On tire à boulets rouges sur l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) depuis que ce parti a manifesté sa détermination d’aller aux élections avec ou sans machine à voter le 23 décembre. Scooprdc.net a approché Augustin Kabuya, secrétaire général adjoint en charge de la mobilisation, pour en savoir plus sur ce que beaucoup de Congolais qualifie de volteface et d’acte de trahison de l’UDPS mais également sur les soupçons de son rapprochement avec le Front Commun pour le Congo (FCC) et de corruption qui pèsent sur son président Félix Tshisekedi. Ci-dessous l’intégralité de l’interview :
Scooprdc.net : Augustin Kabuya bonjour !
Augustin Kabuya : bonjour !
Scoop : l’UDPS a toujours rejeté la machine à voter depuis longtemps, mais il n’y a pas trois ou quatre jours, l’UDPS accepte d’aller aux élections avec ou sans machine à voter le 23 décembre prochain, qu’est ce qui justifie ce rétropédalage ?
A.K : d’abord je tiens à préciser ici que nous tous, je parle de l’ensemble de candidats président de la république et de toutes les formations politiques toutes les tendances confondues. Nous tous, quand on s’est dirigé vers la CENI pour déposer nos candidatures, on savait très bien qu’il y avait la machine à voter. Et deuxième élément, il y a parmi les candidats président de la république, certains de leurs membres qui continuent à faire la promotion de cette même machine à voter, jusqu’à la preuve du contraire ils n’ont jamais eu le courage d’attaquer ou de désavouer certains de leurs membres qui sont à la CENI en train de faire cette promotion, c’est une précision importante.
Et ceux qui pensent aujourd’hui que l’UDPS a pris une mauvaise voie, ils se trompent. L’UDPS veut mettre fin à la distraction préparée par la mouvance kabiliste et la CENI. D’après les informations en notre possession, monsieur Nangaa n’est pas prêt pour nous organiser des élections, mais il est en train de nous distraire comme dans un film où vous voyez un bandit qui apparait avec une arme en plastique, quand il vous brandit cette arme, vous paniquez, il prend tout ce que vous avez. c’est la situation que nous avons aujourd’hui. Je peux vous rassurer que nous voulons d’abord mettre fin à ce régime qui nous a colonisé pendant 18 ans. Et si nous disons que nous ne voulons pas d’élections, quelle est l’alternative pour mettre fin à ce régime ? Il y aura un fameux dialogue où les hommes politiques vont discuter de leurs postes sans penser à notre peuple, c’est ce que l’UDPS ne veut pas. Nous voulons mettre monsieur Nangaa devant un fait accompli et ses parrains de la majorité.
Scoop : est-ce que vous êtes maintenant rassuré qu’avec la machine à voter, il n’y aura pas tricherie ?
A.K. : En 2011, Etienne Tshisekedi avait battu monsieur Kabila aux élections. Il n’y avait pas la machine à voter et ceux qui avaient même planifié cette tricherie sont en train de nous donner de leçons aujourd’hui.
Scoop : Est-ce que votre démarche ne va-t-elle pas à l’encontre de votre allié le G7 avec qui vous êtes dans le rassemblement ?
A.K. : Ecoutez, nous sommes en politique. Nous l’UDPS, on nous a toujours mal compris lorsque nous posons le problème. Cette affaire que vous évoquez ce n’est pas du nouveau. D’abord, bien avant le début de ce processus, nous avions posé le problème si nous pouvions nous prononcer pour le boycott. Personne n’était en mesure de se prononcer. Mais quand on ne peut pas se prononcer pour le boycott, on se cache derrière la machine à voter, cela veut dire quoi ?
Le 29 septembre, nous avons critiqué la machine à voter au cours d’un meeting populaire. Nous, l’UDPS, nous avons fait de propositions responsables, mais les amis ont fait sourde oreille. Le problème est très fondamental : on doit d’abord mettre de côté nos intérêts et regarder l’intérêt de la population. Si aujourd’hui nous ne disons pas question de machine à voter, nous nous mettons à l’écart, on nous dira bravo c’est une bonne chose ! Mais qu’est-ce que Joseph Kabila va devenir ? Il va s’éterniser au pouvoir, il va se justifier devant la communauté tant nationale qu’internationale qu’on lui avait demandé de ne plus se présenter, il l’a fait ; qu’on lui a dit de présenter un dauphin, il a accepté ; qu’on lui a dit de présenter un calendrier, la CENI a présenté un calendrier, mais voilà que c’est l’opposition qui a refusé les élections.
