Dans son article de jeudi dernier intitulé « RDC-Politique : pressé comme un citron, Katebe Katoto devient inutile », scooprdc.net a fait mention d’une assignation à témoin que la Cour Militaire de Kinshasa-Gombe a adressée à Raphael Katebe Katoto. Il s’agissait d’une comparution à témoin à décharge dans l’affaire qui oppose le ministère public aux prévenus Moïse Chokwe et Faustin Sotala. Ces derniers sont poursuivis pour tentative d’utilisation abusive d’armements de forces armées et pour participation à un mouvement insurrectionnel. Mais comme on s’y attendait, le richissime katangais ne s’est pas présenté, étant absent du pays. A la place, c’est son avocat, Me Jean-Pierre Kifwabala qui s’est amené devant la Cour pour signifier à celle-ci que son client n’a appris la nouvelle de cette convocation que sur les réseaux sociaux. Il a exigé qu’il soit notifié régulièrement conformément à la loi, promettant que son client viendra répondre sans faute à la convocation.
S’en est suivi un débat pour savoir comment cette convocation, mieux cet exploit selon les termes juridiques, s‘est retrouvée sur les réseaux sociaux. La Cour va finalement apprendre que deux assignations de comparution à témoin ont été adressées à Raphael Katebe et à madame Aimée Kaj. C’est à la Clinique Ngaliema où cette dernière travaille comme microbiologiste au laboratoire que les deux documents ont été déposés par l’huissier, faute d’adresse physique de Raphael Katebe Katoto à Kinshasa. L’adresse de service de madame Aimée Kaj a été conseillée par les avocats de deux prévenus, vu que les trois premières assignations n’atteignaient par le destinataire. Selon les avocats de la défense, Mme Aimée Kaj est la secrétaire générale de l’Union des Libéraux Démocrates (ULD), parti politique de Raphael Katebe Katoto.
A l’audience d’hier vendredi, Mme Aimée Kaj, convoquée aussi comme témoin à décharge, a reconnu avoir réceptionné les deux documents émis par la Cour Militaire pour leur comparution. Seulement, déclare-t-elle à la Cour, n’étant plus secrétaire générale de l’ULD et ne faisant plus partie de ce parti politique, elle a appelé le chauffeur de Raphael Katebe Katoto pour venir récupérer cette convocation. D’après sa narration, le chauffeur lui dira que son patron était absent de Kinshasa et se trouverait à Bruxelles. Néanmoins, mentionne Aimée Kaj, ce chauffeur lui a demandé de lui envoyer ce document par WhatsApp pour qu’il l’envoie à son tour à son patron. C’est ce qu’a fait Mme Kaj avant d’appeler au téléphone Me Ndongo, secrétaire général adjoint de l’ULD pour venir prendre ce document physique. Chose aussi faite. Mais comment cette assignation à témoin s’est retrouvée sur les réseaux sociaux ? La Cour a déduit de sa façon étant donné que ce document est passé par plusieurs mains. Elle a finalement conclu que c’est l’imprudence du greffe qui ne l’a pas déposé à une bonne adresse.
Invité à la barre pour expliquer à la Cour pourquoi et dans quelles circonstances il se retrouve devant la justice, le prévenu Faustin Sotala fait cette narration : « je suis agent vérificateur polyvalent d’impôts à la DGI. Moïse Chokwe à côté de moi, est un ami d’enfance que j’ai connu en 1969 et avec qui j’ai fréquenté à l’internat au Katanga. Chaque fois qu’il vient ici à Kinshasa, je suis avec lui et c’est moi son chauffeur jusqu’à retour à Lubumbashi. Comprenez, monsieur le premier président de la Cour que nous sommes plus que frères.
Le 15 décembre 2016, Moïse Chokwe débarque à Kinshasa. Je vais le chercher à l’aéroport et le dépose à son hôtel habituel, près de la prison militaire de Ndolo. Le 16 janvier, je me rends à son hôtel le prendre pour une course au ministère des affaires étrangères où il avait à faire. Chemin faisant, il reçoit un coup de fil. Après causerie, il me dit que c’est Raphael Katebe Katoto dont il est avocat depuis longtemps qui l’a appelé. Ce dernier demanderait à Chokwe s’il avait huit cents dollars avec lui pour les remettre à quelqu’un. Chokwe lui a répondu qu’il n’avait que cent dollars. Katebe Katoto lui a donné l’adresse de la personne à remettre cet argent. Comme Tchokwe ne connaît pas assez Kinshasa, je l’ai aidé à retrouver ladite adresse à Lingwala et la personne en question à qui nous avons remis ces cent dollars sans lui demander qui il était.
