L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), à travers un rapport rendu public à la fin du mois d’août dernier, charge sérieusement la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sur sa gestion de fonds alloués par le gouvernement pour couvrir les charges liées au processus électoral. Ce rapport dénommé « contrôle citoyen sur les différents marchés publics effectués par la CENI, de 2014 à 2017 » lève le voile sur ce qui apparaissait comme de soupçons infondés, pour laisser la place plutôt à des révélations sur une gestion opaque semblable à une nébuleuse où tout semble être un tabou. De ce rapport, l’on note que la loi sur la passation des marchés publics est violée d’un bout à l’autre et sur toute la chaine des acteurs et organes censés la faire respecter.
Partant des prévisions données par la CENI à l’Assemblée nationale, l’ODEP révèle que le plan de décaissement 2016, prévoyait quant à lui, un versement de 500 millions de dollars. Sur cette base, le Gouvernement de la RDC a financé à hauteur de 300 millions. Si le plan de décaissement national a été appliqué en 2016 à plus de 60%, les accords du 31 décembre ont impliqué en effet une mise à niveau des besoins financiers, notamment suite à la décision d’organiser trois scrutins concomitants en 2017. Pour autant poursuit le rapport, le retard pris pour le vote de la Loi de finances 2017, le rehaussement du plan de décaissement n’a pas été opéré et les mêmes versements mensuels à la CENI s’appliquaient comme en 2016. Comme conséquence, cette situation a limité drastiquement les capacités d’investissement de la CENI pour couvrir au mieux les frais de fonctionnement et en particulier le paiement des salaires des personnels d’enrôlement. Contrainte cependant à obtenir les kits et matériel d’enrôlement, la CENI arrive, dès mars 2017, à un point de rupture budgétaire, pesant sur ses capacités à payer les frais de fonctionnement. Cette difficulté peut-on lire dans le rapport, est dû au manque de financement de la quotité de 123 millions de dollars prévus par la Communauté internationale ; ces conditions ont dès lors amené à envisager une réduction à hauteur de 65 voire 35 millions de dollars pour la même période.
De 2014 à 2017, les marchés préparés par la CENI et renseignés dans le plan de passation des marchés transmis à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) et à la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics (DGCMP) renseignent de l’acquisition des véhicules terrestres pour la CENI, le recrutement d’un fournisseur de technologie et l’acquisition des matériels informatiques, la fourniture des Kits d’enrôlement, des cartes d’électeurs et des sources d’énergie. Il est observé, mentionne le rapport, qu’entre 2014 et 2017, le Parlement a voté pour les opérations électorales un budget de l’ordre de 1.517.279.706,12 USD. Le montant payé par le Gouvernement s’élève à 483.515.758,58 USD soit 31,86%. Le montant reçu et déclaré par la CENI dans ses rapports (2014-2015 ; 2015-2016 et 2016-2017) est de 652.048.940,4 USD. Entre le montant déclaré par la CENI et celui reconnu par le Ministère du budget, il s’observe un écart de 168.533.181,82 USD. Ce qui laisserait croire que la CENI a l’habitude de recevoir des fonds non engagés. Ce comportement viole l’article 103 alinéa 2 de la Loi relative aux finances publiques. Selon les rapports d’activités de la DGCMP et l’ARMP de 2014, 2015 et 2016, renseignent que le coût global des marchés passés par la CENI entre 2014 et 2017 est de 421.554.451,87USD. De ce fait, il se dégage un écart de 230.494.488,53USD par rapport aux fonds des élections reçus par la CENI.
En dehors de ceci, la passation des marchés publics par la CENI, de manière globale, respecte faiblement le critère de transparence. L’ODEP note l’absence de publicité pour 80% des marchés passés par la CENI. Ce qui annulerait en principe toutes les procédures engagées par celle-ci. L’absence d’élaboration d’un plan de passation des marchés annuel démontre la nécessité pour cette institution d’appui à la démocratie de se doter de manière urgente d’une cellule des projets et de passation des marchés publics. De ce fait, il est difficile à l’heure actuelle de ventiler de manière claire, le nombre de marchés publics programmés par la CENI pour une année budgétaire. L’absence d’une bonne planification en début d’année ne permet pas à la CENI d’effectuer selon la Loi relative aux finances publiques une commande publique, dont les préalables sont connus.
Il est à noter dans le même rapport de l’ODEP que les marchés passés par la CENI reçoivent l’avis de non objection de la Direction de contrôle des marchés publics. Cependant, le recours par la CENI de manière fréquente aux autorisations spéciales, contraire à la Loi, démontre la légèreté dans laquelle sont traitées les affaires de l’Etat et ne le met pas en confiance vis-à-vis des parties prenantes au processus électorale. Ceci ne permet pas à la CENI de choisir, sans négociation avec les candidats, l’offre économiquement la plus avantageuse, évaluée sur la base de critères objectivement portés à la connaissance des candidats et exprimés en terme monétaire. Le contrôle a priori des marchés publics, qui est assuré par l’ARMP et la DGCMP, ne permet pas de garantir la transparence du processus de passation des marchés publics passés par la CENI. Il est à constater que même l’organe d’approbation des marchés conclus à l’issus d’un appel d’offre international (le Premier Ministre), autorise l’exécution d’autant des marchés en mode spécial.
De son côté, le Parlement, l’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes n’exercent aucunement leurs rôles dévolus par les différentes lois du pays, notamment la constitution et les lois organiques les régissant. En plus l’Autorité de régulation des marchés publics n’a réalisé aucun audit sur les marchés de la CENI depuis 2014, fait remarquer le rapport de l’ODEP.
Nzakomba