Pourrissement de la justice congolaise : graves accusations réciproques entre le ministre Alexis Thambwe Mwamba et les magistrats

Le diagnostic de la justice congolaise fait par le ministre d’Etat de la justice, le 18 octobre dernier, à l’ouverture des travaux du Conseil Supérieur de la Mgistrature, est très fort. Des vérités crues considérées par les magistrats comme outrage à leur endroit alors qu’Alexis Thambwe n’a dit haut et fort que ce que tout congolais pense bas et murmure en RDC. En effet, l’avocat-ministre n’a pas porté des gants ni n’est allé par le dos de la cuillère pour qualifier les magistrats du siège  comme du parquet des corrompus, des hommes à la recherche de 3 V : villa, véhicule et veste.

Malgré les états généraux par lui organisés, fin avril-début mai 2015 dans le but de diagnostiquer l’état de la justice congolaise afin de proposer la thérapeutique idoine qui puisse permettre de bâtir un Etat véritablement de droit où tous les congolais auront le même traitement devant la loi, et nonobstant les apports scientifiques des participants à ces accises, Alexis Thambwe Mwamba constate que l’état de la justice, loin de s’améliorer et d’être au service du peuple et de la nation, demeure jusqu’à ce jour, infectée par plusieurs maux qui gênent son bon fonctionnement et sa meilleure dispensation.

Comparant  les magistrats d’il y a 20, 30 ou 40 ans d’avec ceux de générations récentes, Alexis Thambwe Mwamba dégage un écart scientifique existant entre les deux générations et finit par conclure qu’il y a un épineux problème de formation scolaire, universitaire et professionnelle des magistrats qui accusent des lacunes énormes et éhontées. Il dénonce  également l’affectation des magistrats sans expertise avérée à la tête de certaines juridictions spécialisées comme les tribunaux de commerce, du travail et les tribunaux d’enfants.

Les  maux qui rongent la justice congolaise épinglés par Alexis Thambwe, sont notamment, la lenteur administrative de la justice observée dans les prononcés des jugements qui violent constamment les délais prévus par la loi ; le phénomène de 10% exigés sur des sommes à la partie ayant gagné le procès ; des longues détentions des personnes à la prison sans jugement ; la prise des décisions dictées par des considérations autres que le sens d’objectivité ; l’inversion délibérée du principe constitutionnel en faisant de la détention la règle et la liberté l’exception dans le but de soutirer de l’argent aux inculpés, l’interférence de la hiérarchie dans l’instruction des dossiers confiés au magistrat à qui est dictée une option préconçue et déterminée de laquelle il ne pourra se départir, quelques que soient les évidences scientifiques qui gisent au dossier…

Le ministre d’Etat s’étonne que de nos jours, le ministère public ne sait plus instruire à décharger. Ce qui fait par exemple que sur 5870 détenus  à la prison de Makala à ce jour, moins de 2000 parmi eux sont effectivement condamnés. Ainsi, pour Alexis Thambwe Mwamba, la rationalité, la rhétorique, le caractère artistique jadis observés dans les œuvres des magistrats (jugements, arrêts, réquisitoires, avis), aussi bien dans leurs cabinets et offices qu’aux audiences publiques, vertus qui faisaient d’eux des élites de la société, sont de nos jours, devenus de denrées rares, si pas inexistantes.

Alexis Thambwe n’épargne pas le Conseil Supérieur de la Magistrature qu’il accuse d’entretenir l’impunité généralisée lui ayant perdu toute son autorité et son  aspect intimidant. « Mon cabinet reçoit à longueur des journées des plaintes et dénonciations à charge du personnel judiciaire. Il prend soin de les transmettre aux différents chefs de ressorts en leur qualité d’autorité disciplinaire et présidents des chambres du Conseil Supérieur de la Magistrature. Depuis bientôt deux ans, je ne suis même pas informé de la suite réservée aux différentes plaintes et dénonciations », s’indigne le ministre d’Etat en charge de la justice.

