C’est une autre réflexion, d’ailleurs dix-huitième du genre, du philosophe François Ndjeka que scooprdc.net publie. A quelle chose malheur est bon, estime-t-il. Pour lui, le champ sémantique du concept « crise », avec tous ses dérivés, couvre, par rapport à la marche d’une nation, les points de rupture, les gestes de lutte, les situations de conflit et les moments de délibération pour arriver à la résolution et à l’apaisement. C’est donc un moment de convulsion brutale qui conduit à toutes sortes de confiscation. Confiscation des paroles, des droits et libertés. Ci-dessous la réflexion de François Ndjeka que scooprdc.net a extraite de son site www.francoisndjeka.com :
La crise politique et socio-économique qui secoue la RDC est si profonde et dévastatrice que l’on a l’impression que tout est à l’arrêt. Toutes les institutions politiques ayant été vidées de leur légitimité. Mais quel partenaire, quel investisseur sérieux peut venir signer des contrats d’investissement sérieux avec des autorités en train d’expédier les affaires courantes ? Bref, l’impression que donne aujourd’hui la République Démocratique du Congo est celle d’un pays figé dans une salle d’attente. Elle donne l’image qui ressemble à celle des chrétiens en attente de la résurrection. La résurrection à une vie nouvelle.
Mais comment une crise, comme celle que connaît la RDC peut-elle avoir des avantages ?
Quand le philosophe utilise son temps pour réfléchir sur le vécu politique et ontologique de ses contemporains, il ne fait que s’incliner devant une exigence qui le définit et le détermine, à savoir chercher à comprendre l’objectif à partir du subjectif et éclairer le subjectif par l’objectif. En dépit de ses effets mortifères, la crise multiforme qui touche le Congo aura révélé un double avantage. Primo, elle aura permis au souverain primaire, c’est-à-dire au peuple congolais de savoir qui est qui parmi les acteurs politiques congolais. Qui est celui qui se bat pour accéder à titre personnel à la mangeoire et celui qui se bat pour l’intérêt supérieur du peuple !
Cette crise a donné l’occasion au peuple congolais de débusquer toutes les idoles éphémères auxquelles il s’était attaché. Des leaders politiques qui semblaient incarner les valeurs d’engagement politique pour la défense des droits et des intérêts de la population se sont autodisqualifiés l’un après l’autre. Ils en sont arrivés là parce que la plupart d’entre eux ne disposent pas d’une cuirasse morale solide pour résister devant la faim et la pauvreté. Voilà pourquoi ils succombent, sans combat, aux sirènes de l’argent facile de la corruption. Ce fait à lui seul représente un acquis majeur de cette crise, en ce sens qu’elle va permettre au peuple , lors des scrutins à venir, de renverser l’ordre politique ancien, en donnant congé à tous ces politiciens véreux et corrompus dont la moralité avoisine dangereusement celle de la femme prostituée avant sa rencontre avec Jésus. Le peuple va devoir se chercher des valeurs sûres pour incarner le renouveau politique de la Rdc !
Secundo, cette crise aura eu l’avantage d’exposer devant les regards du monde et spécialement des Congolais tellement des laideurs, tellement des bassesses, tellement des perfidies que cela pourrait les amener à se dire « plus jamais ça ! » et les engager résolument sur la voie de la rectitude, de la correction. Les Congolais pourraient, après avoir éprouvé sur eux les affres de la crise et de la trahison, donner à leurs pratiques politiques et sociales une base éthique qui a été présentement abandonnée dans les tiroirs.
Nelson Mandela, n’avait-il pas dit cette sagesse qui pourrait aider les Congolais à savoir « quand tu t’es battu si dur pour te remettre debout, ne retourne jamais vers ceux qui t’ont mis à terre ! »
Après avoir été soumis durant plusieurs années à des régimes de prédation et d’asservissement, les Congolais doivent à présent accéder à un niveau de conscience tel qu’ils peuvent être capables désormais de déceler parmi les politiciens tous les loups vêtus de peau d’agneau afin de leur priver l’occasion de trahir à nouveau leurs aspirations profondes. Le peuple congolais doit s’arracher de ce mal-être existentiel du type régressif qui risque de le convaincre qu’il est venu dans le concert des nations uniquement pour souffrir. Il faut une rupture libératrice. Et tout ce qu’il vit aujourd’hui doit l’aider à y arriver !
Un travail énorme en matière de sensibilisation doit être mené en direction des Congolais pour qu’ils intériorisent tous les aspects d’une lutte de libération et qu’ils se mettent à l’état où se trouvait la création post-déluge : attentive, prompte à respecter l’ordre nouveau et mobilisée par l’urgence de tout rebâtir. Il va falloir que les Congolais prennent distance avec les discours des politiciens qui ne sont que tartuferies, vapeurs toxiques insufflées pour endormir.
C’est pourquoi, je demande à chaque Congolais, à la suite du cinéaste Masao Adachi qui a écrit « le bus de la révolution passera bientôt près de chez toi » s’il est prêt à y monter ? Et cela, même s’il ne sait pas au départ qui en est le conducteur ? Oui, commençons par y monter et puis nous débattrons et déciderons avec tous les voyageurs de la direction à prendre qui soit la plus souhaitable pour tous.
Dans le contexte d’une volonté d’accaparement du pouvoir d’Etat par des mécanismes de ruse, il est un devoir pour chaque Congolais de scruter, dans l’urgence d’un ici et maintenant, l’approche de ce bus de la révolution pour ne pas rater l’embarquement. Seule une démarche pro active et courageuse sonnera le glas d’une tyrannie qui ne dit pas son nom. Tyrannie qui, malgré les apparences, n’a pas encore gagné et ne gagnera réellement jamais !