Ancien juge à la Cour Constitutionnelle, Eugène Banyaku : « Ni la CENI, ni la Cour Constitutionnelle n’ont pas compétence de qualifier les infractions »

« Quelques questionnements sur la procédure devant la Cour Constitutionnelle : esquive judiciaire ou délicatesse politique face aux besoins de justice des citoyens congolais. La vision d’un politologue », est l’intitulé du livre de l’ancien juge à la Cour Constitutionnelle, le professeur Eugène Banyaku Luape Epotu, qui vient relancer le débat sur les décisions prises par cette haute cour du pays. Ce livre est un exposé de la procédure devant cette haute juridiction et les questionnements soulevés par son auteur sont pertinents pour la crédibilité de cette Cour et sa légitimité comme institution ayant pour mission la protection de droits des citoyens, selon les prescrits de la constitution.

Etant donné que les points d’actualité politique rencontre la préoccupation de l’auteur aussi bien sur la procédure que les décisions de fond portant résolution du contentieux judiciaire ou électoral, le professeur Banyaku intervenant sur le contentieux judiciaire déclare sans mâcher les mots que « la Cour Constitutionnelle s’est habituée à statuer d’une part sur la procédure pour déclarer irrecevable toute requête embarrassante ou contraire à la volonté du pouvoir et d’autre part, sur le fond pour déclarer son incompétence en la matière ou non fondé par rapport aux dispositions légales en vigueur ». Le plus grave, selon l’ancien juge constitutionnel, est la mauvaise pratique de la Cour Constitutionnelle, laquelle consiste à débouter toutes les requêtes d’exception en inconstitutionnalité, au sujet desquelles les citoyens s’adressent à la Cour pour constater soit le mal jugé dont les requérants sont souvent victimes dans les juridictions inférieures pour abus du pouvoir ou pour corruption soit la jonction de la procédure au fond par les juridictions inférieures pour contourner l’obligation déclinatoire (obligation faite à toutes les juridictions inférieures de transférer toutes affaires cessantes, les requêtes ayant pour objet l’atteinte aux droits des citoyens et l’inconstitutionnalité des lois à la Cour Constitutionnelle).

Généralement, dénonce Banyaku, « la Cour Constitutionnelle se rebiffe en se déclarant incompétente devant de nombreuses requêtes d’exception en inconstitutionnalité lui soumises au seul motif qu’elle n’a pas compétence à statuer sur les jugements judiciaires rendus par les juridictions inférieures. Sa compétence ne couvre que la constitutionnalité des lois et des actes réglementaires ».

Se basant sur l’expérience malheureuse de la défunte Cour Suprême de justice sur différents contentieux électoraux passés, l’homme scientifique et politique qu’est le professeur Banyaku se pose la question, celle de savoir si la composition actuelle de la Cour Constitutionnelle est à la mesure de concilier la crédibilité par sa probité et la légitimité par la rencontre des attentes de la population et de la société au-delà des exigences de pouvoir et d’autres pôles de puissance publique ! Non sans raison que le professeur se pose cette question, car dit-il plus loin, que la position de la validation des candidatures à l’élection présidentielle est entachée d’une faute initiale commise par la CENI. « La CENI n’a pas compétence de qualifier les infractions comme elle en a fait pour la double nationalité et l’assimilation de l’infraction de subornation à celle de la corruption sans fondement d’un jugement des juridictions compétentes. En ce qui concerne la nationalité, la liste de candidats binationaux n’a pas fait l’objet du contradictoire et donc semble relever soit d’un excès du pouvoir de la CENI, soit d’un abus du pouvoir du Ministre de la Justice ».

Au cas où la CENI voulait procéder par analogie dit Banyaku, elle aurait pu demander l’avis autorisé de la Cour de Cassation sur la qualification et l’assimilation de deux infractions sur base de la loi du 31 mars 2015, sur l’harmonisation de dispositions de la CPI et celles du code pénal congolais. D’après Banyaku, la Cour Constitutionnelle devait se déclarer incompétente et renvoyer ces questions d’interprétation à la Cour de cassation. « La Cour constitutionnelle ne fait pas l’interprétation des lois, la Cour constitutionnelle fait l’interprétation des dispositions constitutionnelles. Mais elle y voit alors l’inconstitutionnalité des lois. C’est deux choses », déclare le professeur politologue.

Cet ouvrage de Banyaku est préfacé par le professeur Félix Vunduawe, aussi ancien juge de la Cour constitutionnelle, actuellement premier président du Conseil d’Etat. La postface est du professeur constitutionnaliste Jacques Ndjoli. Intéressant ouvrage !

Nzakomba

  • Bendélé Ekweya té

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