Entre le 30 janvier et le 5 février 2018, le ministre de PT-NTIC a signé trois arrêtés. Le premier porte désignation d’un opérateur public chargé de l’installation et de l’exploitation d’un système de contrôle des flux téléphoniques des réseaux des opérateurs des télécommunications en RDC attribuant à une entreprise privée dénommée « African General Investistment Limited (AGI). Le second attribue une licence de 20 ans renouvelable pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau public à fibre optique en RDC à une entreprise dénommée Liquid Telecom DRC Sarl. Enfin le troisième porte création du point d’échange Internet national de la RDC.
Ces trois arrêtés d’Emery Okundji sont loin d’être applaudis par l’Intersyndicale de la Société Congolaise des Postes et Télécommunications (SCPT, ex-OCPT) qui l’accuse de dépouiller l’exploitant public des télécommunications(SCPT), de ses droits exclusifs et spéciaux pour la fourniture des services publics de télécommunications. Dans une correspondance lui adressée le 26 mars dont l’objet est l’annulation des arrêtés, l’Intersyndicale de la SCPT, dans un style et langage peu courtois, classifie le ministre de PT-NTIC parmi les ennemis de la République décidés à liquider sournoisement la SCPT. « ll va sans dire que le complot ourdi par les prédateurs éhontés sous votre bénédiction pour favoriser le coulage des recettes publiques est vraiment mis en marche par le politique congolais que vous êtes dès lors que l’on connaît la pratique de différents opérateurs économiques qui changent régulièrement des noms pour échapper au fisc congolais. Ce fut déjà le cas avec AGELIS Télécoms dont l’expérience tentée par le ministre Kin-Kiey Mulumba avait complètement échoué », mentionnent les syndicalistes dans leur correspondance.
En attribuant à AGI et Liquid Telecom les prérogatives de la SCPT, le banc syndical de cette entreprise va plus loin en accusant Emery Okundji pour ses intérêts mesquins de saborder les efforts déployés par le président de la république et ceux du gouvernement qui ont investi plus de 500 millions USD pour doter la SCPT des matériels ultra modernes et de la fibre optique qui part de Moanda à Kasumbalesa, soit une distance de 4.200Km. « Cet acte vise simplement à transformer ces équipements qui ont coûté cher à la République en éléphants blancs pour des intérêts mesquins. Il s’agit d’un acte d’une haute trahison contre la république », écrivent les syndicalistes de la SCPT avant de rappeler que ces équipements relèvent d’un financement obtenu sur emprunt auprès de la Banque chinoise Exim Bank sur garantie du gouvernement congolais. « Ce financement doit être remboursé par les résultats de l’exploitation de tous les produits que vous venez de confier aux privés ».
Mais dans le camp d’Emery Okundji, on estime que les syndicalistes de la SCPT n’ont pas la lecture correcte des arrêtés du ministre qui sont d’ailleurs au nombre de quatre et non trois. S’agissant par exemple de Liquid Telecom DRC, le directeur de cabinet adjoint d’Emery Okundji regrette que les syndicalistes ne se soient arrêtés qu’à la lecture de l’arrêté alors qu’il y a un cahier des charges préparé et transmis au ministre par l’Autorité de Régulation de la Poste et de Télécommunications du Congo (ARPTC) qui explique clairement les attributions et le champ d’exploitation de Liquid Telecom conformément à la loi sur les télécoms.
John Aluku précise formellement que la SCPT n’est pas dérangée dans ses attributions. Elle reste le seul opérateur à avoir le back board national. Liquid Telecom va tout simplement jouer le rôle de super dealer (un grossiste), d’un intermédiaire entre la SCPT et les opérateurs. Liquid Telecom se connectera sur la fibre optique de la SCPT avec qui un contrat d’achat de capacités sera signé. Ce qui apportera des capitaux frais à la SCPT. Au fait, ce qui est accordé à Liquid Telecom, explique John Aluku, c’est de faire des rings métropolitains. Mais là où l’exploitant public fait défaut comme à Goma, Liquid Telecom sortira par ses propres moyens à la condition que cette passerelle revienne à l’Etat.
S’agissant du point d’échange Internet national, il est la conséquence d’un arrêté que les syndicalistes n’ont pas évoqué, celui portant mise en place d’un mécanisme de contrôle des flux téléphoniques internes des réseaux de télécommunications en RDC. John Aluku explique que ces deux arrêtés sont une mesure de garde-fou pour permettre aux régies financières de contrôler efficacement les flux de trafic local et renflouer ainsi les caisses de l’Etat. Au lieu que le système fiscal soit tout simplement déclaratif, qu’un dispositif de vérification automatique soit mis en place pour éviter la minoration du flux téléphonique tant décriée.
Dans les couloirs du Ministère de PT-NTIC, on insinue la manipulation des syndicalistes par certains cadres de la SCPT dont les intérêts personnels et égoïstes sont compromis par la démarche du ministre Okundji de juguler les réseaux maffieux qui ont fait de cette entreprise une plate-bande personnelle à choux gras. Parmi eux, on retrouve les spoliateurs du patrimoine de la SCPT (maisons, sites…), des Sim boxer et des vendeurs frauduleux de la capacité de la fibre optique de la SCPT. Ces cadres, dit-on, veulent maintenir la SCPT dans un état de canard boiteux pour en profiter individuellement. Le récent rapport de la Commission interministériel chargée d’enquêter sur le patrimoine immobilier de l’ex-OCPT est accablant. Beaucoup de cadres impliqués encourent des sanctions sévères et graves, voire l’emprisonnement. D’où leur agitation et l’instrumentalisation du banc syndical, estime-t-on au Ministère de PT-NTIC, en vue de diaboliser le ministre Okundji.
Agnelo Agnade.