On ne parlait pas de lui depuis sa défection des Forces Armées de la République Démocratiques du Congo (FARDC) en aout 2012 suivie de quelques déclarations sur les médias. Après s’être soustrait de Kananga, chef-lieu de l’ancien Kasaï Occidental, où il était Commandant adjoint et Chef d’état-major de la 4ième Région militaire, le colonel John Tshibangu, parce qu’il s’agit de lui, s’était en premier temps opposé à la « rwandalisation » du camp Bobozo qui venait de recevoir plus de mille militaires d’appartenance tutsi, avant de muer ses revendications militaires en celles électorales. Celui qu’on soupçonnait être de connivence avec le très controversé député national déchu Roger Lumbala qui rejoindrait le M23, déclara dans les médias : « J’ai fait défection et avec un bon nombre de nos militaires. Je vous informe que nous sommes le mouvement pour la revendication de la vérité des urnes. Quand nous luttons contre toute forme de balkanisation de notre très beau pays, le Congo, c’est-à-dire que nous sommes contre tous ceux-là qui cherchent à amener notre pays à une balkanisation. La population congolaise demande le changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l’installer à la tête de l’Etat». Mêmes revendications que celles de Roger Lumbala…
Mais seulement, le colonel John Tshibangu et son Armée Populaire pour le Changement et la Démocratie (A.P.C.D.) n’étaient que feu de paille. Beaucoup de témoignages confirment avoir vu cet officier FARDC en France. Et depuis, plus rien. Mais on le ressuscite dans le Sud-Ubangi où depuis jeudi 31 aout dernier, les services de sécurité avec en tête les FARDC arrêtent à Gemena des jeunes gens suspectés d’appartenir au groupe armé de ce Colonel déserteur des FARDC dont la base arrière serait installé dans un pays voisin frontalier au Sud-Ubangi. Les maisons de certains habitants de Gemena sont perquisitionnées sans mandat par les services de sécurité à la recherche des infiltrés envoyés dans le but de recruter des hommes dans les rangs de cet éventuel groupe armé qui se préparerait à attaquer le chef-lieu du Sud-Ubangi. Ces arrestations de jeunes qui se poursuivent, provoquent la panique au sein de la population.
scooprdc.net apprend que les responsables provinciaux de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) et de la Direction Générale de Migrations (DGM) seraient à Kinshasa pour ce dossier.
Mais qui est le colonel John Tshibangu ?
Né en 1970 à Kananga, cet ancien commandant second et chef des opérations de l’ancienne 4ièmeRégion Militaire des FARDC basé à Kananga, est un militaire de formation doté des expériences de guerre de l’armée nationale et de la rébellion. Il a servi le Congo-Zaïre et s’est distingué par sa loyauté, son humilité et surtout sa bravoure !
Il fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale avant de s’enrôler en 1988 à l’Ecole de Formation Militaire (EFO). Par la suite il passe un concours de sélection et rejoint le Camp Kitona au Bas-Congo, actuelle Kongo central. Ensuite, il sera envoyé en Israël pour une formation de Commando Anti-terroriste pendant une année, avant de revenir au pays au Centre d’entrainement des troupes aéroportés (CETA) pour une autre formation de para-commando et renseignements militaires. Le Sous-lieutenant John Tshibangu est affecté aux Services d’Action et de Renseignements Militaires (SARM) à Kinshasa. Il intègre par la suite la Division Spéciale Présidentielle (DSP). Devenu lieutenant, cet officier va participer dans différents séminaires sur le commandement de bataillons et de compagnies.
A l’avènement de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) en 1996 avec Mzee Laurent Désiré Kabila, il se trouve à Kinshasa. Les Forces Armées Zaïroises (FAZ) étaient désormais les Forces Armées Congolaises (FAC). Le lieutenant John Tshibangu est nommé Commandant du Régiment Kongolo I par le président Laurent-Désiré Kabila qui préfére travailler avec les jeunes officiers… Il part à Mwene-Ditu, Kongolo, puis Uvira. C’est là qu’il est placé comme Commandant de Bataillon, basé à Baraka.
