtout l’UDPS de l’usure pour l’un et du discrédit total pour l’autre. Le tout dépendra de l’effort conjugué de l’un et de l’autre pour réussir une alternance sans guerre civile postélectorale. « La Côte d’Ivoire en est l’exemple patent », fait savoir Eugène Banyaku avant de conclure : « dans ce dernier cas, les trois protagonistes se retrouveront à la CPI avec des preuves de culpabilité irréfutables ».
Agnelo Agnade