Lundi 09 avril, alors que la nation toute entière avait les yeux tournés vers la Cour constitutionnelle où devait intervenir le tirage au sort pour le remplacement de trois juges tel que prévu à l’article 158, alinéa 4 de la Constitution, les professeurs Esambo et Banyaku ont séance tenante jeté l’éponge. Bien que ces démissions soient tardives et apparemment sans impact, scooprdc.net s’est aussitôt après leur annonce, introduit dans les couloirs de cette haute juridiction pour savoir qu’est-ce qui se cachent réellement derrière elles. Bref, quelles en sont les vraies motivations. Un exercice pas facile pendant deux jours pour délier les langues des membres de cabinet et autres administratifs. Après recoupement des toutes les informations obtenues, il sied de noter qu’il y a des causes lointaines et proches dans ce qui convient d’être appelé « profond malaise à la Cour constitutionnelle ».
Certes, profond malaise entre le camp des professeurs, défenseurs de la science et celui des magistrats acquis à la cause du pouvoir en place. Ce qui fait qu’il y a eu toujours divergence entre eux au sujet des arrêts pris par cette Cour dont la plupart ont été décriés et ont terni l’image de la justice. On accuse le président Benoît Lwamba, magistrat déjà à la retraite qui se retrouve à cette Cour dans le quota de la Présidence de la république, d’avoir affiché pendant les trois années de l’existence de cette juridiction, un comportement caporaliste. Il est même arrivé dans un échange malsain avec l’un de ce collègue et que ce dernier lui aurait lâché : « nous avons de commun vous et moi que l’ordonnance du chef de l’Etat qui nous a nommé. A part ça, ni socialement, ni scientifiquement, nous ne pouvons être ensemble. Et d’ailleurs, tout étudiant même le moins doué qui a suivi mes enseignements ne fut-ce que pendant une heure, ne peut pas raisonner comme vous ».
Ce qui est vrai, le président de la Cour Constitutionnelle n’est pas l’homme pur du Droit. Il n’en a pas suivi le cursus normal. C’est un ancien de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Le pays se retrouvant à l’époque en déficit de juristes, les lauréats de sa promotion avaient été rappelés pour ce qu’on appelait la quatrième juridique, qui comprenait une seule année de formation de Droit. Au début de la deuxième république, ces juges provenant de l’ENA ne pouvaient aller au-delà de la Cour d’Appel. L’une de nos sources à la Cour Constitutionnelle fait remarquer à scooprdc.net que lorsque le vrai débat de Droit se tient, Benoît Lwamba a été toujours silencieux. Son bras droit feu magistrat Kalonda et son directeur de cabinet qui l’aident généralement à rédiger les décisions judiciaires est malheureusement un avocat radié du Barreau. Facilement, l’on comprend qu’à la Cour Constitutionnelle cohabitent deux écoles diamétralement opposées : les vrais juristes incarnant la doctrine et les néophytes mais détenteurs du pouvoir.
La rédaction de scooprdc.net est tombée sur le communiqué du Président Benoît Lwamba convoquant pour le 09 avril, la séance pour le tirage au sort de trois juges qui devaient quitter la cour (Ndlr : celle-ci qui a « glissé » devrait en principe se tenir depuis le 07 mars dernier). Curieusement, cette audience du 09 avril était à hui clos, contrairement à la loi et à son propre communiqué. Une fois commencée, le président Lwamba annonce à ses collègues qu’il a déjà tout prévu et que le tirage au sort ne concernera que les juges issus de deux composantes c’est-à-dire le Parlement et la Magistrature du fait que le juge Kalonda de la composante Présidence de la République venait de mourir la veille (Ndlr : là, c’est encore une histoire d’une mort bizarre. Ce juge qui se faisait soigner en Afrique du sud aurait été retiré de son lit d’hôpital malgré l’opposition de son médecin pour raison, a-t-on appris, d’intérêt d’Etat. Ramené à Kinshasa, il a rechuté un jour après Conduit à la Clinique Ngaliema, il a rendu l’âme).
