Rapport parlementaire sur la gestion du FPI : deux ans déjà, toujours pas de débat. l’Assemblée nationale protègerait-elle des criminels économiques ?

Dans sa plénière du 22 janvier 2015, l’Assemblée nationale avait décidé de la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire devant vérifier les allégations de mauvaise gestion du Fonds de Promotion de l’industrie. Le rapport de cette commission dont faisaient partie quelques figures de proues de la Majorité présidentielle, notamment Patrick Thierry André Kakwata et Vicky Katumwa, avait été déposé le 18 novembre 2015 au bureau du président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku. Mais jusqu’à ce jour, soit deux ans exactement, ce rapport n’a jamais fait l’objet de débat dans l’Hémicycle. Le président de la Chambre basse l’a mis et enfermé dans le tiroir. Pour quelle raison ? Sans doute, celle de protéger les insolvables auprès du FPI dont bon nombre émane de la Majorité présidentielle.

En effet, selon ce rapport de la Commission d’enquête parlementaire, plus de 140 millions de dollars américains du FPI sont détenus par ses débiteurs. La grande majorité de ces derniers, renseigne le rapport, sont des insolvables. Parmi ces insolvables, quelques ministres et députés nationaux, anciens comme actuels, et par-dessus-tout membres de la majorité présidentielle. Véritablement départis de leur appartenance politique, les parlementaires enquêteurs avaient révélé que 70% de projets financés par le FPI entre 2008 et 2014, n’étaient pas réalisés et d’autres en étaient fictifs et que les fonds perçus n’étaient pas remboursés par les promoteurs.

Concernant les projets non réalisés, soit les promoteurs les avaient débutés mais n’avaient pas abouti aux résultats attendus pour certaines difficultés réelles ou supposées. Soit les promoteurs avaient affecté les fonds perçus à autre chose qui n’avait rien à voir avec le projet présenté au FPI. Et ces cas sont légion. Il y a par exemple une dame qui avait perçu près de 3.300.000$ pour implanter une usine de carton d’emballage à Limete depuis aout 2014. Mais lorsque la commission d’enquête parlementaire était descendue à l’adresse communiquée de cette cartonnerie, elle n’avait rien trouvé. Mais le rapport de supervision du FPI avait donné à ce projet un taux d’exécution de 70%.

Un exemple d’un cas de projet fictif : une dame avait bénéficié d’un prêt de 1.002.185$ pour l’implantation d’’une usine de production des articles en plastiques à Ngaliema. Faute d’indication précise de l’adresse de l’usine à Ngaliema, la Commission d’enquête s’était rendue au siège social de la société de cette dame renseigné dans le contrat au quartier Bon Marché. Et là, elle n’avait pas trouvé cette dame mais un hôtel, nouvellement construit et avec le nom de cette dame, comme propriétaire.

Les enquêteurs parlementaires ont dû noter qu’il y avait beaucoup de complaisance de la part du comité de gestion du FPI dans le choix des promoteurs des projets. L’ADG du FPI Constantin Mbengele, indique le rapport, avait privilégié l’octroi des crédits aux politiques et autres amis recommandés qu’aux véritables entrepreneurs.  C’est ainsi que ce rapport cite par exemple Tryphon KinKiey Mulumba, Aimé Ngoy Mukena, Célestin Mbuyu, Joseph Kokonyangi, Norbert Basengezi qui détiennent jusqu’à ce jour des millions de dollars du FPI sans remboursement.

 Les insolvables de la MP protégés par Aubin Minaku

Tenez, Tryphon KinKiey Mulumba. Il a malignement escroqué 450.000$ du FPI. Au nom des Ets Finances Press Group pour l’acquisition d’une imprimerie, il avait obtenu sous contrat n°641 en date du 20 octobre 2009, cette somme d’argent versée dans l’un de ses comptes à la TMB. Mais il nie avoir reçu ces fonds et multiple des manœuvres pour ne pas le rembourser, bien que des preuves des retraits par lui fonds aient été remises à la Commission d’enquête.

Célestin Mbuyu. Avait obtenu du FPI en mars 2013, 931.528$ au nom des Ets CEMKA pour le renforcement des capacités d’une savonnerie à Kamina. A la commission, il a déclaré pour justifier le non remboursement du prêt que les équipements achetés, trainaient encore en Turquie. Belle excuse de l’ancien ministre de l’Intérieur qui misera éternellement sur cet argument mensonger.

Aimé Ngoy Mukena. C’est pour le compte d’APMK SPRL AGRO-PASTORALE KAMENA MUKUTA que l’actuel ministre des hydrocarbures avait reçu en novembre 2009 du FPI 300.000$ pour l’achat d’une chaine de minoterie à Lubumbashi. Mais  avec cet argent, il a construit un immeuble qu’il a mis en location. Mais le comble de tout ça est qu’il ne rembourse pas l’argent emprunté.

Norbert Basengezi. Il est 1er vice-président de la CENI. Il avait au nom des Ets Maison Karibu perçu près de 780.000$ pour l’implantation d’une minoterie à Bukavu. La Commission indique dans son rapport que le projet a été réalisé et son impact socioéconomique est visible. Cependant, il se pose le problème du non-respect des échéances contractuelles de remboursement.

Joseph Kokonyagi. Secrétaire général adjoint de la Majorité présidentielle et actuellement ministre de l’Urbanisme et Habitat, il avait au nom d’une nébuleuse société dénommée Abundance Ecology, perçu en mai 2009 auprès du FPI près de 497.900$ pour l’implantation d’une unité de production d’eau minérale à Kindu. C’était un contrat de 3 ans dont 9 mois de différé. Pince-sans-rire, ce chantre de la MP prétend que l’usine installée en retard à cause des difficultés d’acheminement des matériels, était tombée en panne trois mois après. Il n’a jamais remboursé aucun sou lui prêté.

Voilà qui justifierait tous les slogans lancés à longueur des journées « Kabila désir », « Nanu totondi yo te », « le COJECOP soutient le référendum »… qui émanent de ces membres débiteurs de la MP. Ces derniers ne le font pas certes de gaité de cœur. Ce n’est pas non plus en faveur de Joseph Kabila qu’ils militent, en voulant le prolongement du mandat de ce dernier, mais plutôt pour continuer à  bénéficier de son parapluie d’impunité et en profiter davantage.

FPI : pauvre vache laitière…

Il y a lieu de noter que plus de 260 millions de dollars sont détenus par les débiteurs. C’est enfin la situation qu’hérite le nouveau directeur général de cet établissement public, Patrice Kitebi, à sa prise de fonction en novembre 2016. Le nouveau ministre de l’industrie Marcel Ilunga avait promis, en sa qualité d’ancien député national, de s’investir pour que soit accordé le privilège du trésor  au FPI en vue de lui permettre d’opérer un recouvrement efficace des crédits octroyés. Mais comme les loups ne se mangent pas entre eux,  ni Marcel Ilunga, ni Patrice Kitebi qui avait même recouru à un collectif d’avocats constitué de cinq cabinets et six autres avocats indépendants pour procéder à un recouvrement forcé, n’évoque encore ce dossier. Pourtant, l’argent impayé du FPI, constitue 58,1% de son portefeuille-prêts qui est entre les mains des débiteurs.  Cette situation fait que le FPI ne soit capable de ne financer que 35% de l’ensemble des projets lui soumis.

Owandi

  • Bendélé Ekweya té

À ne pas rater

À la une