Pendant que nous nous partagions un verre à son hôtel, le téléphone de Tchokwe sonne à nouveau. C’est toujours le vieux Raphael Katebe, me dit-il. Après leur causerie, Chokwe me dit que le vieux lui a demandé d’aller retirer une somme d’argent auprès de la secrétaire de l’ULD, son parti. Celle-ci travaille à la Clinique Ngaliema. Je démarre ma voiture et emprunte l’avenue du Flambeau pour déboucher sur le Boulevard du 30 Juin. Nous voici à la Clinique Ngaliema. Là, nous trouvons Mme Aimée Kaj. Lorsqu’elle nous amène à sa jeep pour servir, en ouvrant la portière, elle s’écrie : le président [Katebe Katoto, Ndlr] est emmerdant lorsqu’il vous demande un service. Il m’a tellement téléphoné qu’il m’a fatiguée. Elle remet deux mille dollars américains à Chokwe. Ce dernier rappelle Katebe Katoto pour lui dire qu’il a réceptionné l’argent.
Le vieux me demande de retourner là où nous avons été pour ajouter les sept cents dollars restants à ce monsieur-là et garder le reste de l’argent, me dit mon ami Chokwe. Chose que nous avons faite sans que je sache à qui nous remettions cet argent. Le soir vers 20h00, après partage d’un verre au niveau du rond-point Huileries, nous devions raccompagner une visiteuse venue voir mon ami. Arrivé au niveau du Palais du peuple, nous avons été stoppés par le feu rouge du robot régulateur. J’ai senti qu’un véhicule nous avez touchés légèrement par derrière. Mais c’est lorsque le feu passe au vert, que le même véhicule nous cogne cette fois-ci fortement. Nous descendons et nous dirigeons vers ce véhicule pour demander au chauffeur ce qui n’allait pas dans sa tête. Après une petite discussion, les occupants de ce véhicule sortent et braquent sur nous des revolvers. Ils nous tiennent au respect et nous obligent de monter dans leur véhicule. Nous nous exécutons.
Le véhicule démarre et emprunte le boulevard Triomphal pour déboucher sur l’avenue du 24 novembre. Jetant un coup d’œil derrière, je constate que mon propre véhicule est en train de nous suivre. Nous entrons au Camp Kokolo. Au lieu de rester là, nous sortons sur l’avenue Prince de Liège t prenons plus loin l’avenue Mondjiba. C’est lorsque nous empruntons l’avenue Komoriko, que je me rends vite compte qu’on nous amenait à la Demiap. Arrivés là, on nous a déchaussés, vidés les poches et mis dans deux locaux différents. C’est après trois jours que je me retrouve devant un OPJ qui me questionne sur mes relations avec Raphael Katebe Katoto. Aucune, lui ai-je répondu. C’est plutôt mon ami qui est son avocat. L’OPJ me signifie que nous avons réceptionné 800USD de Katebe Katoto pour acheter des armes auprès des militaires afin de déstabiliser le pouvoir en attentant sur la vie du président Joseph Kabila.
Comme je ne savais pas contacter mon ami Chokwe, j’ai envoyé un gars qui était avec nous, mais qui avait la latitude de mouvoir, d’aller lui demander si l’argent que nous avions retiré à la Clinique Ngaliema était destiné à l’achat des armes. Sa réponse : Non. Ça ressemble à un montage. Voilà comment je me retrouve devant votre juridiction, monsieur le premier président de la Cour ». Fin de narration.
Dans son intervention, l’avocat de ces deux prévenus, Me Florent Kiwele, a insisté pour attirer l’attention des juges sur l’importance de la présence physique du richissime katangais et sa comparution devant la Cour. « M. Katebe est la pièce maîtresse dans cette affaire », a déclaré Me Florent Kiwele en demandant à la Cour de solliciter la collaboration de son avocat, Me Jean-Pierre Kifwabala, afin de communiquer l’adresse physique où l’exploit pourra être déposé à son client. La prochaine audience est prévue le vendredi 20 février prochain.
Georges Ilunga