Mercredi 20 septembre, le nouveau chef coutumier Jacques Ntumba a demandé, par l’entremise de Matthieu Ntolo qui en fait la lecture au Forum de paix, de réconciliation et de développement dans l’espace Grand Kasaï, pardon au nom de la famille régnante à toute la communauté Kasaïenne. Un pardon exprimé en ces termes : « nous, fils de Dibatayi, frères consanguins du feu grand chef Kamuina Nsapu Mpandi, nous avons l’obligeance de prendre parole au début de ces travaux pour demander pardon à toute la grande communauté du Kasaï pour la tragédie vécue des faits et actes de notre défunt frère le grand chef Mpandi Kamuina Nsapu. Notre démarche ne constitue en rien une aura sur pro domo mais elle véhicule un sens aigu de repentance ».
Toute la communauté Bajila Kasanga à Kananga et dans le monde est estomaquée, ébahie, déçue par ce mea culpa qui ressemble à un coup de couteau fourré à feu Kamuina Nsapu Mpandi dans le dos, dans sa tombe. La majorité des notables de cette grande communauté chez les Lulua que scooprdc.net a interrogés, disent ne pas comprendre le sens du pardon de Jacques Ntumba et concluent que ce successeur de Kamuina Nsapu Mpandi a été poussé au dos par les ténors du PPRD pour présenter ses excuses à la communauté kasaienne, alors que l’une des parties au litige, le Gouvernement à travers ses animateurs qui ont mal géré le dossier Kamuina Nsapu, ne l’a pas fait. Peut-on avec cette attitude qui frise la mégalomanie se leurrer sur l’issue de ce dialogue biaisé ? S’interrogent beaucoup de notables Bajila Kasanga et autres leaders kasaiens qui estiment que la paix des braves est celle conclue entre belligérants, sans vainqueur ni vaincu. Ils concluent que la paix imposée et obtenue à la suite d’intrigues ou semblant de victoire est empreinte de frustrations et éphémère.
Qui de chef Kamuina Nsapu Mpandi ou du trio Boshab-Kande-Kalev est auteur des troubles dans les Kasaï ?
Tout commence par le gel de la procédure conduisant à la signature de l’arrêté par le ministre de l’intérieur reconnaissant Kamuina Nsapu Mpandi comme chef coutumier. Le péché de ce dernier c’est d’avoir refusé d’adhérer au PPRD, parti au pouvoir. Il donne comme raison qu’ « en tant que chef coutumier, il a des enfants au PPRD, à l’UDPS et d’autres comme Clément Kanku sont chefs de leurs propres partis. Comment se comportera-t-il s’il adhérait au PPRD ». Cette raison ne passe pas chez Evariste Boshab, alors vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et ancien SG du PPRD. Elle ne passe non plus chez Alex Kande, alors gouverneur de l’ancien Kasaï Occidental puis du Kasaï central, qui lui formulera aussi la même demande d’adhérer à son parti, le CAAC. S’en suivent des moments difficiles pour Kamuina Nsapu Mpandi qui en voit de toutes les couleurs mais ne fléchit pas. Ce dernier très menacé, déclare à sa communauté : « Boshab a tué mon père, il veut me tuer aussi. Je suis prêt à mourir et il fera de moi un héros ».
Intervient ensuite une perquisition chez le chef Kamuina Nsapu, soupçonné de détenir des armes. Cette perquisition se fait à son absence pendant qu’il est en Afrique du sud. Les militaires dépêchés n’ayant rien trouvé, saccagent sa maison, violent sa femme et sa belle-sœur, et détruisent ses effets ancestraux. Après constat à son retour chez lui, le chef Kamuina Nsapu appelle son cousin Daniel Mbayi, qui est député provincial et lui exprime son vœu de rencontrer le gouverneur Kande pour se plaindre. Alex Kande accepte la rencontre et lui fixe rendez-vous. Kamuina Nsapu quitte, à ses frais, Nsapu son village situé à 120Km de Kananga pour rencontrer Alex Kande. Le jour du rendez-vous, il se présente au Bâtiment Administratif à 9h00 où le protocole du gouverneur le fait attendre. Il se tourne le pouce jusqu’au soir pour se voir dire que le gouverneur n’était pas disposé à le recevoir. Pas même le jour suivant. Il reçoit la même fin de non-recevoir chez Evariste Boshab.
Retournant chez lui, le chef Kamuina Nsapu, comme pour se venger, décrète l’opération sans agent de l’ordre dans son groupement. Arrive le premier affrontement avec les forces de l’ordre. Evariste Boshab et Kalev Mutond débarquent à Kananga et le somment de se rendre dans deux jours. Sinon, le menacent-ils, on le ramènera à Kananga vif ou mort. Le chef Kamuina Nsapu exige l’escorte et la protection de la Monusco. Demande rejetée par Boshab qui exécute sa menace. Kamuina Nsapu est ramené mort à Kananga, mutilé. Est-ce pour cela que son successeur a demandé pardon ? Monde à l’envers ! S’en suit, alors, la révolte de ses sujets qui se constituent en milice contre le pouvoir en place. L’espace Grand Kasaï est déstabilisé : en neuf mois, au moins 3.000 morts dont 9 chefs coutumiers décapités, plus de 80 fosses communes, au moins 1,3 millions de déplacés, près de 90 temples et églises y compris l’évêché et couvents des sœurs de Luebo et 45 formations sanitaires détruits et 72 pillées, 1154 écoles attaquées dont 423 incendiées, 69 résidences privées saccagées ainsi que les matériels de la Ceni Luebo…
Face à cette tragédie dans l’espace kasaïen et malgré ce tableau sombre de conséquences, le président Joseph Kabila ne cesse de parler d’un banal conflit coutumier mal géré. Par qui ? Qui de Kamuina Nsapu Mpandi ou du trio Boshab-Kande-Kalev endosse la responsabilité ? C’est là que le peuple kasaïen attend voir la justice faire correctement son travail et soulager les victimes. Sinon la réconciliation recherchée ne serait que mascarade.
Georges Ilunga