Quatre mois et dix-sept jours après son investiture, le premier ministre Bruno Tshibala a fait, mardi 03 octobre, une sortie médiatique de grande envergure. Saint Brutshi, comme l’appellent les flatteurs de son cabinet mais qui sont en réalité des taupes et des Judas Iscariote, a annoncé sa détermination de mener la guerre, selon ses termes, à l’empereur dollar qui a pris en otage l’économie congolaise pour le ramener au taux de 1.000FC voire en deçà. Un autre défi que le PM voudrait relever c’est l’application des 28 mesures d’urgence pour la stabilisation et la relance de l’économie congolaise, arrêtées depuis janvier 2016 par le gouvernement Matata Ponyo.
Loin de qualifier la volonté du Bruno Tshibala de chapelet de bonnes intentions, du fait que l’impossible n’est pas éternellement figé, mais beaucoup de ceux qui ont suivi son speech, ne lui accordent pas assez de chance de réussite. La tâche ne lui sera pas facile. Non sans raison, à sa prise de pouvoir, le taux de dollar était à 1.400FC. Il a galopé avec lui jusqu’à atteindre 1.700FC. Bien que les efforts aient été consentis pour le ramener à 1.500FC, l’empereur a résisté pour remonter à 1.550FC. Par quelle magie, avec une économie tributaire d’importations et dollarisée à outrance, le premier ministre va-t-il mener cette guerre contre l’empereur ? Il lui faudrait combien de temps pour réaliser son beau rêve ?
Bien avant lui, le gouvernement Matata a mené sans succès la campagne de dédollarisation de l’économie congolaise. Les premiers à saper cette campagne, les membres de son gouvernement qui, dans les supers marchés et dans d’autres transactions, ne sortaient de leurs vestes que les billets verts. Ainsi, pour voir son rêve se réaliser, le premier ministre Bruno Tshibala, devrait, bien que difficile, mener la lutte de dédollarisation de l’économie comme l’on observe dans certains pays voisins comme le Rwanda et l’Ouganda où toutes les transactions commerciales se font obligatoirement en monnaie locale.
S’agissant des 28 mesures d’urgence, bientôt elles vont totaliser deux ans. Les objectifs poursuivis par le Gouvernement dans la mise en œuvre de ces mesures d’urgence étaient d’accroître les recettes publiques et la résilience de l’économie nationale, premièrement par l’installation de la transparence, de l’équité et de la diversification horizontale et verticale dans le partenariat avec les sociétés minières. Deuxièmement par l’éradication des tracasseries, de la fuite des capitaux et de la dilapidation des ressources du Trésor. Troisièmement par la rationalisation de la gestion du portefeuille de l’Etat. Quatrièmement par l’attirance des capitaux en République Démocratique du Congo grâce à la normalisation des rapports d’investissement dans un climat des affaires serein. Cinquièmement par la promotion et l’encouragement du Partenariat Public – Privé pour impliquer le secteur privé dans l’activité du Gouvernement. Sixièmement par l’amélioration des infrastructures pour la circulation des hommes et des richesses et la promotion de l’électrification rurale pour un développement harmonieux et équilibré de l’ensemble du territoire national. Septièmement par la résorption du chômage, particulièrement celui des jeunes. Et huitièmement par la relance du secteur du tourisme.
Mais son prédécesseur Augustin Matata Ponyo, pourtant initiateur de ces mesures, a peiné de les mettre en vigueur. Visiblement, elles paraissent simples. Mais dans l’application, elles impliquent plusieurs acteurs et services, et du coup leur champ devient vaste et complexe, rendant ainsi moins efficace le résultat attendu. Si l’on prend par exemple la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), elle n’a jamais été évaluée et les opérateurs économiques ne cessent de revendiquer le remboursement estimé à plus de 5 millions de dollars.
La mesure 15 qui parle de la création des banques spécialisées, notamment la banque agricole, la banque du crédit immobilier, la banque de développement des PME/PMI, du Fonds National d’Investissements, la transformation du Fonds de Promotion de I‘Industrie (FPI) en banque d’investissements industriels et la recapitalisation de la CADECO et de la SOFIDE, n’est pas réalisable pour l’instant.
La fraude par Sim box et d’autres maffias par exemple, sont entretenues par certains dignitaires intouchables du régime, plus puissants que le premier ministre. Comment va-t-il s’en sortir ?
Ci-dessous, les 28 mesures d’urgence adoptées à la 8ème réunion extraordinaire du Conseil des Ministres, le 26 janvier 2016 :
1) La lutte sans concession contre la fraude fiscale, douanière, dans les secteurs économique, des télécommunications et des transports par la constitution d’équipes mixtes à cette fin, l’évaluation et l’audit des contrats d’amodiation et de partenariat conclu avec les sociétés minières de l’Etat, plus de rigueur dans l’octroi des exonérations, la réduction des taxes à l’exportation de certains produits, l’encadrement des principaux centres d’ordonnancement du pays, le contrôle accrue dans le secteur des transports, la stricte application de la limitation du nombre des services opérant aux frontières, le marquage moléculaire du carburant, le renforcement du contrôle des Sim box et l’autorisation donnée à l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo (ARPTC) de signer des contrats de partenariat avec des sociétés spécialisées ;
2) L’évaluation de la réforme instituant la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) ainsi que les mécanismes d’amélioration de la collecte de ladite taxe et la diversification des taux en réduisant par exemple le taux prélevé sur certains produits de première nécessité comme les biens alimentaires.