Scoop : Donc cette démarche n’a pas été suivie ou acceptée par vos alliés ? C’est ce que vous voulez dire ?
A.K. : Je vais vous répondre très brièvement. Nous étions en discussion avec nos amis et je n’ai pas du tout apprécié ce qu’ils nous ont fait. Je vais vous le dire maintenant : le 11 octobre, nous avons sorti un communiqué, le communiqué là était signé par un de mes collègues, un secrétaire général adjoint, en la personne de monsieur Guy Bau. Et dernièrement, la lettre qu’on a amenée à l’Hôtel de ville, j’étais même souffrant mais j’ai accepté d’apposer ma signature sur cette lettre comme secrétaire général adjoint de l’UDPS au même titre que Babala qui est secrétaire adjoint au MLC, mais quand ils sont arrivés, et pour nuire l’image de l’UDPS vis-à-vis de l’opinion, ils ont pris la lettre où il n’y avait pas la signature de l’UDPS mais avec le nom de l’UDPS, ils sont allés déposer ça à l’Hôtel de ville, vous pensez que agir comme-ça c’est vraiment favoriser l’unité dont vous faites allusion ? La réponse est non !
Quand on paie les journalistes pour insulter notre président par certains candidats qui pensent aujourd’hui qu’ils sont devenus très meilleurs que l’UDPS, et vous trouvez ça normal ? Nous disons ceci : dans le contexte actuel, nous sommes pour l’unité mais on doit se regarder en face qu’on se dise des vérités. Si les gens sont prêts pour le boycott, nous, nous sommes le champion en boycott au lieu de se cacher derrière la machine à voter, ou ceci et cela.
Scoop : si nous prenons l’opposition comme un fruit, vous voulez dire qu’il y a un ver dans le fruit ?
A.K. : Affirmatif ! Il y a un problème réel. Est-ce que vous trouvez ça normal que de gens qui ont présenté Kabila comme le génie de ce pays, en dehors de lui personne ne pouvait réfléchir à sa place, aujourd’hui les mêmes personnes viennent vers nous et ce sont elles qui, maintenant nous donnent des leçons pour refuser la machine à voter. Nous savons que ces personnes-là ont planifié pour qu’il y ait encore glissement du mandat de monsieur Kabila. Et vous voulez que nous acceptions ça ?
Scoop : Là vous pensez à Kinkiey Mulumba ?
A.K. : Oui, c’est de lui que je parle ! Est-ce que vous trouvez ça normal ? On doit même respecter notre peuple !
Scoop : Mais il y a de gens qui disent que votre président a été soudoyé avec 3 millions de dollars et qu’il y aurait un jet déjà disponible pour sa campagne électorale ?
A.K. : je vais vous dire une chose, les gens doivent apprendre quand même à être bien éduqué avant de dire n’importe quoi. Monsieur Félix Tshisekedi quand vous le regardez comme-ça, c’est quelqu’un qui n’a pas l’air de la malhonnêteté ou bien de fraude. Que représente 3 millions de dollars par rapport au rapatriement de corps d’Etienne Tshisekedi ? On lui avait conditionné : vous acceptez la primature, le corps de votre père rentre au pays. Il a tout refusé. S’il refuse le rapatriement de quelqu’un qui l’a mis au monde pour l’intérêt de cette population et aujourd’hui on veut faire croire à l’opinion qu’il a touché 3 millions de dollars pour trahir le Congo ! C’est un montage des gens qui veulent le glissement de monsieur Kabila. Mais nous, nous sommes déterminés à arrêter son règne le 23 décembre prochain.
Scoop : Selon vous, ce montage est venu d’où ?
A.K. : Ah oui, même certain de vos confrères sont payés matin, midi et soir pour insulter notre candidat président monsieur Félix Tshisekedi mais nous, nous disons ceci : le terrain-là est glissant et nous, nous allons nous défendre jusqu’à la dernière minute, nous ne trahirons jamais la mémoire d’Etienne Tshisekedi.