En 1998, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) que venait de créer le Rwanda pour combattre le régime de LD Kabila, fait face aux troupes loyalistes dirigées par le Commandant John Tshibangu. Trahi par Kalemie qui devait les ravitailler en munitions, John Tshibangu et ses compagnons d’armes, à bout de munitions, finissent par se rendre à l’ennemi qui les intègre dans l’armée du RCD-Goma.
Un « rebelle » malgré lui
N’ayant pas rompu le contact avec sa hiérarchie militaire à Kinshasa, John Tshibangu refuse d’être dompté par le RDC & Alliés. Il prépare en toute discrétion une opération commando qu’il réussit : il infiltre avec un commando à bord d’un Antonov de la compagnie rwandaise CAGEL qui opérait un vol entre Goma – Kindu pour acheminer des militaires RDC & Alliés au front, et le détourne. Il neutralise les passagers à bord et instruit l’équipage de mettre le cap sur Kinshasa, via Mbuji-Mayi. Malheureusement, l’appareil n’a pas assez de carburant. Il atterrît en catastrophe à Sala-Mabila, au Maniema.
Le commando John Tshibangu est arrêté, torturé et ramené à Goma où il est jugé et condamné à mort. Il est emprisonné au Rwanda, mais parvint à s’évader six mois plus tard. Il rentre à Goma et est de nouveau arrêté. Cette fois, il est déféré devant un tribunal siégeant en audience publique dans la salle de la Banque de Développement des Pays de Grands-Lacs (BDGL). Il est encore condamné à mort, et en attendant la sentence, il est incarcéré à la Prison centrale de Munzenze. John Tshibangu parvient une fois de plus à s’évader.
Ne pouvant plus rester à Goma où il est recherché par les services du RCD-Goma et alliés, John Tshibangu connait quelques semaines de vie clandestine dans cette ville avant de prendre contact avec des officiers amis d’un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD/KML dirigé par Mbusa Nyamwisi. Ce dernier entretenait déjà des relations de collaboration avec le nouveau Gouvernement de Joseph Kabila à Kinshasa. John Tshibangu quitte finalement Goma et rejoint le territoire de Beni-Lubero sous l’administration du RCD/KML. Dans ce territoire, il prend part aux combats contre les troupes du RCD-Goma et Alliés dans leur tentative de percer vers le nord de la Province du Nord-Kivu en passant par Kanyabayonga. Il participe aussi aux batailles contre le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont les forces tentent de conquérir Bunia et Isiro dans le cadre de la fameuse opération « Effacer le tableau ». Dans cette partie du pays, John Tshibangu se distingue dans les méthodes de la guérilla et l’organisation des forces d’auto-défense populaire, communément appelé maï-maï. En guise de gratification il est nommé Commandant de la brigade de Butembo.
A la suite des accords de Sun City de 2003 qui consacrent la réunification du pays, John Tshibangu réintègre l’armée nationale et est nommé Commandant de la Brigade de Beni. Il prend part à Kisangani en 2005 au processus de brassage et de formation de nouvelles brigades pour la mise sur pied de la nouvelle armée nationale et devient par la suite Commandant de la 14e Brigade intégrée basée à Shabunda. En 2011, il est nommé chef d’état-major de la 4ème région militaire dirigée par le général Obedi Rwabasira qui est aussi beau-frère au général Laurent Nkundabatware.
Depuis sa défection, celui qui s’est autoproclamé Lieutenant-Général ne cache plus son hostilité à l’endroit du président Joseph Kabila et sa détermination de le chasser du pouvoir. Va-t-il y parvenir ? Est-ce avec cette aventure à partir du Sud-Ubangi ? Wait and see, comme nous le conseillent les Anglais.
Owandi