Dans son discours d’ouverture, vendredi 15 septembre, de la session ordinaire à l’Assemblée nationale, le président de cette chambre basse, abordant la question du processus électoral, a déclaré que, nous le citons : « aujourd’hui, la seule issue fiable et royale pour sauver notre jeune démocratie demeure indubitablement l’organisation de ces élections tant attendues ». Il a par cette occasion invité les députés nationaux, mieux la classe politique congolaise à ne pas produire le même refrain sur la scène, ni les mêmes polémiques d’avant 2016, mais plutôt de créer chaque jour qui passe un cadre clair, limpide et irréversible menant vers les élections dans un délai raisonnable.
Sans circonscrire « ce délai raisonnable », Aubin Minaku a appelé les acteurs politiques à prêcher par l’exemple, la juste mesure et le juste équilibre toutes les fois que des écueils se dresseront contre l’objectif poursuivi qui est, selon lui, l’organisation des élections générales et crédibles dans un délai accepté sans précipitation inconsidérée et sans lenteur excessive. Un langage jugé de diplomatique par plusieurs analystes de la scène politique congolaise. Ces derniers se l’expliquent par le fait que le président de l’Assemblée n’ait pas allusion à la date du 31 décembre fixée dans l’Accord du 31 décembre 2016.
Ces députés nationaux qui ne veulent pas aussi des élections !
Tous les boulets rouges sont dirigés contre le président Joseph Kabila, accusé de bloquer, de manœuvrer, de torpiller, d’enliser le processus électoral. A son âge, avec tous les flots de critiques, d’injures et de mépris qu’il encaisse quotidiennement, il disjoncterait ou piquerait une crise d’AVC s’il n’avait pas de nerfs solides…
Mais seulement, le président Joseph Kabila n’est pas le seul à vouloir rester longtemps au pouvoir, il y a aussi ces députés nationaux qui siègent au Palais du Peuple. Ils ne veulent pas eux non plus de ces élections. Visiblement ils ne s’empressent pas de mettre à la disposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) les lois importantes liées au processus électoral. C’est notamment la loi électorale revisitée ou modifiée et celle sur la répartition des sièges. A ce sujet, Aubin Minaku dit dans son discours : « s’agissant du projet de la loi modifiant et complétant la loi électorale, il ferait l’objet d’un examen au cours de cette session, pourvu que le texte soit déposé par le Gouvernement dans les délais requis ».
Bien que le président de l’Assemblée nationale promette qu’il veillera à ce qu’il soit, mais le fait de dire « pourvu que » signifie dans l’entendement de certains analystes qu’il y a aucune contrainte ou pression exercée sur le Gouvernement pour le faire vite. En d’autre terme, c’est un chèque à blanc que l’Assemblée nationale accorde au Gouvernement, celui de disposer de tout son temps pour produire ces projets de loi essentiels pour la tenue des élections. Le « temps requis » d’Aubin Minaku donne l’apparence d’une politique d’autruche, d’autant plus que cette modification de la Loi électorale est tributaire de la fin d’opérations d’enrôlement qu’effectue la CENI pour pouvoir déterminer le coefficient électoral. Quand on sait que la CENI vient de commencer ces opérations d’enrôlement dans les Kasaï et qui doivent prendre trois mois, il est moins probable que le Gouvernement ne dépose ce projet de loi avant décembre prochain. Ce qui exclut clairement la tenue des élections à la fin de l’année 2017.
Peur d’aller au chômage…
Le glissement du mandat de Joseph Kabila ayant entrainé celui des députés nationaux est très bénéfique pour beaucoup d’entre eux. La plupart venue des milieux ruraux et n’ayant jamais dans leur vie touché des revenus équivalant aux émoluments offerts par l’Assemblée Nationale, ne voudraient pas voir s’évanouir ce grand « privilège » et quitter le train de vie à la bourgeoisie. Non sans raison, ils voient devant eux un grand risque de ne pas être réélus aux prochaines législatives. L’expérience de 2011 est démonstrative : moins de 20% des députés de 2006 sont retournés à l’Hémicycle. Et face aux faiblesses manifestées par les députés actuels, caractérisées par la corruption, le laxisme, le clientélisme et la complaisance, l’engouement des candidatures aux prochaines législatives est à attendre. Il y a les ambitions de la jeunesse montante, des mouvements citoyens et bien évidemment des chefs des confessions religieuses qui veulent se jeter aussi dans l‘eau. Si en 2006, la Centrale électorale avait enregistré 9.000 candidats députés nationaux, en 2011, ils étaient 18.864. Et pour les législatives prochaines, les projections vont de 36.000 à 40.000 candidats auxdites élections. Le risque à prendre est certes grand pour les actuels honorables députés nationaux. D’où, responsabiliser et étrangler seul Joseph Kabila, relève franchement de la boulimie. La responsabilité dans le blocage du processus électoral est partagée.
Ginno Lungabu