Alors que les autres juges proposaient qu’en l’absence des textes régissant les modalités dudit tirage, que la plénière statue et produise de prime à bord le document de référence, et que le tirage arrive après. Devant le refus catégorique du juge Président, ce dernier aurait même brandit la démission du juge Kalonda qui venait de décéder la veille de cette plénière (Ndlr : c’est la signature forcée de cette lettre de démission sur son lit à la Clinique Ngaliema qui aurait précipité la mort du juge Kalonda. Sachant que ce dernier ne s’en sortirait pas de sa maladie, s’il mourait avant la plénière du tirage au sort, ça résoudrait automatiquement l’équation. Mais s’il résistait encore jusqu’au jour du tirage au sort, il fallait d’avance l’obliger de signer sa démission. D’après les informations obtenues à la Cour, c’est le président Lwamba lui-même qui lui aurait apporté à l’hôpital cette lettre de démission déjà écrite pour apposition de signature. Entre les deux anciens juges de la Cour Suprême de la Justice, il y aurait eu une vive discussion. Et Kalonda de soupirer : « avec tout ce que j’ai rendu comme services à ce régime, c’est sa façon de me remercier ? ». A Lwamba de le garantir : « nous assurerons la survie de votre famille après votre décès »).
Un agent à la Cour constitutionnelle qui a requit l’anonymat relate ceci à scooprdc.net : « savez-vous que le juge Kalonda qui est décédé est celui-là même, qui avait aidé le régime lors du contentieux électoral de 2006 entre Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila, à l’époque à la cour suprême ? Pour son caractère « kamikaze » il était le bras droit du Président Lwamba depuis la Cour suprême. Et de poursuivre : « d’ailleurs tous les dossiers juteux de la cour passaient uniquement chez lui par l’entremise du juge Président ».
En réalité, le remplacement de ces trois juges devait intervenir depuis le 07 mars selon le règlement intérieur de la Cour, et que le 09 avril ne devait s’en suivre que la remise et reprise. Craignant pour son poste de président, car après tirage au sort, l’élection du nouveau président devrait suivre, et en l’absence de deux juges de son obédience pour raison de santé, le juge Lwamba a préféré violer le règlement de la Cour. « J’ai déjà tout organisé pour les deux tirages », annonce-t-il à ses collègues. Esambo et Banyaku en l’absence de Vunduawe lui font voir que la mort de Kalonda ne peut nullement empêcher le tirage dans sa composante et qu’étant lui-même (Lwamba) concerné par ce tirage, il ne peut être juge et partie. En d’autres termes, il devra laisser l’organisation du tirage au sort à une structure neutre. Refus catégorique du président de la Cour constitutionnelle dans son comportement caporaliste.
Avec ses déclarations du genre « on n’a pas du temps, le président de la République attend vite ce tirage » et devant son intransigeance, les deux professeurs démissionnaires ayant compris les enjeux et les dangers qu’ils couraient pour leur vie, car les menaces n’étaient plus voilées, a confié à scooprdc.net un autre agent de cette Cour, les deux juges ont décidé de jeter l’éponge pour qu’il n’y ait pas aussi tirage dans leurs composantes et que l’on reste dans la vraie logique du président Lwamba : pas de tirage dans la composante Présidence de la république parce qu’un de ses juges est décédé, pas non plus de tirage dans les composantes Parlement et Magistrature parce que leurs juges ont démissionné.
Pourquoi le Président Lwamba se bat-il comme un diable dans un bénitier ?
Dans ses missions, la Cour Constitutionnelle selon l’article 161, alinéa 3, juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum. On accuse le président Lwamba et ceux qui l’ont mandaté à la Cour de vouloir à tout prix avoir au moins six juges malléables et très favorables à leur cause. De sorte que lorsqu’il subviendra des contentieux électoraux, que les candidats de l’actuelle Majorité Présidentielle soient favoris et gagnent les procès. Voilà ce que l’on veut faire de la plus haute juridiction de la RDC : une justice véritablement au garde-à-vous.
Nzakomba