Comme réponse du berger à la bergère, certains magistrats interrogés par scooprdc.net, responsabilisent Alexis Thambwe dans ce pourrissement de la justice. Sa contribution y est grande, déclarent-ils. « La plupart des jugements dénoncés par le ministre sont les dossiers que son cabinet d’avocats a perdus dans différents tribunaux. Il y a donc conflits d’intérêts », confie un magistrat de siège à scooprdc.net. Et d’ajouter que « lui-même le ministre et les avocats de son cabinet exercent souvent la terreur sur les magistrats. Son cabinet n’aime jamais perdre un procès. Le ministre comme ses camarades de la Majorité présidentielle interfèrent constamment dans la procédure judiciaire, impactant ainsi négativement la justice et mettant en mal l’indépendance de la magistrature. Que voudriez-vous qu’un pauvre magistrat fasse devant cette pression de ceux qui détiennent le pouvoir et qui peuvent le jour suivant solliciter sa révocation et le relèvement de sa fonction ? », finit-il par nous interroger en évoquant l’humiliation infligée à la Cour constitutionnelle par les acteurs politiques de la Majorité présidentielle. En effet, cette haute cour a vu ses arrêts dans les affaires Kazembe et Lomboto bafoués pour la simple raison que certains de ses juges avaient refusé de cautionner les irrégularités d’une requête de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en rapport avec le processus électoral.

Un autre magistrat qui dénonce la politisation à outrance de la justice congolaise, mettant celle-ci au garde-à-vous, rappelle à Alexis Thambwe Mwamba son rôle néfaste joué dans le dossier « Moise Katumbi – Alexandros Stoupis » pour lequel il aurait même fait un déplacement vers Lubumbashi pour intimider les magistrats. S’agissant de l’affectation des magistrats sans expertise avérée à la tête de certaines juridictions spécialisées dénoncée par Alexis Thambwe, notre magistrat déplore la caporalisation de la magistrature par monsieur Néhémie Mwilanya, directeur de cabinet du chef de l’Etat. Ce magistrat révèle que le patron de l’administration de Joseph Kabila a placé dans la majorité des  grandes juridictions du pays, ses collègues de promotion dénommée « Tshungu Tshungu ». C’était, selon les révélations faites à scooprdc.net, une promotion des étudiants moins brillants et buissonniers.

Les tribunaux de commerce épinglés par Alexis Thambwe Mwamba comme confiés à des mains inexpertes, sont dirigés à Kinshasa/Gombe et Lubumbashi par les Tshungu Tshungu qui étaient d’ailleurs ses voisins de chambre. Ces Tshungu Tshungu et autres connaissances de Néhémie Mwilanya dirigent le Tripaix de Ngaliema, le Parquet près les TGI de Gombe et Kalamu, la Cour d’appel et le TGI de Matete, le Tripaix et le parquet près le Tripaix de Matete. Le TGI/Lubumbashi est aussi sous la conduite d’un tshungu tshungu. Même la fameuse juge Chantal Ramazani dans l’affaire Moise Katumbi-Alexandros Stoupis qui dirigeait le Tripaix de Lubumbashi/Kamalondo était son acolyte.

Comme le cabinet d’avocats d’Alexis Thambwe, celui de Néhémie aussi n’aime jamais perdre un procès. Comment peut-on avec des magistrats intimidés ou sous ordre des hommes politiques au pouvoir, vouloir avoir une dispensation de justice équitable ?, s’interroge l’interlocuteur de scooprdc.net qui aurait souhaité que le mode de désignation des magistrats et leur indépendance soient du modèle américain où les hommes de la loi sont rémunérèrent bien traités, ne sont pas sous la coupe de l’Exécutif et sont capables de casser même la décision du président de la République si elle est mal prise.

Owandi.

  • Bendélé Ekweya té

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