3) La diversification de la production minière en s’appuyant sur les minerais polymétalliques de l’Est, l’or et les terres rares ;
4) Le contrôle de la qualité et de la hauteur des investissements dans le secteur minier ;
5) La maximisation des ressources internes et externes par la mobilisation de l’épargne intérieure privée, le déploiement du guichet unique, l’émission des obligations du Trésor sur le marché financier international, la numérisation du cadastre et la sécurisation des titres fonciers, la mercuriale foncière et l’amélioration de la collecte de l’impôt foncier et l’accélération de la migration vers la télévision numérique terrestre (TNT) en vue de libérer les fréquences devant servir à l’implémentation de la 4G ;
6) Le renforcement des sanctions positives et négatives à l’égard des agents du fisc et des opérateurs économiques par la libération des montants dus au titre de la rétrocession aux services générateurs des recettes, la répression des agents impliqués dans la fraude et la corruption, la déclaration de patrimoine des mandataires des régies financières avant et après leur mandat ;
7) Le recouvrement effectif de l’Impôt Professionnel sur Rémunérations (IPR) à charge de tous les membres des institutions publiques nationales et provinciales et sur les rémunérations du personnel des entreprises et établissements publics ;
8) Le renforcement des contrôles aux frontières afin de limiter l’exportation illégale des billets de banque et des matières précieuses ;
9) Le renforcement et l’encadrement de la fiscalité et de la parafiscalité forestière ;
10) La réduction du train de vie des institutions publiques ainsi que l’encadrement et la rationalisation des dépenses publiques par une action d’harmonisation des salaires et émoluments au sein desdites institutions, le contrôle de la paie des fonctionnaires et des frais de fonctionnement et le strict respect de la loi relative à la procédure de passation des marchés publics pour les dépenses liées aux élections, le respect de la chaine des dépenses ;
11) La relance des travaux d’infrastructures et équipements notamment ceux de l’électrification et de desserte en eau potable dans les chefs lieux de nouvelles provinces par les énergies renouvelables ;
12) Le relèvement du niveau des dépenses d’investissement et de leur taux d’exécution ;
13) L’encadrement et l’appui financier et technique aux Petites et Moyennes Entreprises/Petites et Moyennes Industries ((PME/PMI) ;
14) L’évaluation et la poursuite de la réforme des entreprises du Portefeuille ;
15) La création des banques spécialisées, notamment la banque agricole, la banque du crédit immobilier, la banque de développement des PME/PMI, du Fonds National d’Investissements, la transformation du Fonds de Promotion de I ’Industrie (FPI) en banque d’investissements industriels et la recapitalisation de la CADECO et de la SOFIDE ;
16) L’assouplissement des conditions d’émission des garanties souveraines de l’Etat notamment pour l’octroi d’une telle garantie aux projets porteurs par le Ministre des Finances ;
17) La création de trois zones économiques spéciales et l’essaimage des parcs agro-industriels dans les provinces, l’encadrement des paysans ainsi que la diversification et l’intensification de la production agricole ;
18) La mise en place rapide de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) ;
19) La poursuite des réunions du Cadre Permanent de Concertation Economique (CPCE) pour l’amélioration du climat des affaires dans notre pays ;
20) La redynamisation de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et son déploiement dans toutes les provinces pour faire respecter rigoureusement les procédures de passation des marchés publics ;
21) La poursuite de l’installation des compteurs à prépaiement par la SNEL pour le recouvrement des factures de consommation d’énergie électrique ;
22) L’organisation sans délai d’une concertation avec la SNEL et la REGIDESO pour la mise en œuvre d’un programme d’électrification et de desserte en eau potable dans les zones rurales ;
23) La relance des activités touristiques notamment par la réaffectation du Fonds de Promotion du Tourisme à sa vocation et la sécurisation des sites touristiques ;
24) La mise sur pied d’un train de mesures incitatives en faveur du secteur privé en synergie avec la Fédération des Entreprises du Congo et les autres organisations similaires ;
25) Le financement des études de faisabilité d’une série de projets à financer pour la période 2016-2020 notamment dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie et des transports ;
26) L’examen urgent par l’exécutif du projet de loi sur le partenariat public – privé notamment sur le BOT à soumettre au parlement pour adoption ;
27) La mobilisation et la canalisation des ressources extérieures notamment par l’assouplissement des conditions de concessionnalité dans le cadre du financement des projets d’infrastructures et des PME/PMI ainsi que l’autorisation par le Ministre des Finances de l’octroi de la garantie de l’Etat pour le financement des infrastructures et autres projets porteurs et
28) La certification des réserves minières et en hydrocarbures grâce aux travaux géophysiques d’évaluation et de certification desdites réserves.
Owandi