Scoop : Comment sont les relations actuellement entre Félix Tshisekedi et Moise Katumbi ?
A.K. : Je ne peux pas vous dire quelque chose là-dessus, lorsqu’ils s’étaient rencontrés pour tisser leur amitié, ils ne m’avaient pas consulté, et aujourd’hui s’ils veulent continuer avec leur amitié ou rompre, ils ne reviendront pas vers moi dire Augustin comment tu trouves ? Félix c’est mon chef hiérarchique, le président de mon parti, monsieur Moise Katumbi est chef d’une plateforme politique, je ne peux pas me mêler de leur relation. Quand ils s’étaient rencontrés, ils ne m’avaient pas demandé l’autorisation.
Scoop : Justement, mais c’est votre allié ?
A.K. : Je n’ai pas nié qu’il n’est pas notre allié. Comme mon président n’a pas dit que Moïse Katumbi n’est plus notre allié, je confirme et considère qu’il est toujours notre allié.
Scoop : Comment vous trouvez la démarche du CLC qui a aussi appelé au rejet de la machine à voter ?
A.K. : Mais c’est leur droit, nous sommes en démocratie. Si aujourd’hui ils ont levé l’option de critiquer la machine à voter, ça devient sujet d’actualité ?
Scoop : Donc maintenant là, vous voulez mettre Kabila et la CENI dos au mur, vous acceptez les élections avec la machine à voter, mais comment vous allez contrôler la fraude parce qu’il y aura beaucoup de bureaux de vote ?
A.K. : Voilà ce qu’on s’était dit avec nos amis : répartissons-nous les taches pour encercler ces gens ici, ils n’ont pas cette volonté d’aller aux élections. Nous à l’UDPS, on avait fait de bonnes propositions : le MLC, vous prenez tout l’Equateur et la Province orientale. L’UNC, une partie de l’Est ; Ensemble de Moise Katumbi, vous prenez une partie de Katanga et une partie de l’Est y compris l’UDPS et vous Dynamique, vous prenez une partie du Kongo central avec l’UDPS, Kinshasa et une partie de Bandundu. Nouvel Elan avec l’honorable Muzito, prenez le Bandundu pour nous faciliter la tache avec le président Matungulu. Et cette réunion était d’ailleurs dirigée par l’honorable Muzito qui avait bien apprécié nos propositions, mais tout ça s’était rejeté en bloc.
La dernière réunion avec les candidats président de la République que Nangaa avait organisée, n’est-ce pas Nangaa leur a dit que pour les gens qui voulaient revenir sur la machine à voter, que la porte était leur ouverte ! Mais c’était une histoire qui était déjà planifiée, on vous pousse à la porte ! Nous, nous avons dit que nous voulons tourner la page Kabila d’ici le 23 décembre, nous voulons tourner cette page, nous ne pouvons pas le laisser comme-ça. Ils ont trompé l’opinion qu’ils vont organiser les élections. Quand vous regardez dans 60 jours avec quelle logistique pour déployer dans toute l’étendue du pays !
Scoop : Donc vous le mettez au défi tout en sachant qu’il n’y aura pas élection le 23 décembre ?
A.K. : Oui, il n’y en aura pas, ils ne sont pas prêts pour nous amener aux élections. Vous savez monsieur le journaliste, souvent l’UDPS a toujours été mal comprise par nos frères de l’opposition.
Scoop : Votre mot de la fin ?
A.K. : Le mot de la fin, j’attire l’attention des uns et des autres, ne donnons pas la chance à monsieur Joseph Kabila et à la CENI. Entrons dans leur distraction. Si nous nous mettons d’accord, nous allons encercler monsieur Kabila avec Corneille Nangaa et l’opposition va gagner, mais si nous rejetons tout dès le départ, nous serons tous condamnés ! On va dire que le pouvoir avait accepté les élections, et comme vous, vous avez refusé, il faut attendre après cinq ans. Et lui (Kabila) va rester au pouvoir !
Scoop : Merci Augustin Kabuya
A.K. : C’est moi qui vous remercie.