Compatissant pour les morts de Kakenge dans la chefferie des Bakuba, territoire de Mweka dans la province du Kasaï, Evariste Boshab l’était. « Ça se passe chez moi. Ce sont mes frères qui meurent. Savez-vous que l’enseignant décapité c’est le mari à la fille de ma sœur », a-t-il dit et répété aux journalistes sur un ton énervant. Et sur son visage, on pouvait lire le sentiment de pleurer. Visiblement, il a fourni beaucoup d’efforts pour ne pas couler les larmes publiquement. Mais très évasif aux questions des journalistes, Evariste Boshab l’était aussi.
En effet, c’est dans la salle de conférences de l’Invest Hôtel pleine à craquer que s’est tenue, mardi 06 février, la conférence de presse à la congolaise de l’ancien vice-premier ministre de l’intérieur, où les militants et cadres du parti, sympathisants, membres de la tribu et fanatiques étaient plus nombreux que les journalistes, premiers concernés de cette communication. Pendant treize minutes, Evariste Boshab a donné la chronologie des faits ayant conduit aux violences avec mort d’hommes à Kakenge. A l’entendre, rien ne peut justifier cette violence si ce n’est qu’un vent diabolique qui a soufflé et souffle encore sur l’espace kasaïen. Pour expliquer ce qui s’est passé exactement à Kakenge, Evariste Boshab parle d’un double conflit à la base de l’escalade de la violence. Il évoque comme premier conflit, celui foncier entre le chef Kalamba du groupement Tshiofa et un certain Papy. Le deuxième conflit selon Boshab est coutumier. Il oppose le même chef Kalamba au chef Buloba que Kalamba considère comme son vassal. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’administration publique avait tranché en défaveur de Kalamba. Voilà qui a créé la frustration dans le chef de ce dernier jusqu’à se victimiser et créer la tension, en coalisant avec les miliciens Kamuina Nsapu ayant trouvé refuge dans la contrée. Tirant ses quatre conclusions après son récit, Evariste Boshab affirme qu’il n’y a pas un quelconque conflit tribal ou ethnique qui opposerait une communauté contre une autre dans le territoire de Mweka. Il qualifie l’action de ceux qui l’indexent de chants de sirène qui veulent obnubiler la vérité.
Jeu des questions-réponses
Journaliste 1 : la présence des miliciens Kamuina Nsapu à Kakenge, est-ce un échec du Forum sur la paix et la réconciliation dans l’espace Grand Kasaï ?
Evariste Boshab : l’évaluation en avait été faite par l’initiateur de ce forum, le chef de l’Etat lui-même. Il a dit s’agissant du Kasaï que pour la paix nous étions à 99%. Alors ceci signifie que lui-même était conscient qu’il y a quelques poches de résistance quelque part. Ne me demandez pas moi de pouvoir faire une autre évaluation alors que celui qui avait convoqué ce forum en a fait l’évaluation il n’y a pas longtemps. Il n’y a échec, j’ai répondu.
Journaliste 2 : chaque fois qu’il y a conflit au Kasaï, votre nom est cité. De quoi s’agit-il ?
E.B : Moi je vous ai donné les faits tels qu’ils se sont déroulés. Je ne sais pas si dans ces faits vous avez retrouvé mon nom ! Ou si vous préférez suivre les chants de sirène puisque ces chants-là sont séducteurs, mais vous savez où ils vous amènent. C’est un naufrage ! Ceux qui citent mon nom, je préfère qu’ils viennent le citer devant la justice.
Journaliste 3 : vous êtes accusé de conflit d’intérêts dans tout ce qui se passe au Kasaï !
E.B : conflit d’intérêt signifierait que moi je suis juge et partie. Juge de qui ? Partie de qui ? (énervement) il s’agit ici parce que je ne veux pas montrer mes larmes, si vous ne le savez pas Kakenge c’est chez moi, c’est mon secteur, c’est chez moi monsieur. Comment je peux être juge et partie ? Et moi je peux vouloir que les miens puissent mourir ! Monsieur, l’enseignant qu’on a décapité c’est un beau-fils à moi monsieur, il est marié à la fille de ma sœur, c’est chez moi. De quoi parlez-vous monsieur ? Je suis choqué, même scandalisé. Excusez-moi, mais je reste humain ! Tous ces drames se déroulent chez moi ! Moi j’ai ma conscience tranquille, il n’y a aucun conflit d’intérêt ici. A moins que vous ayez une autre notion de conflit d’intérêt.
Journaliste 4 : l’AT de Mweka, Pembe Longo, dont on dit qu’il est l’un des lieutenants de Boshab, est accusé d’être parmi les auteurs des troubles, mais il bénéficierait de votre protection ?
E.B : je mets quiconque au défi d’établir la relation de parenté qui aurait entre cet AT et moi. Il a son village, j’ai le mien. Est-il interdit parce qu’il travaille qu’il soit AT ? Dans tous les cas, moi je ne signe pas les ordonnances. Je souhaite que vous puissiez poser la question au président de la République pourquoi il l’a nommé. Mais Evariste Boshab, je vais signer une ordonnance en quelle qualité ?
Journaliste 5 : est-ce que Boshab et Mbengele ne peuvent pas faire la paix, parce c’est eux le problème à Mweka ?
E.B. : faire la paix ! Ecoutez, moi je n’ai aucun problème avec un quelconque individu de Mweka. Autrement, vous n’avez qu’à voir j’ai été élu avec combien de voix ! J’ai été le deuxième élu de cette république après Olongo. Et si j’avais des conflits avec mes frères et mes sœurs, ils ne m’auraient pas élu. C’est ça ma réponse.
Le sénateur Mbweshi et les députés Lievin et Mbulu, tous indexés comme instigateurs de tueries de Kakenge et présents à cette conférence de presse aux côtés d’Evariste Boshab, n’ont pas répondu aux préoccupations des journalistes, notamment celles de savoir quel discours ont-ils tenu à Kakenge pendant leur séjour parlementaire. Mais aussi l’explication de leur geste envers le chef Kalamba, aujourd’hui rebelle, à qui ils avaient remis un drapeau du PPRD et une enveloppe d’argent.
Agnelo Agnade